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Chapitre 5 : Conclusion générale

5.2 Retombées pratiques de l’étude

Depuis quelques années, les questions de la victimisation par les pairs et de la réussite scolaire des élèves ont pris une place importante dans les préoccupations du monde de l’éducation et de la société générale. Au fil des recherches, il en est ressorti que le climat scolaire était lié tant à la prévention de la victimisation par les pairs qu’à la réussite et la persévérance scolaires ou qu’au décrochage scolaire. Plusieurs auteurs ont mentionné qu’un climat scolaire positif était lié à un plus faible taux de victimisation à l’école (Aceves et al.,

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2010; Cohen et al., 2009; Debarbieux et al., 2012; Galand et al., 2012; Guerra et al., 2011). Fallu et Janosz (2003) ajoutent que l’expérience scolaire de l’élève serait la dimension sur laquelle l’école a le plus de prise et que c’est par l’impact sur cette variable que l’organisation et les intervenants scolaires peuvent diminuer entre autres le risque de décrochage scolaire. En ce sens, les pistes d’intervention proposées et découlant de la présente étude concernent les diverses composantes du climat scolaire en apportant toutefois une attention particulière à la composante « sentiment de sécurité » qui s’est le plus démarquée.

Comme les résultats l’indiquent, l’amélioration du sentiment de sécurité dans une école est à prioriser pour la violence entre les élèves. En modifiant la Loi sur l’instruction publique et en adoptant le projet de loi 56 en juillet 2012 demandant à chaque établissement d’enseignement de se doter d’un plan de lutte contre la violence et l’intimidation à l’école, une série de règles ou un code de vie a dû être mis en place dans chaque école, assurant ainsi l’action des intervenants visant notamment à créer un climat de sécurité permettant une meilleure réussite scolaire. Un comité destiné à la prévention et l’intervention de la violence entre pairs et la promotion de la sécurité dans l’école peut ainsi être mis en place pour assurer que des actions concrètes soient prises. Comme l’ont suggéré Olweus et Limber (2000) dans leur programme d’intervention (évalué empiriquement et jugé efficace), la mise en place d’un climat sécurisant peut se faire par l’élaboration de règles claires et connues de tous, appliquées de manière cohérente, juste et équitable (Gottfredson

et al., 2005; Hurford, Lindskog, Cole, Thomasson et Wade, 2010). De manière plus précise,

Orpinas et Horne (2006) de même que Bryk, Sebring, Allensworth, Luppescu et Easton (2010), suggèrent d’identifier les valeurs profondes de l’école et de créer les règles et les conséquences en lien avec ces valeurs. Le personnel peut aussi servir de modèle quant à ces valeurs et réfléchir à leurs interventions qui risquent de ne pas être congruentes avec cette vision. Selon Bryk et ses collègues (2010), la communauté scolaire devrait aussi participer au processus de définition des valeurs de l’école et de sa mission. En ce sens, il est possible de discuter de ces règles et des sanctions possibles en cas de non-respect avec les élèves eux-mêmes, par l’entremise du conseil étudiant ou du parlement des jeunes qui représentent la majorité des élèves. Ce même processus consultatif peut aussi être fait pour les règles de classe. Pour Bryk et ses collaborateurs (2010), la présence de politiques claires

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(programmes scolaires adéquats et exigences académiques claires) est essentielle pour un climat scolaire sécuritaire. De plus, afin d’améliorer le climat de sécurité, il est possible de développer une vision et un vocabulaire communs par la mise en place de codes de conduite bien connus des élèves et des adultes, d’inciter les témoins silencieux à se positionner face à la violence entre pairs, de fournir un protocole d’intervention en situation de crise, d’avoir les ressources nécessaires pour travailler avec les élèves traumatisés par des évènements divers et de déceler toutes les embûches relationnelles pouvant nuire à l’apprentissage des élèves (Cohen et al., 2009). La présence bienveillante et constante des adultes afin d’assurer une surveillance active et un encadrement disciplinaire rigoureux semble nécessaire (Cossette et al., 2004) dans une école et une classe qui doivent aussi être physiquement bien structurées et propres (Benbenishty et Astor, 2005). De plus, lorsque les élèves sentent qu’ils sont considérés de manière juste et équitable, tant au plan des interventions comportementales de la part des adultes de l’école qu’à celui académique (via les évaluations), cela aurait une incidence positive sur leur réussite scolaire (Woolley et Bowen, 2007) et sur le niveau de victimisation par les pairs (Gottfredson et al., 2005). Au plan comportemental, lorsque les règles et les sanctions sont mises en place, connues et respectées, la cohérence des interventions est davantage présente chez le personnel scolaire.

La théorie de la motivation humaine de Maslow (1943) suggère que suite à la satisfaction des besoins de base d’ordre physiologique (premier niveau de sa pyramide), le besoin de sécurité se situant au deuxième rang doit être comblé. Ce besoin de sécurité physique et psychologique dans son milieu de vie doit être satisfait avant de pouvoir accéder au niveau supérieur qui concerne le développement de relations interpersonnelles harmonieuses et le sentiment d’appartenance à son milieu. Ainsi, des lacunes dans la satisfaction du besoin de sécurité peuvent nuire à l’enfant et à son fonctionnement tant au niveau scolaire que personnel et relationnel. Les résultats de la présente recherche soulignent ainsi la nécessité de travailler à l’amélioration du sentiment de sécurité chez les élèves en général, et chez ceux victimisés de manière ciblée.

