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B: «J’ai dit au responsable du CHU [que j’avais un problème de santé] Il m’a dit: il faut attendre le

3 ème PARTIE : Étude

I Caract individuelles

M. B: «J’ai dit au responsable du CHU [que j’avais un problème de santé] Il m’a dit: il faut attendre le

mardi ou le vendredi… ce sont les jours de consultations du médecin pour les demandeurs d’asile qui n’ont pas encore les droitsII». Ensuite, décrivant sa consultation au Point santé, il précise: «[le médecin:] Du fait que vous êtes un demandeur d’asile, c’est bien que je vous recommande chez un médecin…il m’a

remis un document de rendez-vous […] en consultation avec le Docteur [nom du médecin de la PASS], c’est le premier jour que je l’ai vu…et puis il m’a consulté.»

Dans cette suite d’évènements, de fortes contraintes liées aux situations de précarités s’expriment et des déterminants classiques sont identifiables:

- financiers, exprimés au moins par Mme E ou M. et Mme A, - de logement pour M. C, M. L, M. J, M. B, M. et Mme A, M. H...,

- administratifs liés à la protection maladie pour M. C, Mme E, M. B, M. et Mme A, M. J... ou aux titres de séjour pour M. C, M. B, M. et Mme A, M. J... Sur ce dernier point, le statut de « demandeur d’asile » est parfois réaffirmé pour l’accès aux soins (cible de nos questions) dans une quête de légitimité (M. B: «Puisque je suis demandeur d’asile...») ou simplement dans la dynamique de la logique administrative (M. C).

- sanitaires selon que le bilan de santé est rassurant, qu’une intervention est nécessaire ou que des pathologies chroniques se sont installées (notamment de souffrance psycho-sociale ou addictives).

I Nom de l'association d'accompagnement social et d'hébergement, dont la présentation est précisée dans la

première partie.

II Les passages en italique correspondent aux expressions rapportées par la personne interviewée et exprimées par

Dans cette suite de contacts, des repères peu à peu se dessinent ou se redessinent alors: à travers les lieux et les personnes intervenantes citées (par leurs noms ou prénoms autant que par leur fonction). Les dates - des rencontres, des visites ou des courriers - sont aussi parfois précisées particulièrement pour les étrangers (ces événements remontant pourtant à plusieurs mois, voire années). D’autres par contre gardent un souvenir plus vague dans le temps (notamment quand des éléments de souffrance psycho- sociale ou de prises de toxiques s’interposent).

Ce cheminement initial devient alors en partie balisé, par une intégration des contraintes quotidiennes (mêmes persistantes), des déterminants évoqués et des « interventions » des acteurs professionnels médicaux et sociaux.

Les éléments déterminant la suite des parcours sont alors moins identifiables: entre refus, résignation ou soumission, adaptation, assimilation et prises d’initiatives personnelles. Ces éléments plus subjectifs semblent relever entre autres des niveaux de « capacités » individuelles, des ressources intimes, de la durée ou des degrés de précarisation et de disqualification sociale (que les modèles SIRS précédemment évoqués décrivent comme des atteintes de l’ «image de soi» ou des «ressources de protection de soi», ou selon l’enquête Précalog en lien avec des «cumuls de facteurs endogènes et exogènes»), et des formes pathologiques (en partie associées). Un ensemble environnemental évolue ainsi, au fur et à mesure.

En voici des expressions possibles:

M. et Mme A, décrivent ainsi, après leur arrivée en CADA: «On n’avait pas encore l’assurance maladie, c’était en train… Notre assistante sociale nous a dit que c’était très obligatoire d’aller [à la PASS, en rapport avec le certificat de l’OFII] », avec un recul certain ils précisent ensuite: « C’était notre premier contact avec le système médical [français]», et se réapproprient cette obligation: «On n’avait pas de possibilité, c’était la seule possibilité d’évaluer tout ça [bilan tuberculeux et vaccination], pour nous aussi c’était intéressant, on était passé en centre d’hébergement, on avait passé 2 mois dans des pays

