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LEGITIMITE COGNITIVE

2. Ressources et les efforts de maintien

2.1. Repenser les ressources dans le cadre du travail institutionnel

2.1.1. L’importance de la notion des ressources pour le renouvellement de la TNI Les ressources apparaissent dès les premiers travaux néo-institutionnels à travers l’impact de l’institution. Selon Zucker, (1983, p. 2), l’environnement institutionnel peut modifier les comportements et redistribuer les ressources différemment entre les acteurs. Il impacte la légitimité mais également la capacité et les ressources de l’organisation (Scott, 1987, p. 487). Cet argument se prolonge jusqu’à concevoir la conformité pour être légitime comme une condition indispensable à l’accès aux ressources (Phillips et al. 2004, p. 637)50. Lawrence (1999) évoque la légitimité donnant lieu au renforcement des ressources, mais également la dynamique inverse lorsque les ressources permettent d’agir pour maintenir la survie organisationnelle. Il s’agit de la seconde perspective développé par les travaux NI où les ressources sont elles-mêmes une condition nécessaire pour atteindre la légitimité (e.g. Aldrich & Fiol, 1994, p. 647 ; Rao, 1998).

Dans cette seconde perspective, les ressources sont une condition nécessaire à l’action parce qu’elles sont sources de pouvoir (Lawrence, 1999 ; Rao, 1998 ; Rojas, 2010). Cette notion devient importante dans le renouvellement NI pour dépasser la vision excessivement passive des acteurs. En 2007, par exemple, Khan et al. font la corrélation entre le manque de pouvoir et le manque de ressources des acteurs. C’est donc parce qu’elles expliquent le pouvoir d’agir que les ressources sont devenues une notion centrale avec le renouvellement NI (Hardy & Maguire, 2008 ; Ben Slimane & Leca, 2012) pour explorer l’agence en interaction avec l’institution.

Deux types de travaux se sont développés dans cette perspective51 : ceux sur l’entrepreneur institutionnel pour modifier l’institution et ceux sur l’approche « stratégique » en réponse à l’institutionnalisation. Les points suivants abordent chacune de ces approches et leur apport.

L’approche NI des ressources dans une perspective stratégique

Les travaux NI avec une approche stratégique des ressources, se servent de cette notion pour étudier les comportements organisationnels face aux pressions institutionnelles. Ces travaux regardent l’impact de ces pressions institutionnelles sur les ressources mobilisées des

50 Par exemple, Lawrence et Suddaby (2006) soulignent que les mythes permettent d’atteindre la légitimité et par suite de

pouvoir accéder aux ressources matérielles.

51 Distinction inspirée de la première conceptualisation des ressources par Ben Slimane & Leca en 2012, présenté lors de la

51 organisations52. Warnier (2002) par exemple, analyse la constitution des ressources critiques pour obtenir un Avantage Concurrentiel (AC) dans l’industrie du textile en fonction des pressions institutionnelles (qui conduisent à un consensus sur les compétences légitimes). Cet article reflète les contributions principales de ces travaux pour concevoir l’influence institutionnelle sur le choix des ressources « légitimement » critiques.

Tableau 10 Avantages de l'approche NI stratégique des ressources pour concevoir leur caractère socialement construit L’institution influence les représentations

cognitives pour le choix des ressources

Lien entre la mobilisation des ressources à la légitimité organisationnelle.

Oliver 1997

« Rationalité normative » des managers façonnée par l’institutionnalisation mais qui reste spécifique en fonction de la longévité de la ressource mobilisée (qui augmente sa valeur et le « coût irrécupérable » associé à la modification des habitudes et routines).

Développement des ressources en réponse aux contraintes sociales – pour le besoin de légitimité - avant de pouvoir atteindre un ACD. Constitution d’un capital institutionnel lié à la légitimité de l’entreprise incluant les capacités de soutien au capital ressources (comprenant les actifs et compétences de la firme).

Warnier 2002

Influence similaire conçue au niveau de l’acteur -organisationnel à partir d’une perspective de sensemaking (compétence stratégique qui fait sens auprès des acteurs qui constituent l’environnement de l’entreprise).

Cette étude illustre le processus par lequel une compétence devient légitime socialement au sein d’une industrie et de ce fait, nécessaire pour l’entreprise et l’obtention de l’AC.