Puisque les résultats rapportés au troisième chapitre de cette thèse suggèrent que les élèves victimes de violence de formes physique et verbale à la fin du secondaire se sentent moins en sécurité dans leur milieu que leurs pairs non-victimes de ces formes de violence, il

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importe que les interventions soient différenciées. De plus, les élèves victimes d’agression de formes matérielle, psychologique et à connotation sexuelle semblent avoir une perception similaire du climat de sécurité comparativement à leurs pairs non-victimes. Cet état de fait vient appuyer l’importance d’améliorer spécifiquement le sentiment de sécurité des élèves victimes de violence physique et verbale, mais aussi de tous les élèves de quatrième et cinquième secondaire incluant ceux victimes de violence matérielle, psychologique et à connotation sexuelle. La vigilance des intervenants scolaires quant à la reconnaissance de ces formes de violence et à l’intervention immédiate à réaliser dans ces situations est primordiale afin d’améliorer le sentiment de sécurité de ces victimes.

Certains programmes d’intervention jugés efficaces par la communauté scientifique portent entre autres sur l’amélioration du climat scolaire dans une visée bien précise. En ce qui concerne la diminution de la victimisation par les pairs, l’un des programmes de prévention le plus connu est probablement celui de Dan Olweus, soit The Olweus Bullying Prevention

Program (Olweus et Limber, 2000). A la base de ce programme, dans le but de prévenir la

violence entre pairs, l’auteur propose de travailler sur le climat scolaire. Ce programme suggère au personnel scolaire de créer un environnement chaleureux et engagé, qui annonce des limites claires concernant les comportements inacceptables, qui applique de manière constante des conséquences non hostiles à la violation des règles et qui demande aux adultes d’agir en tant que figures d’autorité, mais aussi comme modèles pour les élèves. Ce programme fait donc appel à deux composantes importantes du climat scolaire, soit le climat relationnel et de sécurité, dans le but de prévenir la victimisation par les pairs. Athanasiades et Deliyanni-Kouimtzis (2010) confirment ce constat en rapportant les résultats de leur étude réalisée en Grèce auprès d’adolescents. Selon eux, les interventions efficaces en terme de prévention de la violence entre pairs devraient employer une approche globale qui aurait pour but de renforcer l’atmosphère de confiance (climat relationnel) et de sécurité (climat de sécurité) entre les élèves, les enseignants et les parents.

Comme le suggère Deklerck (2009), une orientation davantage générale et axée sur le bien- être et le soutien social est à prioriser comme premier niveau d’intervention afin d’assurer un vécu agréable pour les élèves et, par le fait même, prévenir la violence à l’école. Cette mentalité peut aussi s’appliquer pour la promotion de la réussite scolaire. D’ailleurs, les

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modèles théoriques préconisés dans la présente recherche vont dans ce sens, suggérant un travail sur le milieu scolaire et ses caractéristiques en particulier et sur les autres sphères pouvant influencer l’élève, telles que la famille. Bronfenbrenner (1979) mentionne qu’il est important de considérer l’interaction entre l’élève (ontosystème) et le milieu scolaire dans lequel il évolue (mésosystème), puisque ces deux systèmes s’interinfluencent. Les diverses caractéristiques du milieu scolaire, dont son climat, sont liées à la réussite scolaire des élèves qui le fréquentent. C’est aussi le cas pour les caractéristiques familiales de l’enfant qui peuvent influencer le développement de ce dernier de même que ses chances de réussite scolaire. Des interventions bâties en ce sens sembleraient donc pertinentes pour favoriser la réussite et la persévérance scolaires des élèves. En lien avec la prévention de la victimisation par les pairs, Benbenishty et Astor (2005) ajoutent qu’il est important d’intervenir sur le soutien social offert aux élèves et sur le climat d’école, dont la clarté des règles et des politiques qui y sont présentes. Ces visions de l’intervention coïncident avec des actions concrètes basées sur les composantes du climat scolaire. Toutefois, des interventions ciblées doivent aussi être adaptées pour la clientèle des élèves victimisés et pour ceux de la fin du secondaire précisément, dans le but d’optimiser leur chance de réussite et de persévérance scolaires.

Enfin, étant donné l’importance des enjeux scolaires abordés dans le cadre de cette thèse pour l’avenir de nos enfants et de notre société, tant en ce qui concerne la prévention de la violence entre pairs que l’amélioration de la réussite et de la diplomation des élèves, de nombreuses perspectives de recherche sont possibles pour améliorer les connaissances actuelles sur ces sujets. Cette thèse aura quant à elle permis de démontrer que le climat scolaire tel que décliné en quatre composantes a une influence réelle et distincte sur la victimisation par les pairs et ses différentes formes, particulièrement en ce qui a trait au sentiment de sécurité. Il est aussi possible d’affirmer que, de manière générale, les élèves en fin de parcours secondaire qui sont victimes de violence par les pairs ont une perception davantage négative du climat scolaire de leur établissement que leurs pairs non-victimes et que cette vision négative des composantes du climat scolaire diffère selon la forme de violence subie. Cette perception négative du climat scolaire ainsi que le vécu victimaire de ces élèves peuvent avoir un impact néfaste sur leur réussite et leur persévérance scolaires. Ainsi, la considération de l’opinion des victimes de violence quant à leur climat scolaire

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semble cruciale, puisqu’ils dressent un portrait plus juste de leur situation, guidant ensuite les interventions à mettre en place.

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