étrangers… de savoir que tout est normal… On est passés [à la PASS] et on était tranquille après.» Par la suite, à propos de la CMUC, M. A reprend: «Pour l’instant, c’est la situation, c’est la période [...] J’ai entendu aussi qu’il existe la mutuelle, tu payes 30% des charges... Nous, on a payé 100% [dans leur pays d’origine], alors...». Mme A confirme avec humour et « philosophie »: «Pour l’instant, on travaille pas [titre de séjour sans autorisation de travail], ça nous arrange...[rire]», puis ils résument: « On est déjà « assurés » par l’Assurance maladie [CMUC], c’est un mot qui dit son équivalent [...] L’homme est plus estimé si sa santé est assurée, c’est plus avantageux. Dans notre situation, c’est mieux d’avoir l’assistante sociale qui s’occupe de nous, à côté de nous pour montrer le chemin...».

M. K: logé à présent dans un « appartement relais », exprime avec pudeur le poids de son parcours, de l’accompagnement et de son ressenti: «[parlant de la PASS] Il m’avait convoqué 2 ou 3 fois...», puis plus tard dans l’entretien: «Il y avait un suivi... Il y a eu des améliorations…et puis… Si un jour ça

recommence… on ira peut-être le revoir [le médecin de la PASS].» Semblent ainsi évoqués le risque de la « rechute » possible (sous la forme d’un pronom impersonnel) et à nouveau le lien entre le parcours de vie et de soins.

M. H: «[A propos de ses premières consultations à la PASS] On m’a forcé un peu la main pour aller le voir [médecin de la PASS], au début, pour voir si ça allait bien.», ensuite : « Des fois où je me sentais pas bien, j’allais causer un peu, il écoute bien [...] Je m’en plains pas... Je me sens revivre.». Cependant, au cours de notre entretien, il évoque uniquement son suivi régulier à la PASS. À notre question sur la possibilité d’une orientation vers un médecin traitant libéral, il répond: «Non. Justement on me l’a conseillé, de prendre un médecin traitant. On m’a dit qu’il faudrait le faire. [Vous ne voyez pas d’autres médecins que celui de la PASS ?] Non, non. C’est pour ça, il faudrait que je trouve un médecin traitant, souvent il [le médecin de la PASS] m’en a parlé...». L’entretien terminé, notre discussion ayant peut-être soulevé quelques interrogationsI, l’intervenante sociale viendra me préciser (après en avoir discuté avec

lui) que M. H est pourtant suivi par un médecin traitant de ville régulièrement, en parallèle et en coopération avec le médecin de la PASS.

M. F: (par téléphone) il évoque d’abord une longue période d’errance, il est suivi alors irrégulièrement par les dispositifs de soins (PASS et alcoologie notamment). C’est à l’occasion d’un nouveau contact sanitaire avec le médecin de la PASS (et l’équipe d’alcoologie), que selon son récit, une sorte d’opportunité s’est présentée: la possibilité d’une cure en alcoologie à condition de disposer d’un logement dans les suites. Fort de quelques contacts préservés, il explique (a postériori et en enchaînant) avoir alors loué sans encombre un appartement, être allé en cure, avant de s’installer chez lui pour ne plus jamais retourner dans la condition d’avant. Il a choisi à présent le médecin de la PASS comme médecin traitant et bénéficie d’un suivi classique.

M. B: à une question sur l’orientation possible vers un médecin de ville, il répond: «Pour moi... pour le moment, du fait que je ne suis encore pas vraiment installé... c’est mieux que je reste ici [suivi à la PASS]. Le jour où je serai vraiment installé, là... [s’interrogeant lui-même] je chercherai les bonnes conditions pour m’installer... Je ne suis pas encore installé, comment je vais prendre un docteur là ou bien là. C’est mieux que je reste ici!». Dans la suite, il exprime ainsi l’évidence de sa condition: «Un an et 2 mois à la rue, c’est difficile. Je suis à la rue !».

