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La présentation des principaux cadres et outils théoriques sur lesquels nous nous appuierons par la suite nous permettent désormais de situer plus précisément notre

travail de thèse par rapport à différents travaux et projets déjà évoqués dans le chapitre un.

2.4.1

Les travaux de Grugeon (1997)

Les travaux de Grugeon (Grugeon, 1997) sont à l’origine des différents travaux et projets que nous allons présenter.

Partant d’un problème de recherche portant sur les raisons de l’échec d’élèves de lycée professionnel dans leur transition en lycée d’enseignement général en algèbre, Grugeon (1997) a émis l’hypothèse que cet échec était issu de décalages entre les différentes institutions. Elle a alors construit ce qu’elle appelle une grille d’analyse multidimensionnelle de la compétence algébrique, indépendante des institutions. En référence à la théorie anthropologique du didactique (Chevallard, 1998), cette grille sert à mettre en relation les rapports personnels des élèves aux objets de savoir en algèbre avec les rapports institutionnels, et à identifier à la fois leurs difficultés mais également des leviers potentiels sur lesquels agir pour favoriser les apprentissages. Grugeon définit la compétence algébrique suivant deux dimensions (Douady, 1986) : la dimension outil (utiliser l’algèbre pour prouver, généraliser, résoudre des pro- blèmes de modélisation) et la dimension objet (l’algèbre comprend plusieurs objets comme les expressions, les équations, les fonctions, qui ont des propriétés propres). De plus, elle prend en compte le fait que le passage entre l’arithmétique et l’al- gèbre nécessite des ruptures épistémologiques (Vergnaud, 1989), et que la capacité à utiliser l’algèbre efficacement implique une habilité à articuler syntaxe, séman- tique, conceptions procédurale et structurale (Sfard, 1991), technique et sémiotique (Duval, 1993).

L’analyse de cette compétence algébrique est structurée selon six composantes, qui sont (i) le traitement algébrique, (ii) le rapport arithmétique/algèbre, (iii) la gestion dans le registre des écritures algébriques, (iv) l’articulation entre registre des écritures algébriques et les autres registres, (v) la fonction de l’algèbre et (vi) la rationalité algébrique. À chaque composante sont associés plusieurs critères : par exemple, la composante rapport arithmétique/algèbre possède quatre critères qui sont la démarche utilisée, le statut du signe =, le statut des lettres et le statut des objets, chaque critère possédant une valeur. Cette grille a permis de réaliser des analyses fines des réponses des élèves à un test diagnostic en codant leurs réponses pour établir leur profil cognitif en algèbre, profil cognitif qui est déterminé à partir de trois descripteurs : un descripteur quantitatif exprimé en termes de taux de réussite

et de traitements algébriques maîtrisés, un descripteur qualitatif mettant en avant des cohérences de fonctionnement selon l’usage des objets, le calcul algébrique, la traduction, le type de justification, et un descripteur de l’articulation entre registres et cadres. Nous renvoyons le lecteur à (Grugeon, 1997) pour une présentation plus complète et détaillée de ses travaux.

Malgré son efficacité pour, entre autres, analyser les manuels, les programmes et pointer les décalages entre institutions, la complexité et la lourdeur de ce modèle le rendent difficilement utilisable tel quel dans les classes et par les enseignants au quotidien. C’est pourquoi la création de logiciels automatiques pour permettre une utilisation pratique de cet outil a été envisagée.

2.4.2

Les projets Pépite, Lingot, PépiMep et NeoPraeval et

les travaux de Pilet

a. Présentation et historique

Notre travail de thèse s’inscrit dans la continuité de plusieurs projets de re- cherche, dont nous faisons ici un bref historique.

Après la thèse de Grugeon en 1995, les projets Pépite et Lingot se développent de 1996 à 2008 (voir Jean (Jean, 2000), Delozanne, Prévit, Grugeon & Chenevo- tot (Delozanne et al., 2008), (Delozanne et al., 2010), Grugeon (Grugeon, 2009), Chenevotot & Grugeon (Chenevotot & Grugeon, 2009), Darwesh (Darwesh, 2010)). Ces projets ont pour objectifs de concevoir des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain et de réguler les apprentissages des élèves en algèbre de manière différenciée. C’est au sein de ses projets que le test baptisé Pépite naît et que plusieurs versions de ce test se succèdent. Pépite est un test diagnostique, in- formatisé et automatisé, que des élèves peuvent passer sur ordinateur et à l’issue duquel un « profil cognitif » en algèbre est déterminé. Le fonctionnement du test, que nous détaillons au chapitre neuf, s’appuie sur les travaux de Grugeon (1997), notamment sur la grille d’analyse multidimensionnelle précédemment mentionnée.

De 2009 à 2012 prend place le projet PepiMep. Il s’agit d’un projet pluridiscipli- naire rassemblant des chercheurs en didactique des mathématiques, des chercheurs en informatique et des membres d’une association enseignante de ressources ma- thématiques en ligne, Sesamath8. La conception et le développement de ressources

mathématiques à partir de résultats de recherche ont été au cœur de ce projet.

De 2009 à 2012, Pilet (2012) travaille au sein du projet PepiMep. Sa thèse porte sur la conception de parcours d’enseignement différenciés sur les expressions algé- briques en classes de troisième et de seconde générale. Pilet s’interroge sur les besoins d’apprentissage des élèves relatifs aux expressions algébriques en fin de collège. Elle élabore une OM de référence épistémologique relative aux expressions, traque les enjeux d’apprentissages non explicitement pris en charge par les programmes et les manuels, et conçoit ses parcours dont la différenciation s’appuie sur le test Pépite.

Enfin, le projet NeoPraeval9 débuté en 2014 et étalé sur une durée de trois ans, dans lequel notre travail de thèse s’insère pleinement, vise en particulier à outiller les enseignants dans le but de gérer l’hétérogénéité des apprentissages par le dévelop- pement et la mise à disposition, sur une plateforme en ligne largement utilisée par les enseignants (WIMS), de dispositifs d’évaluations diagnostiques, automatiques, utilisables dans les classes (test Pépite), ainsi que des ressources adaptées à des besoins identifiés des élèves. Ces dispositifs se veulent dotés d’une meilleure portée diagnostique que ceux déjà existants et ne fournissent que des indicateurs généraux sur des connaissances, des compétences ou de la culture mathématique à l’échelle nationale ou internationale (PISA, évaluations de la DEPP, du MEN, etc.).

Au-delà de leur conception, ces dispositifs sont testés dans des classes réelles afin d’assurer leur viabilité auprès des élèves et des enseignants. Cette viabilité s’appuie sur des travaux de recherche déjà engagés, en particulier sur les résultats autour de l’évaluation diagnostique automatique Pépite présenté précédemment et sur les pratiques enseignantes (Robert et Rogalski 2002, Roditi 2011).

Il s’agit d’un projet articulant plusieurs domaines de recherche (évaluation, di- dactique des mathématiques, psychologie cognitive, informatique, édumétrie), impli- quant un public diversifié (enseignants, élèves, formateurs, chercheurs), et portant sur l’arithmétique en fin de cycle 3 au primaire et sur l’algèbre élémentaire en collège. Les retombées pour la recherche, pour l’enseignement et la formation des ensei- gnants se veulent être des enjeux majeurs du projet : publication d’articles scienti- fiques, engagement des enseignants dans de nouvelles pratiques d’évaluation, exploi- tation des résultats, contribution aux formations, etc.

Le projet s’organise autour de trois grandes tâches (voir figure 2.4 ci-après) : − le développement d’une expertise pour étudier la validité des outils d’évalua-

tion et concevoir des dispositifs d’évaluation ;

− l’utilisation de cette expertise pour étendre des dispositifs d’évaluation exis-

9. Voir le site du Laboratoire de Didactique André Revuz à l’Université Paris Diderot 7 pour une présentation plus complète du projet : http ://www.ldar.univ-paris-diderot.fr/page/praeval

tants ;

− l’analyse des pratiques enseignantes en classe (programmation des ensei- gnants et régulation des apprentissages).

Figure 2.4 – Structure du projet NéoPraeval autour de trois tâches

b. Positionnement du travail de thèse par rapport aux différents projets et travaux

Dans le projet NeoPraeval, nous situons notre travail de thèse au niveau de la tâche 2 et, dans une certaine mesure, au niveau de la tâche 3 (figure 2.4).

La tâche 2 a pour objectifs d’une part d’étendre le modèle diagnostique et de stratégie de différenciation à d’autres niveaux de collège (classe de cinquième et de quatrième) et à d’autres objets mathématiques (arithmétique, équations), d’autre part d’analyser l’activité des élèves et leurs productions. La méthodologie est basée sur une synthèse et une analyse de travaux de recherche en algèbre, à une analyse des programmes et des manuels scolaires, à la définition de modèles de tâches et

de grilles d’analyses, à l’analyse des productions d’élèves sur des tests en papier- crayon, et un travail collaboratif et itératif avec des enseignants pour faire évoluer ces modèles. Notre thèse porte sur les extensions en classe de quatrième et sur les équations.

La tâche 3 a pour objectifs d’enrichir, en fonction des contenus mathématiques enseignés, les catégories permettant de décrire les pratiques enseignantes (quant à la programmation de leur enseignement, à la régulation des situations d’apprentissage en classe et aux évaluations qu’ils mettent en oeuvre), de mettre en relation des ob- servables relevant de ces catégories pour mettre en exergue des cohérences dans leurs pratiques, et d’établir des critères portant sur la formation des enseignants (usages des ressources informatiques, programmation des enseignements, régulations des si- tuations d’apprentissage). Dans le cadre du travail collaboratif avec des enseignants, notre travail a permis de réaliser des apports pour aider les enseignants à concevoir des ressources sur les équations.

Nous avons fait le choix de centrer notre travail sur les équations car nous nous plaçons dans la lignée des travaux de Pilet ((Pilet, 2012), (Pilet, 2015)). Ces derniers portent sur les expressions algébriques. L’étude des équations algébriques venant après et en appui sur celle des expressions, nous avons décidé de poursuivre les recherches sur ce thème. Le fait de disposer des résultats de recherche de Pilet sur les expressions et d’utiliser une méthodologie similaire à la sienne (notamment avec la construction d’une OM de référence épistémologique) nous autorise à préciser davantage les agrégations praxéologiques entre les OM relatives aux expressions et celles relatives aux équations, et d’assurer une meilleure assise pour la conception d’un PER sur les équations en prenant en compte les besoins d’apprentissages des élèves sur les expressions.

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