• Aucun résultat trouvé

(Zimring, 2005 p. 19)

6.0.- Ce que contient ce chapitre. Pour les plus vieux des enfants âgés de moins de 14 ans, l’implication de l’infirmière, au processus de consentement aux soins infirmiers, se fait dans un dialogue, avec le parent comme avec l’enfant, avec un souci constant de bien expliquer les actes de soins infirmiers à être posés. Les infirmières n’ignorent pas le document écrit à faire signer par les parents, le titulaire de l’autorité parentale ou le jeune s’il est âgé de plus de quatorze ans. L’ensemble des répondantes distingue clairement le consentement écrit officiel et le consentement verbal, implicite, pour les soins infirmiers, où l’infirmière communique, informe, explique ce qu’elle doit faire, et parfois joue un rôle d’intermédiaire et présente les questions des parents au médecin ou au résident, représente les parents31. Un dialogue accompagne les soins dispensés,

qu’ils soient routiniers ou en réaction à des situations imprévues. Le consentement aux soins bien expliqués et bien compris s’avère une partie intégrante de la collaboration désirée et facilite la dispensation du soin, devient outil de gestion de la maladie. Dans le cadre du modèle Corbin-Strauss, par exemple, il fait partie du travail de l’infirmière d’éclairer, quitte à adapter le langage, faisant souvent montre en cela d’une véritable

créativité clinique. Pas toujours facile, parfois, d’obtenir la collaboration du parent;

d’où la possibilité de conflits. Le sujet du conflit peut être délicat, comme, par exemple, pour des motifs religieux ou culturels. On remarque un souci d’assurer une continuité dans les soins. La transmission des informations et la culture

31 Parmi d’autres, Clare Cole (2012) relie les thèmes d’information, explication, communication,

advocacy, à la nécessité d’assurer le respect de l’autonomie des patients. Elle en arrive à conclure

(loc. cit., p. 555): The question remains on whether implied consent should be the golden standard in

relation to nursing practice, consent and patient autonomy. Implied consent, although it seems to support the concept of patient autonomy, still relies on the nurse to make some of the decisions for the patient rather than the patient having the autonomy to make his or her own decisions.

d’entraide sont des conditions essentielles pour assurer la continuité des soins. Pour ce qui est de la participation des enfants un peu plus âgés dans le processus des multiples décisions à prendre dans la dispensation des soins les concernant, les participantes en discutent dans un cadre dépassant le plus stricte cadre légal. Le consentement à l’arrêt de traitement peut être grandement facilité par l’étonnante maturité de l’enfant, même trop jeune, légalement, pour signer un formulaire officiel de consentement. Expliquer se fait souvent dans un contexte de négociation, le tout dans le but de favoriser, chez le parent comme chez l’enfant, un plus grand empowerment, concept sur lequel nous revenons plus expressément.

6.1.- L’enfant un peu plus âgé. D’une façon générale, tout au cours des entrevues, nous avons constaté que, pour les plus vieux des enfants âgés de moins de 14 ans, l’implication de l’infirmière au processus de consentement aux soins, se fait dans un dialogue, avec le parent comme avec l’enfant, avec un souci constant de toujours es- sayer de bien expliquer, dans un langage adapté, les actes infirmiers à être posés. Il faut être vrai en présence de l’enfant, prendre le temps qu’il faut et toujours vérifier que le tout sera bien compris. L’effort, le temps, consacrés à l’explication, à l’enseignement, feront que l’enfant sera sécurisé, fera davantage confiance à l’infirmière et, surtout, collaborera à la gestion de ses soins.

MC: Comment percevez-vous la participation des enfants dans le cadre de leurs soins? DENISE: Si on leur explique ce qu’on va faire et tout, ça les sé-

curise et souvent ils collaborent plus. MC: Puis comment faites-vous quand

il est tendu, nerveux, quand il a peur? DENISE: On essaie de dire, sans

conter des menteries et dire que ça ne fera pas mal quand ça va faire mal, mais lui dire que ça va bien aller puis que ça ne sera pas long.

De même, MONIQUE:

MONIQUE: Moi, j’ai tendance à toujours expliquer ce que je m’en viens faire. Si je m’en vais installer un soluté, je vais lui dire: ‘je m’en viens t’installer ton sérum, ton soluté. Il faut que je te pique dans ta veine. Oui, tu peux crier, tu

1 7 9

peux pleurer; mais moi tout ce que je veux, c’est que tu ne bouges pas’. Moi, je vais faire beaucoup d’enseignement avant de le faire. Je vais prendre le temps de lui expliquer. Moi, j’explique beaucoup. Parce qu’on va avoir une bien meilleure coopération au niveau du patient. Il va avoir plus confiance en nous et s’il a des questions des fois je lui dis: ‘est-ce que tu as bien compris?’ Si oui, c’est beau, on le fait.

Avec ANNIE, nous abordons longuement d’autres aspects de la question de l’apport de l’infirmière dans le processus de consentement des parents aux soins à dispenser aux enfants encore soumis à l’autorité parentale. Elle parle d’abord du consentement à signer, mais c’est pour parler du dialogue et de l’écoute qui entourent cette procédure.

Elle parle du contexte où les parents sont bouleversés par les événements. Ils ne peu- vent plus recourir à leurs points de repères habituels, eux qui sont maintenant revêtus d’une nouvelle identité, celle de parents d’enfants malades. Dans la tourmente, l’infirmière devient leur ancre. Elle accompagne et assiste les parents dans leur prise de décision, en les éclairant et en les orientant vers la bonne chose à faire, sans prendre de décision pour eux, parce que les décisions demeurent toujours aux parents.

ANNIE: Je pense qu’on a un gros, gros rôle dans le consentement. Par le fait que l’on passe plusieurs heures par jour avec les parents, on développe avec certains parents une plus grande affinité qu’avec d’autres. Les parents avec lesquels on a le plus d’affinité, on va avoir un plus grand pouvoir sur leurs décisions. On est, pour eux, des professionnels de la santé, et quand ton enfant est malade, tu es dépourvu, tu as besoin de quelqu’un en qui tu as confiance qui est là près de toi, pour te raccrocher. Souvent cela va être nous. Souvent la maman, le papa sont là: ils sont dans la chambre et ils sont en pleurs, l’enfant vient d’avoir une mauvaise nouvelle, il faut qu’il commence un traitement, il faut qu’il débute quelque chose. Il faut qu’il y ait un consen- tement signé, ils sont dépourvus, ils sont bouleversés, ils sont tristes, ils sont un peu perdus si l’on veut, dans leurs points de repères habituels. Souvent tu

vas arriver dans leur vie à ce moment-là et tu vas avoir un moment où tu es comme leur ancre. Tu es la personne qui va faire que tu vas leur donner des explications, des points pour, des points contre. Tu vas leur donner des direc- tions. C’est toi qui vas, indirectement, c’est toi qui vas les diriger vers la bonne chose à faire, sans prendre de décision pour eux, parce que les déci- sions demeurent toujours aux parents mais tu vas avoir un gros rôle à jouer sur ce qu’ils vont décider.

6.2.- Consentement aux soins: pour faciliter la collaboration, la cogestion de la maladie. Un dialogue accompagne donc les soins dispensés, que ce soit des procé- dures opérationnelles standard ou des actes de soins en réaction à des situations im- prévues. Ce dialogue, avec le patient ou les parents, inclut une reconnaissance de l’importance que l’autre - enfant ou parent - puisse décider plus lucidement et collaborer plus facilement s’il comprend ce que l’infirmière se propose de faire et dans quel but elle veut le faire. Le thème revient continuellement: si on explique, l’autre - patient ou parent - comprend et collabore davantage. Le consentement aux soins bien expliqués et bien compris s’avère donc une partie intégrante de la collaboration désirée et facilite la dispensation du soin. Il devient outil de gestion, de cogestion, de la maladie.

Par exemple, dans le cadre du modèle Corbin-Strauss (Corbin, 1992, Corbin, 1991, Corbin et Strauss, 1988, Woog, 1992), il fait partie du travail de l’infirmière d’éclairer, de renseigner, voire d’enseigner. D’intervenir par le biais de quelque forme d’enseignement, comme le mentionnaient Linda Hugues et ses collègues, dans un contexte, il est vrai, quelque peu différent (Hughes, Hodgson, Muller et collab., 2000 p.26).

Mais cette tâche d’enseignement n’est pas simple transmission d’informations; elle est d’abord un effort d’explication. Pour que tout fasse sens. Chez chacune des infirmières interviewées, on insiste sur la nécessité d’expliquer, étape par étape, quitte à adapter le

1 8 1

langage, faisant souvent montre en cela d’une véritable créativité clinique. Et, tou- jours, vérifier si l’explication a bien été comprise.

Par exemple, chez NICOLE:

NICOLE: Je l’explique en premier lieu. Je ne fais pas ça, je ne vais pas com- mencer la procédure sans lui expliquer ce que je vais faire et au fur et à mesure des étapes je vais lui dire. J’essaie tout le temps d’expliquer étape par étape qu’est-ce que je fais. MC: L’explication que vous faites, vous visez quoi par

ça? NICOLE: La compréhension de l’enfant. J’essaie d’y aller dans ses termes,

peu importe son âge. Quand c’est un ado, je peux lui parler comme un adulte, mais quand il a trois ans il comprend moins bien. Comme ici, même si on a des adolescents, des fois on a des enfants de quelques mois puis de deux ans. On en a de tous les âges ces temps-ci. On adapte notre langage à leur niveau de compréhension. MC: Commentfaites-vous pour savoir s’ils ont compris? NICOLE: Je lui demande. Je lui demande si c’est correct et s’il a compris, s’il sait qu’est-ce qu’on va faire.

C’est aussi ce que fait PIERRETTE, répondant à la même question:

MC: Comment faites-vous pour voir s’il a bien compris ? PIERRETTE: C’est

en lui posant des questions, puis aussi tout simplement en lui demandant est-ce que tu comprends bien qu’est-ce qui t’attend. C’est vraiment avec des ques- tions précises, qu’on peut voir si l’enfant comprend bien.

Mais tout consentement pour être pleinement valide doit impliquer, en plus d’une pré- sentation des bienfaits envisageables, une connaissance de chacun des risques encou- rus. Ce que soulignait Pamela Grace dans un article précisément intitulé: When con-

sent isn’t informed enough: what’s the nurse’s role when a patient has given consent but doesn’t fully understand the risks? (Grace et McLaughlin, 2005). C’est ainsi que

parfois il arrive à l’infirmière de réexpliquer pour mieux faire voir au parent un risque qui existe dans une prise de décision. Mieux faire voir les conséquences potentielles.

BÉATRICE: Il y a une maman qui m’appelle pour confirmer son rendez-vous de lundi pour une échographie, je sais qu’il y a aussi une cystographie, mais je ne suis pas très d’accord de le faire parce qu’elle aura bientôt trois ans et je ne veux pas qu’elle soit plus traumatisée et tout. Je lui ai dit: ‘est-ce que vous comprenez pourquoi l’on fait cet examen-là, la cystographie mictionnelle? Cela est assez invasif; mais est-ce que vous comprenez le pourquoi?’ Elle dit: ‘oui, je comprends’. Je lui ai dit en d’autres mots le pourquoi.

Ce souci d’expliquer le plus clairement possible les risques encourus témoigne d’une grande sensibilité éthique. Cette procédure en médecine nucléaire d’une durée de plus de deux heures implique que par un cathéter on remplisse la vessie de l’enfant d’une solution saline à laquelle est ajouté un radiotraceur, en l’occurrence le technétium, et est utilisée abondamment pour l’analyse de causes possibles d’infections urinaires. Il est à noter que beaucoup partagent les réticences de BÉATRICE face à la cystographie mictionnelle; Delphine Demède et Pierre Mouriquand font le point se demandant s’il faut toujours diaboliser cette technique (Demède et Mouriquand, 2010).

Pas toujours facile, parfois, d’obtenir la collaboration du parent. L’enseignement au parent vise la participation de ce dernier à l’enseignement à l’enfant. Il faut, rappelle GISÈLE, que le parent aide l’infirmière à faire comprendre son enfant. Il faut encapa- citer le parent à assumer ce rôle. Question, là encore, d’empowerment.

GISÈLE: ‘Il faut que vous fassiez comprendre aussi à votre enfant. Moi, j’ai beau lui expliquer, si moi je lui installe un tube dans son nez et que lui il tire dessus parce qu’il n’en veut pas, bien là, faut qu’on le soigne’. Des fois, c’est de l’enseignement aux parents. Ilfaut réussir à faire participer les parents.

Cela va au-delà de la simple explication. On parle aussi parfois de mise en scène, y compris les poupées avec des plâtres: tout cet appareillage pédagogique et le recours à l’équipe multidisciplinaire a pour but que l’enfant puisse comprendre l’impact de l’intervention sur sa propre personne.

rations, les examens, les scans, et le consentement verbal, parfois implicite, dit-elle, 1 8 3

GISÈLE: Tout dépendamment de la maladie. Admettons juste le diabète, ce n’est pas moi l’infirmière à l’étage qui va tout lui expliquer le diabète. Il y a une équipe de diabète, ils vont au Centre de jour, le parent est pris en charge et il y a une équipe multidisciplinaire autour. Mais quand il y a une chirurgie d’un jour, on a beaucoup de poupées, on va expliquer, faire visualiser, ‘regarde tu vas avoir un pansement ici, après’. Les plâtres: on a des petites poupées avec des plâtres. En médecine, le soluté on va l’expliquer; on a des photos: ‘c’est cela que tu vas avoir’. Je pense que l’on prépare bien les enfants.

De nombreuses études récentes, explorant l’utilisation de divers procédés multimédia (Wanzer, Wojtaszczyk, Schimert et collab., 2010), démontrent les efforts faits pour rendre plus facile la compréhension des impacts de telles interventions.

Dans un éditorial sur la littératie en santé aux États-Unis, Scott Ratzan et Ruth Parker déploraient que The average skills of U.S. adults are not adequate for understanding

and using the health system (Ratzan et Parker, 2006). Le constat est le même au Ca-

nada et au Québec où, pour reprendre Claude Richard et Marie-Thérèse Lussier, la littératie en santé, est une compétence en mal de traitement (Richard et Lussier, 2009 p. 123). Ce qui est vrai des adultes en général l’est encore plus, évidemment, de la clientèle en milieu pédiatrique; les exemples, ici rapportés, d’explication des procé- dures et soins par les infirmières reflètent tous un réel souci d’adaptation. Constam- ment, les infirmières disent l’effort qu’elles mettent à tout expliquer. Et cela vaut, de toute évidence, des documents à signer.

6.3.- Consentement: le document à signer. Bien que les entretiens devaient aborder plus globalement la question du consentement aux soins et moins directement la question de la signature d’un consentement écrit, cette question fut discutée. Les in- firmières n’ignorent pas ce document écrit à signer par les parents, le titulaire de l’autorité parentale ou le jeune s’il est âgé de plus de quatorze ans.

pour les soins infirmiers où l’infirmière informe, explique ce qu’elle s’apprête à faire. Elle est aussi, parfois, avant qu’on en arrive à la signature du document, amenée à jouer un rôle d’intermédiaire et présente les questions des parents au médecin ou au résident; elle représente les parents.

MC: Comment le processus de consentement se passe-t-il ? IRÈNE: Il y a un

consentement écrit pour les patients qui vont en la salle d’opération ou pour des examens comme la résonnance magnétique, les scans. Il faut un consente- ment écrit pour les opérations, comme les PICC-LINES. Il y a un consentement écrit; et il y a autre chose et c’est un consentement verbal. L’on arrive dans la chambre et on va donner un soin, c’est un consentement qui est implicite, je le dis comme ça. L’on annonce aux parents: ‘je vais donner un antibiotique’. Les parents, bien, je les informe et je leur dis que je vais donner un antibiotique. Des fois possiblement, ça peut arriver que les parents disent: ‘pourquoi vous aller donner un antibiotique, ils ne m’en ont pas parlé avant’. ‘O.K., attendez une minute: je vais aller parler. Et on va vous donner des nouvelles’. Moi c’est ça que je fais, parler avec les résidents, pour les parents.

Bien que l’auteur écrive dans un contexte de législation belge, citons la définition que donne Gilles Genicot du consentement implicite. Il est à noter toutefois que la législa- tion belge est moins restrictive que celle du Québec quant au dernier exemple cité:

Le consentement implicite – ni écrit, ni verbal – est un consentement à part entière, qui se distingue d’un consentement présumé. C’est par exemple le cas pour des actes habituels, mais aussi dans des situations évidentes. Le patient qui tend le bras au médecin qui l’invite à procéder à un prélèvement sanguin accepte celui-ci; le patient qui arrive à l’heure dite, à jeun, le jour où une intervention chirurgicale est planifiée consent à ce qu’elle soit pratiquée (Genicot, 2010 p. 134).

Genicot insiste clairement sur la nécessité de distinguer le consentement implicite du consentement présumé.

1 8 5

Est-ce que l’on a tendance à vite présumer? Dans les mots de VANESSA, On ne vient

pas à l’hôpital pour refuser des soins là. Mais VANESSA comme les autres ne sem-

blent pas présumer davantage et toujours elles insistent sur la nécessité de bien expli- quer avant de procéder à l’intervention. Ce que MONIQUE exprimait à sa façon: Je

vais prendre le temps de lui expliquer. Je n’arrive pas moi ‘et bang, c’est le temps de ton soluté: donne-moi ton bras il faut que je te pique, c’est fini et bang’. Non, moi je ne suis pas comme cela. Moi, j’explique beaucoup.

À partir de quatorze ans, le jeune peut signer, il peut dire oui.

MC: Est-ce que, pour vous, les enfants ont une place dans le consentement à leurs soins ? IRÈNE: S’ils sont majeurs, oui. A partir de quatorze ans, ils

peuvent signer, ils peuvent dire oui. Pour les petits, ce sont les parents. Ici, dans cette unité, c’est rarement qu’on a des grands. Normalement, c’est dans l’unité d’à côté qu’ils prennent les plus grands et nous on essaie de garder les plus petits.

6.4.- La participation des enfants. Pour en revenir à ce qui est de la participation des enfants un peu plus âgés dans le processus des multiples décisions à prendre dans la dispensation des soins les concernant, les participantes en discutent dans un cadre dé- passant le plus strict cadre légal.

Déjà Allen Buchanan et Dan Brock, parlant des jeunes patients entre 9 et 14 ans, dis- tinguaient l’assent du consent ; mais insistaient pour qu’on ne se limite pas qu’au seul aspect légal. L’enfant, comme le parent, devrait être inclus dans la discussion du trai- tement et de ses possibles alternatives. On devrait, dans la mesure où l’on peut juger