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Même si nous retenons l’utilité de cette classification selon l’origine des facteurs, nos propres

INVENTAIRE DES RÉFÉRENTS INTERPRÉTATIFS INITIAU

19 Même si nous retenons l’utilité de cette classification selon l’origine des facteurs, nos propres

codes ne correspondront toutefois pas toujours à ceux de Nathaniel. Il en est résulté un ensemble plus restreint que chez elle de catégories d’enjeux éthiques qui découlent de la perception qu’ont les infirmières de leur apport au consentement aux soins.

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3.15.- Éthiques et valeurs. S’il est une façon éthique d’aborder le consentement aux soins ce pourrait être, dans ce que nous en dit l’infirmière, moins par un appel à l’obligatoire, à l’application systématique et rigoureuse de principes, qu’à un ensemble de certaines valeurs, valeurs-phares, intégrées à la personnalité de chacun des acteurs, dont une certaine notion de la dignité des patients et de leurs parents peut servir d’exemple.

Loin de se cantonner à des mantras, Massé parle, avec justesse, de valeurs phares et

de principes qui peuvent être invoqués pour justifier les interventions des décideurs,

chez Massé, dans le domaine de la santé publique (Massé et Saint-Arnaud, 2003 pp. 109-164). Principle-guided et non Principle-driven, pour reprendre une distinction importante: principle-guided, rather than always principle-derived, précisera Alisa Carse (1991 p. 17).

Le principisme peut être défini comme une théorie éthique, mais surtout comme une méthodologie adaptée à une éthique appliquée fondée sur l'usage de principes moraux dans le but de mettre à jour, mais aussi solutionner, les dilemmes moraux. Il ne s'agit pas d'une approche subordonnée aux principes ‘ principle-driven ‘, mais guidée par les principes ‘ principle-guided ‘. En fait, il faut distinguer le principisme comme théorie, des usages sociaux réducteurs et mécanistes qui en sont faits (Massé, 2003 p.11).

Ce principisme spécifié considère les principes comme fondamentaux sans pour cela être des absolus. On peut au moins en dire ce que Hubert Doucet écrivait, en préface au livre de Saint-Arnaud: les principes ne sont pas une fin en soi mais la manifestation de

la diversité des valeurs dont il faut tenir compte pour que la complexité du réel soit reconnue (Saint-Arnaud, 1999 p. 10).

Cette diversité des valeurs témoigne moins d’une confusion que d’une grande ri- chesse. Les répondantes à notre étude sont habitées de valeurs qui transparaissent lors de leurs nombreuses interactions.

De manière générale, les valeurs des individus et des groupes sont des réfé- rents conscients ou inconscients pour des comportements, des attitudes ou des interventions; elles sont présentes dans toute relation humaine, incluant la re- lation de soin, tant en intervention clinique qu’en intervention communautaire ou en gestion (Saint-Arnaud, 2008 p. 128).

Et, comme englobant le tout, on retrouve le concept de dignité, ce souci du respect de la personne humaine, du jeune patient, des membres de son entourage, respect des collègues aussi. Étudiant les valeurs mises en relation avec le développement de l’identité professionnelle et le sentiment d’accomplir une pratique infirmière signi- fiante, May Solveig Fagermoen met en évidence la centralité du concept de dignité pour conclure: human dignity stood out as a core value, whilst all other values ap-

peared to be linked to this basic value either by arising from it and/or being aimed at preserving it (Fagermoen, 1997 p.740)

Dans les termes de Jean-Philippe Pierron (2010 p.101), Instance d'évaluation, la di-

gnité, qui n'est pas une norme au sens juridique, peut-elle être un principe régulateur de bonnes pratiques ?20 De fait, le respect au droit à la dignité fait partie intégrante des

soins infirmiers (Conseil International des Infirmières, 2006 p.1); fait partie de la dé- ontologie et de l’éthique de la profession; fait partie de la bioéthique. Quoi que puissent en dire ceux, comme Ruth Macklin, qui trouvent le concept inutile, jugeant qu’il fait double emploi avec celui d’autonomie: Dignity is a useless concept in medical ethics and can be eliminated without any loss of content (Macklin, 2003 p. 1420).

Mais, en milieu pédiatrique, par exemple comme en tout contexte où le patient peut ne

pas faire preuve de pleine autonomie ... The pervasive tendency to equate dignity with

20 Dans le monde soignant, la dignité du malade est aussi bien son horizon que son point aveugle.

Elle est plus invoquée comme un sacré indiscutable, que convoquée comme un principe pouvant délimiter les frontières de pratiques sans cela jugées inacceptables. Instance d'évaluation, la dignité, qui n'est pas une norme au sens juridique, peut-elle être un principe régulateur de bonnes pratiques ? (Pierron, 2010 p.101).

sants, pensons-nous, pour permettre de donner à notre analyse une exploration qui 1 0 2

autonomy is troublesome, for it assumes that individuals lacking the capacity for au- tonomous thought also lack human dignity (McClement et Chochinov, 2006 p. 101).

