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Revaloriser la mobilité des jeunes ultramarins

La mobilité, qui peut apparaître comme une contrainte, présente en fait pour les jeunes et plus particulièrement pour les jeunes ultramarins de nombreux avantages. En effet, elle favorise la confiance en soi, développe les capacités d’adaptation et de prises d’initiatives, aide à l’acquisition de nouvelles compétences et pratiques linguistiques, facilite l’accès au monde du travail, etc. Dans les Outre-mer, la mobilité est notamment imposée par l’éloignement et par une offre de formation incomplète ou saturée. En outre, jusqu’à présent, les Outre-mer ne parviennent pas à insérer professionnellement tous les jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail de leur territoire. La mise en place de dispositifs facilitant la mobilité des jeunes ultramarins est non seulement primordiale pour répondre aux besoins de formation mais également pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle sur leur territoire ainsi que dans leur environnement géographique.

L’importance de la mobilité pour se former ou trouver un emploi doit donc être démontrée aux jeunes ultramarins.

Dynamiser et adapter les passeports mobilité-études et formation professionnelle

Le passeport mobilité-études consiste en la prise en charge par L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (LADOM) de billets d’avion pour les étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études dans l’hexagone en raison de l’absence sur leur territoire de la filière choisie ou de son caractère incomplet. Dans le cadre du passeport mobilité professionnelle, les jeunes ultramarins se forment en métropole en bénéficiant de prestations mises en œuvre également par LADOM.

ٰRevoir la réforme des dispositifs de mobilité

Le CESE considère que la réforme des dispositifs de mobilité en faveur des jeunes ultramarins, initiée en 2009, a surtout été motivée par des contraintes budgétaires. Cette réforme a eu notamment pour effet de limiter leur portée. Il note que la mise en place de critères de revenus n’envoie pas un signal positif aux jeunes ultramarins qui se trouvent dans l’obligation de partir en métropole pour étudier et se former. Ce signal risque d’être d’autant plus mal perçu, en ces temps de crise, que les jeunes ultramarins qui décident de se rendre en métropole doivent se résoudre à se séparer pendant au moins une année entière de leur famille, de leurs amis, s’adapter à un nouvel environnement, à de nouvelles conditions climatiques, etc.

Le CESE préconise que soit rétablie la prise en charge complète du coût du transport aérien, pour un voyage par an, pour l’ensemble des jeunes ultramarins dont les familles remplissent les conditions de ressources instaurées par la réforme du passeport mobilité-études.

Le CESE préconise qu’un bilan de la réforme des dispositifs de mobilité en faveur de jeunes ultramarins soit effectué d’une part pour vérifier que les objectifs visés ont été atteints et d’autre part pour s’assurer que les jeunes ultramarins n’ont pas été lésés.

Cette évaluation devra porter à la fois sur les aides de l’État et celles des collectivités locales. Elle pourrait être menée par la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État Outre-mer (CNEPEOM) ou par le Département de l’évaluation des politiques publiques et de la prospective de la direction générale des Outre-mer (DGOM).

ٰMettre en place un accompagnement des étudiants ultramarins bénéficiaires du nouveau passeport mobilité-études

Le CESE considère qu’un dispositif de mobilité ne peut réussir que s’il fait l’objet d’un accompagnement humain et individualisé permettant de compenser et de résoudre les difficultés personnelles et matérielles que la mobilité génère. Certes, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) a signé avec les collectivités d’Outre-mer des conventions41 pour améliorer l’accueil des ultramarins boursiers. Mais cette démarche doit être poursuivie envers l’ensemble des étudiants ultramarins bénéficiant du passeport mobilité-étude et s’inspirer de celle mise en œuvre par LADOM envers les bénéficiaires du passeport mobilité professionnelle42. En effet de nombreux étudiants ultramarins venus poursuivre leurs études en France métropolitaine se trouvent bien souvent en difficulté et échouent dans leur cursus scolaire ainsi que dans leur insertion professionnelle. Cet échec a un effet démobilisateur sur les jeunes ultramarins candidats à la mobilité.