Ce tableau synthétise les apports de ces travaux pour concevoir les ressources affectées par la structure sociale (Lounsbury & Ventresca, 2003) à travers deux exemples. La première colonne montre l’intérêt de cette approche pour concevoir que le choix des ressources critiques est modelé par les institutions. La seconde colonne présente l’apport de ce type de travaux pour explorer les ressources mobilisées dans le cadre de la légitimité organisationnelle avec le plus souvent la mise en évidence de comportements hétérogènes entre les acteurs. Ces travaux dans une approche stratégique encouragent ainsi l’analyse des ressources mobilisées en conséquence des institutions, à la fois pour répondre aux pressions institutionnelles et à la fois façonnées par les institutions. Ces travaux servent aussi à expliquer les comportements hétérogènes à partir des ressources en ne perdant pas de vue le besoin de légitimité.

Cependant ces comportements sont expliqués dans le cadre de la « particularité légitime » (Navis & Glynn en 2008) qui consiste à concilier le besoin de conformisme pour être légitime avec la recherche de particularité pour être compétitif (cf.1.2.2). Lounsbury & Glynn (2001) par exemple, explorent cette finalité en reprenant les travaux d’Oliver (1997) et notamment la

52 En réalité, cette approche compte également des travaux l’institutional-based view of strategy business « qui conçoivent

les ressources et les pressions institutionnelles comme deux variables explicatives séparées de la performance (e.g. Hoskisson et al. 2000 ; Peng, 2002 ; Meyer & Peng, 2005 ; Peng et al. 2009 ; etc.). Meyer et al. (2009) étudient les stratégies d’entrée des multinationales dans des pays émergents, en fonction des ressources (locales ou non) et du degré d’institutionnalisation.

52 distinction entre le capital ressource pour les actifs distinctifs et le capital institutionnel53 qui

est constitué des moyens garantissant la légitimité en support au capital ressources.

Cette approche, par conséquent, s’éloigne de notre projet centrant l’analyse des ressources pour la finalité de l’avantage concurrentiel (AC*) (e.g. Oliver 1997, Warnier, 2002) plutôt que celle du maintien de la survie. L’exploration des stratégies institutionnelles impliquent des ressources particulières et différentes de la recherche d’AC (Lawrence, 1999)54. Ben Slimane & Leca (2014) soutiennent ce postulat en donnant l’exemple des stratégies de manipulation (Oliver, 1991), pour justifier l’intérêt de repenser les ressources dans le cadre particulier du TI. Les auteurs semblent pour cela s’inspirer plus particulièrement de la seconde orientation prise par la TNI en explorant les ressources utilisées pour agir sur l’institutionnalisation.

Le développement des ressources avec l’Entrepreneur Institutionnel

Les travaux sur l’entrepreneur institutionnel ont permis de développer une seconde orientation de l’analyse des ressources pour agir sur l’institutionnalisation - plutôt qu’en réponse aux pressions (e.g. Garud et Karnoe 2003 ; Dorado, 2005 ; Greenwood & Suddaby, 2005 ; Battilana et al. 2009). Les ressources sont au cœur de la définition originelle par Di Maggio (1988, p. 14, en 1.1.1 ci-dessus) de l’entrepreneur institutionnel (EI) pour expliquer leur engagement dans la modification de l’institution. Les entrepreneurs institutionnels sont des acteurs qui voient à travers leurs ressources disponibles une opportunité de réaliser leurs intérêts en agissant sur l’institution (Lawrence et al. 2005). La revue de la littérature du concept d’EI par Battilana et al. (2009) montre que les ressources sont un élément majeur pour comprendre l’influence de l’EI sur l’institutionnalisation. Ce constat a d’abord été mis en évidence avec les acteurs dominants qui, grâce à leur position centrale au sein du champ, disposent d’une asymétrie de ressources en leur faveur55. Plus le capital de l’acteur est élevé et plus il dispose du pouvoir pour modifier les positions et remettre en cause l’institution (Battilana, 2006).

Dorado (2005, p. 388) souligne que cette mobilisation des ressources est nécessaire pour tout

53 Jourdain (2012) propose que cela corresponde à la capacité à se conformer aux règles du champ et bénéficier d’une opinion

positive des parties prenantes externes

54“Les ressources nécessaires pour opérer une stratégie institutionnelle diffère de celles associées aux stratégies

compétitives : les stratégies institutionnelles demandent des capacités à articuler, défendre des pratiques particulières (…)” (Lawrence, 1999, p.163). En ayant postulé le principe d’équifinalité (Kondra & Hinings, 1998) notre recherche s’éloigne de la logique d’AC.

55 Battilana (2006) ainsi que Maguire et al. (2004) soulignent l’avantage de la position centrale au sein du champ qui permet à

53 type d’acteurs voulant influencer le changement institutionnel – au-delà de l’acteur dominant. Les travaux suivants ont ainsi relié l’agence aux ressources pour les acteurs challengers (e.g. Ben Slimane, 2012) et plus largement l’ensemble des acteurs encastrés dans plusieurs champs qui disposent ainsi d’un capital supérieur pour influencer l’évolution du champ (Battilana et al. 2009).

Cette approche a ainsi pour contribution principale au regard de notre recherche, de concevoir le lien entre les ressources et le pouvoir d’agir et de l’ouvrir à tout type d’acteurs. Les travaux s’interessant à l’EI mettent davantage en évidence la relation entre les ressources et le pouvoir des acteurs – par rapport à l’approche stratégique des ressources. Greenwood & Suddaby (2006) soulignent les formes de pouvoir normatif et coercitif par exemple, obtenues à partir des ressources56. Le pouvoir se manifeste à travers la capacité à déployer les ressources et les efforts pour modifier les arrangements institutionnels (Rojas, 2010). Cette approche des ressources permet ainsi de postuler l’importance de la notion des ressources pour le pouvoir d’agir en ouvrant ce postulat à toutes sortes d’actions et d’acteurs. Rojas (2010) par exemple, montre les ressources comme une condition essentielle à la capacité d’agir dans le cadre des relations de pouvoir. D’autres travaux le montre dans le cadre du TI, tel que l’analyse des stratégies discursives par Ben Slimane (2012), qui servent à influencer l’accès aux ressources (libéralisation ou raréfaction). Zietsma & Lawrence (2010) proposent aussi une analyse du TI à travers la relation récursive entre les frontières et les pratiques, qui montre comment l’évolution des frontières affecte l’accès aux ressources et inversement, l’importance de mobiliser les ressources pour agir sur les frontières.

Toutefois, les ressources ne sont pas centrales dans ce dernier exemple et plus largement, la revue de littérature effectuée indique que les travaux sur les ressources sont beaucoup moins nombreux avec le travail institutionnel en comparaison de son utilisation avec l’entrepreneur institutionnel. Pourtant la notion des ressources n’est pas moins capitale puisque Lawrence et Suddaby (2006) évoquent l’importance des ressources en proposant la notion de travail institutionnel. Ce constat semble en partie résulter des limites identifiées pour les deux perspectives d’analyse des ressources présentées.

56 Rojas (2010), par exemple, souligne le pouvoir autoritaire en tant que ressource pour émettre des pressions coercitives, et

54 2.1.2. Le travail institutionnel pour dépasser les limites des travaux sur les ressources Nous venons voir les apports particuliers de chacune des deux approches NI sur les ressources. Ces travaux ont des limites communes que la notion de travail institutionnel pourrait aider à dépasser.

Dépasser la vision unique de l’acteur-individuel

La première limite observée concerne la focale sur l’acteur plutôt que les actions avec tout d’abord une confusion du niveau auquel l’acteur est perçu en évoquant parfois l’acteur organisationnel, parfois individuel sans que la distinction ne soit précisée (Maguire et al. 2004)57. On s’aperçoit ensuite, que ces travaux portent le plus souvent sur l’acteur- organisationnel sans ouvrir la « boite noire» (Zucker, 1991, p.106),) pour explorer plus en profondeur la dynamique interne de mobilisation des ressources. Ce constat effectué avec l’approche NI « stratégique » des ressources (e.g. Oliver, 1997, Lawrence, 199958) est également vrai pour l’EI (e.g. Garud et al. 2002). Même lorsque l’étude de l’agence est au niveau individuel, elle est centrée sur un seul individu qui intervient au niveau macro de l’institution59. Cette observation vaut plus particulièrement pour les travaux s’intéressant aux compétences sociales alors qu’en proposant ce concept, Fligstein (1997, 2001) avait pour ambition d’encourager l’analyse des micro-fondations de l’institutionnalisation. Finalement ce concept a davantage servi à illustrer l’entrepreneur héroïque, selon Lawrence et al. (2005) et la majorité des travaux NI sur les ressources liés à l’acteur individuel60

.

