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Retour sur notre revue de littérature : comment interpréter les propositions qui en ont émergé suite à nos résultats ?

Des définitions initiales qui mettent en avant, pour certaines, les notions de complexité et d’horizon temporel limité

Un simple retour sur le tableau de définitions de l’organisation temporaire (Table 1, page 23) que nous avions élaboré au chapitre 1 est instructif et permet déjà de donner un éclairage nouveau à nos résultats. En effet, en le parcourant, nous sommes étonnés d’y retrouver, parmi les définitions apportées par les auteurs, la notion de « complexité » (Goodman & Goodman, 1976) ainsi que la référence à une « inhérente incertitude » (Turner & Müller, 2003).

En revenant, de même, sur la description que Janowicz-Panjaitan et al. (2009) effectue des organisations temporaires, et qui est mentionnée dans ce même tableau, il apparaît que « la temporalité est le seul facteur qui leur est réellement caractéristique, tandis que les autres facteurs n’en sont simplement que les conséquences ou la corrélation ».

Ce retour sur cet extrait de définitions est intéressant car celui-ci avait été établi à l’issue de nos recherches exploratoires sur la littérature existante, presque deux ans avant l’analyse par théorisation ancrée que nous avons effectuée de notre terrain industriel d’étude en laissant de côté nos données.

Or, notre analyse analyse qualitative « ancrée » dans les données de terrain nous a également conduit, après réflexion, à conclure que certaines catégories émergeantes (telles que : Une coordination des tâches ajustée, ou complétée, au jour le jour ; La Conciliation des

les Décisions d’arbitrage, y compris pour la gestion de la sécurité…) découlaient, ou plutôt, étaient des réponses à deux catégories clefs propres à la nature de l’organisation temporaire : Sa nature complexe et La pression exercée par l’horizon temporel limité et son

orientation-action.

Ainsi, s’il n’est pas étonnant, pour une organisation temporaire, que la catégorie relative à la pression qu’exerce la contrainte temporelle soit apparue, peut-on considérer que, au sens de Janowicz-Panjaitan et al., la complexité n’est également qu’un phénomène résultant de la temporalité ?

Avant de tenter d’y répondre, notons que la définition que donnent Turner et Müller (2003) du projet (Table 1) est celle d’une organisation temporaire, certes, mais « transitoire » et caractérisée par une « inhérente incertitude », du fait de la « nouveauté » de l’action entreprise. Dans la définition de Turner et Müller, la notion de « transitoire » vient remplacer le concept de « limite temporelle ». Dans celle qu’il apporte en 1990 (Turner, 1990), la tâche à laquelle est attachée le projet vise « un changement » et l’est sous « contraintes de coût et de temps ». C’est donc davantage la notion de changement, et donc d’organisation « transitoire », associée à une forte « incertitude » qui est avancée par cet auteur.

Aussi, contrairement à ce qu’avance Janowicz-Panjaitan et al. (2009), il nous semble que la nature « complexe » peut être une caractéristique clef, et non directement liée à la limite temporelle, de l’organisation temporaire.

Cette réflexion nous conduit à revenir, dans un deuxième temps, sur la typologie que nous avions élaborée au chapitre 1.

La complexité et l’incertitude : des phénomènes également présents dans les organisations temporaires planifiables

En effet, devrions-nous réellement opposer planification et incertitude pour distinguer les organisations temporaires entre elles, comme nous l’avions fait dans notre tentative de typologie, au chapitre 1 ?

Le cas d’étude industriel sur lequel porte notre analyse qualitative est celui d’un projet. Aussi, il est étonnant, s’il on se réfère à notre travail de typologie initial dans lequel nous avions opposé le caractère planifiable à l’incertitude (Figure 1), de retrouver dans nos résultats de recherche une catégorie faisant référence à la complexité et, indirectement, à l’incertitude. De plus, nous avons initialement décrit notre terrain comme une organisation planifiable et avec une faible pression temporelle. Pourtant les phénomènes relatifs au temps et à l’incertitude y émergent comme des phénomènes clef… L’organisation temporaire que nous avons étudiée a fait l’objet d’une planification des tâches à son démarrage. Néanmoins, elle a manifesté, de par sa nature, des difficultés pour correctement anticiper ces tâches ainsi que leur durée. Le travail de planification qui y a été effectué ne semble donc pas avoir résisté aux effets de l’incertitude portant à posteriori sur la nature exacte des actions à effectuer et sur la façon de les coordonner.

Il nous semble donc que l’incertitude n’est pas, comme nous l’avons postulé plus haut, seulement une conséquence de la limite temporaire. Elle prend une place importante et elle finit par s’enchâsser au sein des actions qui ont été planifiées, comme cela a été le cas dans notre terrain d’étude, grâce à des modifications de plannings associées et des négociations régulières entre acteurs. Et cette planification correspond selon nous, et au sens de Labianca

et al. (2005) et de Crossan et al. (2005) cités au chapitre 1, à un mode de gestion

scientifique, par l’horloge, souvent opposé aux modes de gestion par l’événement, plus intuitifs.

Les questions de coordination qui apparaissent dans notre terrain sont donc intéressantes pour comprendre ce que peut être (ou devrait être) la gouvernance d’une organisation temporaire. Les modes de coordination observés semblent chercher à concilier deux conceptions du temps différentes : la conception scientifique qui permet de coordonner en planifiant, et la conception intuitive et liée à l’essence même des individus, qui impose de laisser de la place, au sein du formalisme organisationnel et d’une coordination rigide, à l’adaptation.

Dans l’un des entretiens menés sur notre terrain, il nous était indiqué que les agents de l’organisation pérenne, accoutumés à des plannings stricts, avaient dû être « plus réactifs,

flexibles dans la réalisation de leurs tâches ». Au début, « les agents repassaient toujours vers leur chef avant d'accepter un changement de programme ». A la fin, le planning indiquait juste que la ressource était disponible. Ils se sont habitués à une gestion type « ressources » avec des tâches susceptibles de varier un peu. Cet extrait ne révèlerait-il pas que

l’organisation temporaire a dû passer d’une gestion par l’horloge (mode de gestion partiellement mis en défaut) à une gestion par l’événement ? Quelle place donner aux échéances dans une configuration où la coordination se fait désormais en fonction des événements ?

Bergson (1934) nous le dit, l’homme pense « dans la durée » et non dans l’instant. Aussi, dans des systèmes risqués, les modes de gestion traditionnels pourraient bloquer la réflexion humaine, à la base de sa rationalité. Or, on ne stoppe pas un raisonnement. C’est un processus qui est à la base de la rationalité humaine (Simon, 1976) et la gestion par l’horloge interrompt ce processus.

Il nous semble ainsi que la complexité inhérente à l’organisation temporaire, qui tient peut- être à sa nature instable ou « transitoire », remet en cause les modes de gestion traditionnels.

De plus, nous ne pouvons nous empêcher de souligner que les exemples analysés se ressemblent beaucoup. Est-ce parce que nous n’avons pas suffisamment exploré de cas ? Certainement… Néanmoins, est-il également possible que les organisations temporaires, contrairement aux organisations pérennes, ne correspondent qu’à un nombre de cas limités et spécifiques d’organisations, telles que des événements, des projets, des cellules de gestion de crise ? Une organisation serait temporaire parce qu’elle n’aurait pas vocation à

durer. Existe-t-il finalement un nombre assez limité de configurations qui correspondent à cet état « instable » ?

L’organisation temporaire soumise à de forts enjeux de sécurité : des

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