Le CESE préconise la mise en œuvre, par L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité, d’un accompagnement des étudiants ultramarins bénéficiaires du passeport mobilité- études, accompagnement qui devrait susciter davantage de candidatures à la 41 Quatre conventions sur l’accueil des étudiants ultramarins en métropole ont notamment été signées entre le CNOUS et le Conseil régional de la Réunion (le 30 mars 2009), le Conseil régional de la Guadeloupe (le 18 juin 2009), le Conseil régional de la Guyane (4 novembre 2009), le Conseil régional de la Martinique (28 janvier 2011). Une convention sur l’accueil des étudiants ultramarins en métropole a été signée en 2009 entre le CNOUS et la Maison de la Nouvelle-Calédonie, 12 octobre 2009 entre le CNOUS et le Conseil général de Mayotte et le 17 mai 2010 entre le CNOUS et la Polynésie française.

42 Prévot-Madère Jöelle, La mobilité pour motif de formation des jeunes ultramarins : un enjeu majeur, contribution à l’avis du CESE n° 2011-13 intitulé La mobilité des jeunes, rapporté par M. Jean-François Bernardin, Les éditions des Journaux Officiels, novembre 2011.

mobilité, améliorer l’accueil des jeunes ultramarins, la connaissance de leurs droits, faciliter leurs recherches de stage et garantir une meilleure réussite notamment dans le premier cycle universitaire. Les collectivités territoriales et les associations d’étudiants ultramarins ont également un rôle à jouer dans cet accompagnement.

ٰMieux adapter le nouveau passeport mobilité professionnelle»

Le CESE ne peut que constater l’écart entre la prestation offerte par le passeport mobilité-études et les prestations mises en œuvre dans le cadre du passeport mobilité professionnelle (accueil, accompagnement, suivi, aides financières, etc.). Néanmoins, des améliorations sont encore possibles. Le CESE préconise que les jeunes mineurs puissent bénéficier du passeport mobilité professionnelle. En outre, depuis la réforme du passeport mobilité, l’allocation complémentaire de mobilité ne peut être versée que sur 24 mois alors qu’auparavant, il n’y avait pas de limite spécifique. Or certaines formations sociales ou sanitaires (études d’infirmières) peuvent se dérouler sur plus de deux ans. Le CESE préconise que la période de versement de l’allocation complémentaire de mobilité couvre toute la durée de la formation. Enfin, la mobilité des jeunes étrangers scolarisés mais sans papiers en Guyane, à Saint-Martin et à Mayotte devraient faire l’objet d’un examen particulier.

Favoriser la participation de davantage de jeunes ultramarins au programme ERASMUS +

Le programme ERASMUS + se concentre sur la mobilité des individus à des fins d’apprentissage, la coopération en matière d’innovation et de bonnes pratiques, etc.43

L’Agence Europe éducation formation France est mandatée par la Commission européenne pour assurer la promotion et la gestion du programme ERASMUS +. Le CESE préconise que l’Agence Erasmus + France/Éducation Formation dispose de moyens spécifiques pour communiquer et informer en direction des territoires ultramarins et prendre en charge davantage de jeunes ultramarins dans le cadre d’ERASMUS +.

Susciter une mobilité entre les Outre-mer

et les pays et territoires de leur environnement régional

L’éloignement des Outre-mer vis-à-vis de l’hexagone et du continent européen est souvent présenté comme un handicap. Mais cet éloignement signifie aussi que certains Outre-mer sont proches de pays ayant un fort potentiel économique (le Brésil, l’Afrique du sud, le Canada, la Chine, etc.) et offrant donc des opportunités d’insertion professionnelle pour les jeunes ultramarins maîtrisant la langue de ces territoires. Cet éloignement signifie aussi que les Outre-mer, véritables « îlots francophones », devraient être considérés comme de véritables fers de lance d’une politique de la francophonie renouvelée. Or dans le rapport La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable44, les auteurs rappellent que « le potentiel économique de la francophonie est énorme et insuffisamment exploité par la 43 Règlement (UE) n°  1288/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 établissant ERASMUS + : le programme de l’Union pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport et abrogeant les décisions n°1719/2006/CE, n°1720/2006/CE et n°1298/2008/CE.

44 Attali Jacques, Brotons Adrienne (rapporteur, inspectrice des finances), Delorme Angélique (rapporteur, auditrice au Conseil d’État) avec la participation de Claudia Vlagea, La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable, rapport au Président de la République, août 2014.

France ». Les Outre-mer devraient contribuer à développer l’espace francophone en créant notamment un dispositif selon le modèle d’ERASMUS  + dans leur espace régional et en exportant mieux leur savoir-faire éducatif. Les jeunes ultramarins pourraient ainsi bénéficier de possibilités nouvelles pour se former mais aussi trouver un emploi en particulier dans l’espace francophone proche d’eux.

ٰUn véritable effort en faveur de l’apprentissage des langues

Dans son avis intitulé La mobilité des jeunes45, le CESE considère que « l’apprentissage des langues en France est un enjeu essentiel pour promouvoir la mobilité. Force est de constater qu’aujourd’hui la pratique d’un anglais oral est une condition nécessaire sinon suffisante à la mobilité internationale. Mais la connaissance d’une deuxième voire de plusieurs langues étrangères est un atout majeur. Le CESE estime indispensable qu’un plan ambitieux soit élaboré par le ministère de l’Éducation nationale avec l’appui des conseils régionaux et généraux  ».

Le CESE préconise que l’enseignement et la formation aux langues étrangères soit améliorée dans les Outre-mer avec un véritable enseignement dès le primaire et des stages linguistiques dès la seconde. Cette amélioration des connaissances linguistiques des jeunes ultramarins est un enjeu primordial et devrait être soutenue par la création d’instituts de langue, de lycées internationaux ou de cours dès le primaire, etc. Une meilleure maîtrise des langues étrangères par les jeunes ultramarins devraient avoir des effets bénéfiques sur les économies locales en dynamisant certains secteurs comme le tourisme par exemple ou en impulsant des activités économiques dans le cadre de la coopération régionale par exemple.

ٰCréer un dispositif selon le modèle d’ERASMUS + dans l’espace régional des territoires ultramarins et soutenir les partenariats régionaux

Alors qu’actuellement dans la majorité des cas, les relations et les coopérations des Outre-mer se réalisent avec la métropole et avec les pays européens, chaque territoire ultramarin devrait renforcer sa coopération dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de la formation professionnelle avec les pays de sa zone géographique. Ainsi Le CESE, dans ses rapports et avis intitulés Pour un renforcement de la coopération régionale des Outre-mer, considère « que le renforcement des relations des Outre-mer avec les pays de leur environnement géographique doit passer par la création d’un dispositif scolaire et universitaire selon le modèle d’ERASMUS dans les territoires ultramarins. La mise en place de ce nouveau dispositif devrait permettre d’accéder à des cursus et à des stages. Elle devrait traiter la question de l’équivalence des diplômes entre les différents systèmes d’enseignement (…)46. »

La préconisation de créer un dispositif selon le modèle d’ERASMUS  + dans l’espace régional des territoires ultramarins a reçu un bon accueil mais tarde à être concrètement mise en œuvre. Le CESE préconise d’expérimenter ce dispositif dans un territoire ultramarin volontaire en le finançant notamment par des fonds européens et de l’évaluer avant une éventuelle généralisation. Ce dispositif pourrait offrir aux jeunes ultramarins de nouvelles possibilités pour se former et s’insérer professionnellement.

Il pourrait aussi contribuer à consolider et à développer l’espace francophone proche des Outre-mer, espace source d’un développement durable possible.

45 Bernardin Jean-François, La mobilité des jeunes, avis du CESE n° 2011-13, Les éditions des Journaux officiels, novembre 2011, p. 35.