Une démarche d’ouverture de la boîte noire pourrait permettre de dépasser cette limite et dépasser le manque de prise en compte évoqué par Battilana et al. (2009, p. 86)61 de la manière dont sont mobilisées les ressources pour au final mieux comprendre la mise en place des réponses spécifiques dans le cadre de notre recherche. Le positionnement de notre travail dans le cadre du TI facilite cette démarche puisqu’il a justement été conçu pour dépasser la vision de l’acteur-individuel et se concentrer sur la pluralité d’actions, le plus souvent par

57 Les auteurs encouragent les travaux à préciser ce que signifie l’acteur, à l’instar de notre distinction (en 1.1.1) entre

l’acteur- organisationnel et les personnages au sein de l’organisation

58 Oliver (1997) tient compte des représentations cognitives des managers au niveau théorique uniquement et sans que cela ne

soit le cœur de la recherche ; Lawrence (1999) donne l’exemple de l’organisation Greenpeace lorsqu’il encourage le regard sur les ressources de l’acteur pour maintenir la légitimité.

59 Exemple de la mise en place du marché unique au niveau de l’Europe par Jacques Delors en portant le regard sur influence

vis-à-vis des autres acteurs institutionnels)

60 A certaines exceptions près telles que l’étude de Zilber (2007) qui met en évidence la dimension collective dans le

déploiement des ressources rhétoriques au niveau micro. Plusieurs travaux évoquent la dimension collective avec les ressources (e.g. Arnand & Watson, 2004; Scully et Creed, 2005 ; Philips et Tracey 2007; Fligstein, 2001 ; Lawrence et al, 2005) mais peu d’entre eux s’attachent à l’illustrer empiriquement.

61 “Par exemple, peu en est dit sur comment les entrepreneurs institutionnels mobilisent les ressources financières, l’autorité

55 l’intervention de multiples personnages. Le cadrage du TI au niveau intra-organisationnel (à partir des efforts de maintien de la survie) facilite cette démarche avec la prise en compte des membres de l’organisation au-delà des parties prenantes externes (Kraatz, 2009) en allant jusqu’à la dynamique de mobilisation des ressources. Cela permet de dépasser la vision de l’acteur-individuel et de descendre au niveau local pour mieux comprendre comment les ressources sont mobilisées. Le TI offre également une approche plus approfondie des ressources en explorant davantage le processus.

Dépasser la vision statique des ressources

Les deux approches (stratégique et de l’EI) proposent une vision plus statique que dynamique des ressources, avec le regard porté sur le choix, le type ou l’accès aux ressources plutôt que sur le processus. Les travaux de l’EI se sont plus facilement intéressés aux talents et stratégies qui permettent aux acteurs d’accéder aux ressources (DiMaggio, 1988; Fligstein, 1997 ; Rao, 1998; Lounsbury et Glynn, 2001) que leur mobilisation (Lawrence et al. 2005). La série exhaustive de tactiques fournie par Fligstein (1997) que les acteurs peuvent utiliser pour engranger les ressources nécessaires à leur projet institutionnel fait écho selon Dorado (2005), au manque de considération du processus :

“This research has advanced our knowledge of the resource mobilization strategies and talents of change agents (DiMaggio 1988; Rao 1998; Aldrich and Fiol 1994; Fligstein 1997). There is little understanding, however, about how this process of mobilization occurs.” (Dorado, 2005, p. 404)

Ce constat explique alors le besoin de mieux considérer la manière dont les ressources sont mobilisées (Battilana et al. 2009). Dorado (2005) propose trois types de processus de mobilisation des ressources qui définissent le rythme de changement et le degré de stabilité de l’institution (l’arrangement ; l’exploitation et l’accumulation des ressources dans le temps62). Ce travail semble être la première contribution pour une approche des ressources par le processus. Elle est par contre tournée vers l’entrepreneur institutionnel et nécessite d’être prolongée à d’autres formes d’agence. Le travail institutionnel facilite cette démarche de prolongement en élargissant le périmètre d’actions pour l’analyse (Creed et al. 2010, cf. 1.1.2) jusqu’aux efforts de déstabilisation, création et de maintien de la survie organisationnelle. L’usage du travail institutionnel est d’autant plus cohérent qu’il a été conçu pour s’intéresser au processus des actions et dépasser la vision statique de l’acteur. La notion de travail institutionnel invite ainsi davantage à l’exploration du processus de mobilisation des

62 L’arrangement est le mécanisme de résolution des problèmes avec les ressources mobilisées; l’exploitation consiste à tirer

parti des ressources pour modifier l’institution à son avantage (champ fortement institutionnalisé) et l’accumulation des ressources à travers le temps a lieu dans le cadre d’innovation lorsque le degré d’institutionnalisation est faible.

56 ressources. Cette approche par le processus aiderait notamment à dépasser la vision univoque des deux perspectives précédentes.

Les travaux « stratégiques » (e.g. Oliver, 1997 et Warnier, 2002), regardent les mobilisations de ressources qui résultent de l’institutionnalisation et sont limités pour concevoir les efforts pour agir sur l’institution. Il serait pourtant opportun de considérer cette dynamique dans la mesure où les stratégies de réponse peuvent avoir des effets – plus ou moins volontaires- sur l’institution (Lawrence, 1999, vu en 1.1.1 ci-dessus). Inversement, les travaux de l’EI gagneraient à prendre en compte les effets de l’institution sur les ressources mobilisées pour éviter d’assimiler ces dernières à une agence pure qui soit détachée de la structure (Lawrence & Ventresca, 2003). Dorado (2005) et Ben Slimane & Leca (2014) qui proposent une lecture des ressources modifiant les institutions, soulignent également l’intérêt d’analyser les effets inverses de l’institution sur les ressources. Dorado (2005) invite à explorer les ressources mobilisées pour faire face à de nouveaux défis avec les évolutions du contexte (e.g. nouvelles marques, pratiques, formes organisationnelles).

La réconciliation de ces deux perspectives univoques de l’utilisation des ressources63 permettrait de découvrir à la fois comment répondre à de nouveaux défis (en conséquence de l’institution) et à la fois la manière d’impacter l’institutionnalisation en écho à la notion de stratégie institutionnelle (Lawrence, 1999). Elle donnerait aussi les moyens de prolonger l’explication des hétérogénéités à partir des ressources mobilisées en conséquence de l’institution pour concevoir la manière dont cette mobilisation affecte l’institution. Enfin, cela permettrait de disposer d’une analyse des ressources conforme avec le développement d’une approche plus en profondeur et relativisée de l’action en s’intéressant au travail institutionnel.

Dépasser la vision stratégique des ressources

La notion des ressources semble avoir peu été utilisée dans le cadre du travail institutionnel en raison des limites qui ont été évoquées et en raison de son utilisation pour une approche excessivement stratégique des actions et de l’asymétrie de pouvoir en faveur des acteurs les plus puissants. L’institution influence le choix des ressources dans l’approche stratégique mais la focale reste l’obtention de l’avantage concurrentiel, tandis que les travaux sur l’EI ont une approche des ressources détenues par l’acteur et déconnectée de la structure sociale. Lounsbury & Ventresca (2003) évoquent des travaux avec la vision stratégique éloignée de la

63 Phillips et al (2000) proposent une vision duale avec l’approche structuraliste de Giddens pour concevoir les ressources au

côté des règles culturelles - qui dépendent de l’institution et sont ensuite utilisées par les acteurs pour influencer l’institution. Toutefois, la distinction entre règles et ressources ainsi que la mise en avant de la dynamique sont insuffisantes.

57 manière dont les ressources sont dépendantes à l’institution qui n’est pas sans lien avec l’ancrage de beaucoup de ces travaux dans la théorie du management par les ressources : la Resource Based-View (RBV*) (e.g. Oliver, 1997 ; Lounsbury & Glynn, 2001 ; Ben Slimane & Leca, 2014).

En s’éloignant de cette approche, notre travail de thèse évite l’assimilation trompeuse des ressources à l’agence purement stratégique dans le but de revenir aux avantages d’explorer les ressources à partir de la théorie néo-institutionnelle pour les relier au contexte institutionnel (Greenwood & Suddaby (2006). Cet ancrage théorique permet d’analyse des ressources mobilisées dans une finalité de légitimation et/ou d’influence de l’institutionnalisation qui sont différentes de celle pour l’AC avec la RBV* (Lawrence, 1999, p. 163). Cela offre également une ouverture plus importante aux ressources culturelles qui sont constituées à partir de l’environnement institutionnel. Une approche néo-institutionnelle des ressources permet de sortir de l’approche technique pour mettre en lumière les règles culturelles qui sont encodées dans l’organisation et la construisent (Rao, 1998).

Notre travail de thèse s’intéresse à la notion de ressources pour ces différents apports en ayant argumenté que le travail institutionnel permettrait de dépasser les limites des deux visions précédentes. Le travail institutionnel invite à ouvrir l’analyse des ressources au processus, aux parties prenantes multiples et aux conséquences inattendues des efforts au niveau local. Notre motivation, en utilisant les ressources pour explorer comment les dynamiques locales spécifiques de maintien de la survie ont lieu, est de pouvoir disposer d’une vision complexe des ressources (liées à la structure, aux règles culturelles) et de repositionner cette notion dans