Ce n’est pourtant que depuis relativement peu de temps que les chercheurs se sont penchés sur les fondements du concept de dignité appliqué aux soins infirmiers. En- core que beaucoup d’entre ces chercheurs ne s’intéressent prioritairement qu’aux per- sonnes âgées, on commence à s’intéresser à cette dimension dans le milieu pédia- trique, impliquant enfant et parents (Lundqvist et Nilstun, 2007, Reed, Smith, Fletcher et collab., 2003, Whitty-Rogers, Alex, MacDonald et collab., 2009).

Nous croyons ce concept de respect de la dignité présent comme en filigrane dans notre analyse des entretiens. Plus même que le concept d’autonomie, d’application beaucoup plus restreinte dans un contexte pédiatrique; surtout pour ce qui est des plus petits. C’est, parmi d’autres, une des valeurs-phares que les participantes à l’étude semblent privilégier.

Marie-Hélène Boucand, pour qui le respect de l’autre nous convoque au respect et à la solidarité, dans la reconnaissance d’une commune humanité réciproque, insiste:

Il est...fondamental de repositionner la dignité comme une réalité objective, indissociable de la personne humaine, unique. Si l’on creuse la dimension philosophique de la dignité, son lieu intrinsèque avec la dimension éthique de la personne humaine apparaît immédiatement (Boucand, 2009 p.93).

3.16.- En conclusion de ce chapitre. Nous ne prétendons aucunement que les répon- dantes ont toutes en tête un tel ensemble de référents interprétatifs à l’aide duquel elles analyseraient leurs interactions; c’est plus à la chercheure qu’aura servi un tel en- semble, une telle grille: c’est un peu dans ce sens que nous comprenons la sensibilité

théorique du chercheur qui joue un rôle crucial, à toutes et chacune des étapes du pro-

cessus de la recherche, dans le développement de ses analyses (Laperrière, 1997a).

sera, dans ce cas, par le biais de l’interactionnisme symbolique, à saveur sociologique si l’on peut ainsi s’exprimer. Nous sommes d’ailleurs persuadée que le fait pour Strauss d’être sociologue a laissé des traces dans sa conception de la Théorisation ancrée empiriquement et cela rend l’interactionnisme possiblement très utile dans une étude comme la nôtre, surtout en milieu pluriel, ce qui reflète de plus en plus la réalité québécoise. Une prise en compte qu’examinent Fortin et Laprise et qu’elles jugent essentielle à la réussite du projet thérapeutique (Fortin et Laprise, 2007 p. 208).

Nos référents interprétatifs initiaux sont, pour la plupart, tirés logiquement de notre option en faveur de l’interactionnisme symbolique. Les participantes à notre étude seront, dans cet esprit, considérées comme les sujets d’interactions multiples, comme acteurs, acteurs qui agissent à l’égard des choses en fonction du sens que ces choses ont

pour eux, impliqués dans une situation qu’ils définissent et redéfinissent constamment

eux-mêmes et qu’ils cherchent à rendre l’un pour l’autre compréhensible, signifiante. Nous donnerons leur importance aux données biographiques, aux définitions, fussent- elles même réinventées, que la participante se donne de sa propre identité, foyer de

l'élaboration du sens et du comportement, et de leur réajustement permanent au fil des circonstances. Nous cherchons à mieux comprendre comment l’infirmière comprend

son rôle, se comprend elle-même; ce sera là mieux comprendre ses valeurs et le rôle de celles-ci dans l’ensemble de ses actions/interactions.

Le consentement aux soins est plus un processus qu’un acte ponctuel; on y parvient à la suite d’interactions multiples entre les acteurs impliqués, à la suite de négociations, parfois ardues, évoluant sans cesse selon les aléas des trajectoires. Nous croyons que ce concept de trajectoire décrit le processus de consentement éclairé aux soins comme ensemble d’actions/interactions impliquant l’infirmière, l’enfant, le parent et les autres intervenants. La maladie devient un phénomène à dimension sociale sur lequel doit s’effectuer un travail de gestion, un travail auquel différents intervenants peuvent et doivent collaborer. Et il nous apparaît concevable, quitte à l’expliciter davantage, de penser le processus de consentement éclairé qui nous intéresse comme faisant partie

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d’un tel travail de gestion de la maladie à différentes étapes de sa trajectoire, au cours des soins de routine comme au cours des imprévus, souvent dans la négociation.

Nous avons également abordé la possibilité et l’utilité de voir le consentement éclairé comme outil de gestion de la maladie. Ce qui nous permettra d’analyser les remarques des participantes lorsqu’elles cherchent la collaboration de l’enfant comme du parent, comme pour l’insérer dans une équipe de soins.

Les chapitres qui suivent, présentent les données recueillies au cours de nos entretiens, analysées en utilisant les concepts-clé décrits dans cet inventaire des référents interpré- tatifs initiaux.