46 Budoc Rémy-Louis, Pour un renforcement de la coopération régionale des Outre-mer, avis et rapport du CESE n° 2012-09, Les éditions des Journaux officiels, mai 2012, p. 24.

Parmi les pays étrangers où se rendent les élèves et les étudiants ultramarins, le Canada, et en particulier la province de Québec, occupent une place particulière. L’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) accompagne chaque année des milliers de jeunes Français de 18 à 35 ans dans la réalisation de leur projet professionnel ou de formation au Québec. Réciproquement, l’OFJQ soutient les jeunes Québécois pour des projets en France.

Considérant que l’autonomie, l’acquisition d’expérience et de compétences pour un accès ou un retour plus rapide à l’emploi sont autant d’objectifs visés après une période de mobilité à l’international  ; le CESE préconise que l’Office franco-québécois pour la jeunesse conclue des conventions relatives à la mobilité avec chacun des territoires ultramarins.

ٰFaire rayonner l’enseignement initial et supérieur des Outre-mer dans leur environnement géographique

L’enseignement initial et supérieur dans les Outre-mer devrait être conçu de façon qu’il puisse davantage rayonner sur leur environnement géographique, faire la promotion des méthodes françaises d’enseignement, participer à la lutte contre la dégradation de

« l’enseignement en/et du français  »47 dans des pays francophones comme Madagascar et attirer des élèves ou des étudiants provenant de l’environnement régional des territoires ultramarins mais aussi de la métropole voire de l’Union européenne. Au Brésil et en Amérique centrale par exemple, l’apprentissage du français et donc la poursuite d’études en français sont recherchés et devraient susciter la mobilité d’étudiants vers la Guyane ou les Antilles.

C’est d’autant plus vrai que le français demeure une langue officielle internationale, que le nombre de francophones est estimé en 2014 à 230 millions par l’Organisation internationale de la Francophonie et est une des langues officielle de l’Association des États de la Caraïbe (AEC)48. Des offres en matière linguistiques, d’enseignement, d’échanges et peut être de mutualisation des moyens sont à construire. De même pour les académies ultramarines dont les effectifs scolaires baissent, le pari de l’attractivité internationale est un moyen d’enrayer le déclin de ces effectifs.

Pour atteindre l’objectif de faire rayonner l’enseignement initial et supérieur des Outre-mer dans leur environnement géographique, le CESE préconise de définir des offres de formation et de recherche dans les domaines où les Outre-mer présentent un avantage comparatif, qui contribuent au développement régional, et qui soient visibles et ouvertes sur l’international. Il préconise également d’établir des partenariats avec des institutions francophones comme l’Organisation internationale de la francophonie, les alliances françaises, l’Institut français, les écoles de la mission laïque française et le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Il s’agit donc de créer des pôles d’excellence faisant le pari de l’internationalisation en formation initiale et continue avec des internats, pôles dont la qualité n’aurait rien à envier à l’hexagone ou aux autres pays de l’environnement régional des Outre-mer.

Ces pôles pourraient se structurer dans des secteurs comme par exemple la biodiversité, l’agriculture en milieu tropical, les maladies tropicales, la biologie tropicale, l’adaptation des 47 Attali Jacques, Brotons Adrienne (rapporteur, inspectrice des finances), Delorme Angélique (rapporteur, auditrice au Conseil d’État) avec la participation de Claudia Vlagea, La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable, rapport au président de la République, août 2014.

48 L’article XIX de la convention créant l’Association des États de la Caraïbe, relatif aux langues de l’Association, dispose que « les langues de l’Association sont l’anglais, l’espagnol et le français ».

technologies modernes au climat tropical, la diversité culturelle (les langues, les coutumes, etc.), les sciences de la terre (risques naturels, adaptation au changement climatique…).

L’amélioration de l’attractivité des établissements de l’enseignement supérieur des Outre-mer serait bénéfique à la fois pour les étudiants de ces territoires mais aussi pour les étudiants des pays voisins voire pour les étudiants métropolitains et européens.

Améliorer l’insertion