La suite du parcours de soins s’inscrit ainsi selon ces échanges possibles avec les intervenants sociaux comme avec les structures de soins. Dans ces conditions d’environnement («conditions de possibilités», de vie et de soins), ces contacts répétés qui peuvent s’affirmer, se confirmer ou parfois se distendre à nouveau définissent pour les professionnels l’accompagnement socio-médicalII, en un sens littéral,

I Notre rattachement au dispositif de la PASS et à son médecin, selon la présentation de l'intervenante sociale à M.

H, a aussi pu influencer une partie de cet oubli.

II Du fait de notre point de vue et de notre fonction, nous utilisons ici cette hiérarchie socio-médicale. En cas de

concret comme légal (selon les textes règlementaires par exemple). Pour les personnes interviewées, les limites pratiques et subjectives entre l’assistanat, l’assignation ou l’opportunité de choix sont parfois ambigües et évoluent. Ces limites apparaissent aussi telle une préoccupation constante des acteurs professionnels. Des formes d’adaptation interactive tentent alors en permanence de se construire, que dévoilent en partie les discours et l’analyse des modalités du parcours de soins.

A l’opposé de ce parcours « idéal typique » (dont nous soulignons qu’il reste pour chacune des personnes interviewées particulier, individualisé), nous présentons un parcours d’exceptionI choisi à travers le prisme de notre regard médical et de notre problématique:

M. D: en anglais, «[Vous connaissez la PASS ?] Non. Je ne sais pas... [Vous avez vu un médecin à Chambéry ?] Oui, j’étais au centre d’hébergement d’urgence [demande d’asile initiée], j’ai vu un docteur à l’hôpital [médecin de la PASS]. J’ai fait des examens cardiaques, tous les éléments qui étaient

nécessaires...». Après 2 ou 3 consultations en cardiologie à Chambéry et des explorations complémentaires rapidement effectuées, il a été orienté vers le centre hospitalier universitaire de

Grenoble: « [Et quand avez-vous obtenu vos droits à l’assurance-maladie ?] C’est le [il donne la date], le jour de mon opération... Le professeur a dit à l’hôpital de Chambéry [à l’assistante sociale de la PASS]:

cet homme a besoin d’une chirurgie rapidement! [Toujours citant le professeur] Peu importe quelle assurance-maladie, il la nécessite pour l’intervention! C’est un autre médecin qui parlait russe qui m’a

traduit... Ils ont fait le mieux qu’ils pouvaient faire. Le même jour!!! [Ouverture des droits et intervention chirurgicale]».

Pour M. D, au-delà de sa situation administrative précaire, c’est la pathologie dont il souffrait (avec son caractère d’urgence, peut-être aussi une forme de « noblesse » de la spécialité concernée et de la chirurgie spécialisée) qui a été déterminante dans son parcours de soins et les interventions des différents médecins, à partir de la première consultation médicale à la PASS. L’accès aux droits (légitimité médicale et au « nom du professeur »), l’intervention chirurgicale et le séjour hospitalier ont suivi dans une logique biomédicale respectée. Son parcours de soins se poursuit dans cette lignée, entre les consultations spécialisées au centre hospitalier et le médecin de ville «pour les médicaments et l’ordonnance» (à proximité du CADA où il est hébergé). Sa situation administrative reste par contre en suspens.

Les modalités du parcours de soins

Nous avons entendu et observé dans quelles conditions de vie des conditions de recours aux soins peuvent se construire. Nous présentons à présent les éléments se rapportant aux modalités pratiques du recours aux soins. Le recours aux soins (qui est globalement effectif pour l’ensemble des personnes interviewées) est très lié à l’accompagnement quotidien des intervenants sociaux. L’expression de ces modalités par les personnes interviewées traduit aussi une forme de ressenti (subjectif) de ces liens d’accompagnement.

Nous précisons les modalités selon l’ordre suivant: - à la PASS

- dans le système de droit commun (pour la protection maladie puis pour l’accès aux soins)

À la PASS

Nous avons déjà montré le cheminement initial des consultants depuis les structures d’accueil et d’hébergement d’urgence (Accueil de jour et CHU) vers le Point santé (M. B, M. J), pour certains du Point santé vers la PASS intra-muros (M. J, M. B, M. G) ou encore depuis le CHRS (M. H, M. L) ou le CADA vers la PASS intra-muros (M. et Mme A, M. C).

En voici d’autres expressions, où l’accompagnement physique est souligné:

Mme E: «La première fois, je suis venu ici avec quelqu’un de la SASSON».

M. K: «Ils m’avaient convoqué 2 ou 3 fois pour me demander comment ça allait [...] On m’a demandé d’aller le [médecin de la PASS] voir [...] On m’a emmené là-bas».

M. et Mme A: «La première fois, l’assistante sociale [du CADA] nous a accompagné, la première fois elle est venue avec nous, puis on est allés tout seuls...».

Pour les personnes étrangères, récemment en France, cet accompagnement à la PASS (et de la PASS) est vécu avant tout comme un apprentissage facilité, pratique et rassurant (même si une forme d’obligation - déjà exposée - intervient notamment depuis la CADA):

M. J: «Pour moi, c’est difficile [en ville], parce que je parle et je lis pas bien le français». M. et Mme A: Mme A se souvient: «La première semaine [en France] je suis allé chercher des

antibiotiques [pour les enfants], je suis allé [à la pharmacie], on m’a expliqué que sans ordonnance, on ne donne pas». Elle précise à propos de son bilan à la PASS: « On [la PASS] sait que tu es débutant, on faisait le service avec l’apprentissage...», elle décrit ensuite sa recherche dans les différents bâtiments de

l’hôpital par cette image, amusée : «[Retrouvant l’infirmière de la PASS] Elle était comme l’oiseau qui garde ses petits: Ah je les ai trouvés...», pour conclure: « Maintenant, on peut s’arranger nous-mêmes». M. B: «Ils passent 2 fois par semaine [Point santé] dans les lieux où moi je me trouve, c’est plus facile...».

Pour les autres personnes consultantes interviewées, ce lien d’apprentissage n’existe pas ou peu. Les sens de l’accompagnement sont alors diversement vécus (comme nos questions): M. H dit «on m’a un peu forcé la main», M. K utilise le terme «convoqué» ou «on m’a demandé de» qui apparaissent porteurs de sens.

Ces formes d’accompagnement ressenties parfois comme des assignations ne se limitent cependant pas à la fréquentation de la PASS ou à l’accompagnement socio-médical. Elles concernent l’ensemble des relations sociales comme nous l’avons présenté au regard des caractéristiques socio-administratives des personnes rencontrées. Elles pourraient de façon générale se définir plus comme des formes d’assistance qui peuvent s'associer en regard à des vécus de dépréciation ou de disqualification sociale, et qui s’établissent dans une longue trajectoire de vie. Le discours de M. K par exemple traduit bien ces rapports ambivalents notamment à travers les justifications qu’il emploie à propos du logement, du travail ou de l’assurance maladie (précisées ensuite).

Pour M. F et Mme E, suivis presque exclusivement à la PASS (leur médecin traitant est le médecin de la PASS) et qui avaient été orientés et accompagnés initialement, le recours aux soins se fait à présent selon un mode classique et indépendant, sans intermédiaire. Leur discours ne contient pas ces éléments d’assistanat ou de stigmatisation, l’appui reçu est au contraire valorisé.

Ainsi, les modalités du recours aux soins évoluent avec ces formes d’accompagnement et surtout leur ressenti essentiel. Cet accompagnement, qui détermine ici le premier contact à la PASS, n’est de plus pas spécifique de la fréquentation de la PASS, il peut se poursuivre (voire s’accentuer) parfois avec insistance dans le système de droit commun.

Dans le système de santé de droit commun Le droit à la protection maladie

Au moment de nos entretiens, toutes les personnes interviewées avaient un droit complet à la protection maladie. Pour tous, le recouvrement et le renouvellement ultérieur de ces droits semblent se faire avec (ou par) les intervenants sociaux accompagnateurs, en dehors du dispositif de la PASS (sauf pour M. B et M. D).

L’expression de ces situations (pour M. et Mme A ou M. B) a déjà été relatée, avec la demande des droits et l’intervention de l’assistante sociale du CADA ou de l’accueil de jour. D’autres personnes décrivent aussi ces positions par rapport aux droits: