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1 ère PARTIE : Généralités

2 Droit et dispositifs

2.3 Droit des étrangers

Le droit des étrangers en France représente un champ complexe et évolutif, particulièrement sensible aux évolutions politiques, voire politiciennes. Certaines populations migrantes ou exilées vivant en France des situations de précarité, l’accès aux soins est alors très lié au droit de séjour ou son absence. De plus, le corps et la maladie peuvent dans certaines situations devenir des enjeux qui interviennent dans la définition de ces statuts du droit au séjour, dans une forme de « biopolitique » relativeI [33].

I Par cette notion de biopolitique issue d'une lecture de l'œuvre de M. Foucault, D. Fassin décrit une forme

C’est sous ces angles restreints que nous envisagerons ici quelques éléments juridiques actuels, en mentionnant aussi la situation particulière des ressortissants des derniers pays étant entrés dans l’Union européenne.

Les étrangers résidant en France relèvent de deux types de législations, le droit à la protection au titre de l’asile et le droit général de l’immigration, principalement regroupés au sein du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Le droit d’asile et les demandeurs d’asile

Sur un plan juridique, l’asile est la protection spécifique qu’accorde un État à un individu sur son territoire pour lui permettre d’échapper aux risques pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité, auxquels il est exposé dans son propre pays. Elle tient son origine de l’article 1er alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des Réfugiés. La protection subsidiaire (art. L712-1 du CESEDA) est une autre protection « a minima », propre au droit français, mais qui répond à une procédure identique.

Un demandeur d’asile bénéficie durant l’instruction de sa demande par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) d’un droit au séjour - en général sans autorisation de travail - accordé par la préfecture du lieu de résidenceI, sous la forme initiale d’une autorisation provisoire de séjour (APS « en vue des démarches auprès de l’OFPRA ») éventuellement précédé d’un « récépissé constatant le dépôt d’une demande d’asile ». Ces documents de séjour nécessitent une domiciliation - les associations agréées en ce sens pouvant ne pas l’être pour la CMU ; ils permettent aussi de justifier du critère de résidence (constituant une exception à l’obligation des trois mois de présence stable et régulière) pour l’obtention de la CMUC. Il existe par ailleurs des procédures d’asile à garantie diminuée dites « procédure prioritaire » et « Dublin 2 »II, qui ne permettent pas la délivrance ou le maintien d’un

titre de séjour et des droits sociaux associés.

La durée d’instruction par l’OFRA est variable (en dehors des procédures prioritaires traitées dans un délai théorique de quinze jours), jusqu’à plusieurs années dans certaines situations [34]; en particulier en cas d’hébergement des personnes demandeurs d’asile en centre d’accueil des demandeurs d’asile

tente de faire valoir lorsque tous les autres fondements d'une légitimité semblent avoir été épuisés » [33:240]. Elle s'exprime notamment à travers le passage d'un statut illégitime de "sans-papiers" à la reconnaissance éventuelle d'un titre de séjour par la légitimité d'un corps "malade ou souffrant", mais recouvre plus généralement un ensemble de mesure de gouvernement des corps.

I Au cours de l'année 2009, les procédures ont été centralisées à l’échelle régionale : le dépôt de la demande

d’asile se fait à la Préfecture régionale du lieu de résidence (sauf dans certaines régions où des « sous-régions » sont constituées). Une prise d’empreinte immédiate, avec comparaison et alimentation d’une base de données européennes, est alors effectuée - forme de "triage". En Savoie, le dépôt initial de la demande d’asile se fait à la Préfecture de Grenoble.

II Selon cette procédure dite « Dublin 2 » : les personnes, déjà identifiées dans la base de données des empreintes,

sont soumises à une procédure "d’externalisation" de leur demande d’asile vers le pays de l’UE d'où le fichier reconnaît leur passage (c’est-à-dire où ces premières empreintes ont été enregistrées).

(CADA), un examen médical est imposé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), orienté en particulier sur le bilan vaccinal et tuberculeux.

En cas de rejet du statut de réfugié, un recours suspensif de la décision (avec maintien des droits possible notamment à l’assurance maladie) est possible devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Si le statut de réfugié n’est pas accordé, la personne se retrouve en situation irrégulière, et perd entre autres ses droits à la CMU (de base et complémentaire), en pratique à l’issue de la période d’affiliation.

Les personnes reconnues « Réfugié » obtiennent une carte de résidence de 10 ans, et le maintien initial de leurs droits à la CMUC, sous réserve de respecter les conditions de ressources.

En 2009 en France, selon le rapport d’activité de l’OFPRA [34], 47686 personnes (mineurs compris) ont demandé asile à l’OFPRA ou à la CNDA, dont 22% instruites en « procédures prioritaires » ; sur 35490 décisions prises cette même année, 29,4% ont accordé le statut de réfugié ou de protection subsidiaire (dont près de 60% suite à un recours auprès de la CNDA). Donc plus de 25000 personnes - déboutées - ont perdu leur droit au séjour et à la CMU par décision administrative en 2009, dans ce cadre ; comme toute personne étrangère en situation irrégulière (et respectant les conditions d’attribution), elles peuvent cependant bénéficier de l’AME, selon la procédure « normale ».

Indépendamment du droit d’asile, d’autres situations permettent une régularisation du séjour, entre autres pour certains étrangers malades selon la mention « vie privée et familiale ».

Le droit au séjour pour raison médicale

Le droit au séjour pour raison médicale, dont la procédure « étrangers malades » constitue la transposition administrative, se trouve aujourd’hui défini par l’article L313-11 11° du CESEDA. Ce droit permet l’accès à un titre de séjour pour raison « humanitaire » avec droit au travail éventuel pour des étrangers sans titre de séjour atteints d’affection grave, et sous condition d’une résidence habituelle en France (en pratique de un an). Il ne doit pas se confondre avec la demande d’asile. Les modalités de demande de carte de séjour pour raison médicale sont complexes. Les pratiques des préfectures varient selon le département. Le rapport médical doit être rédigé soit par un « médecin agréé » soit par un « praticien hospitalier ».

La procédure prévoit ensuite un double niveau de décision : le médecin inspecteur de santé publique (MISP) donne un avis médical au préfet qui, au vu de cet avis mais sans y être lié, délivre

éventuellement le titre de séjour sous la forme d’une carte de séjour temporaireI (CST, de durée

minimale et un an maximum, renouvelable); il n’y a en outre pas de liste réglementaire d’affections.

Lorsque la condition de résidence habituelle n’est pas remplie, les personnes atteintes d’affection grave

peuvent obtenir une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée maximum de six mois.

La décision est de plus motivée par le pays d’origine de la personne, à travers les capacités de soins estimées localement : la condition de « non accès effectif au traitement approprié dans le pays d’origine de l’étranger » en vigueur actuellement pourrait être modifiée par la seule « indisponibilité du traitement approprié », selon la dernière évolution législative en projetII. Un recours contentieux est par ailleurs possible devant le juge administratif. Selon l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), après refus de la régularisation pour soins, près d’une mesure d’éloignement sur deux est ainsi annulée [35].

Le nombre d’étrangers malades régularisés en France (détenteurs d’un titre de séjour) se situe autour de 28 000 personnes (0,8% des étrangers en France) fin 2008 ; pour plus de 90% d’entre eux, l’affection grave à l’origine de la régularisation a été diagnostiquée en France, selon l’ODSE. La délivrance de tels titres de séjour a par ailleurs fortement diminué de 2004 à 2008 (- 20,6%) [35].

La situation des « nouveaux Européens »

Selon les articles L 121-1 et suivants du CESEDA, les citoyens de l’Union européenne (UE) peuvent « circuler et séjourner librement en France ». Au-delà de 3 mois, les « inactifs » doivent cependant « disposer […] de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale français et d’une assurance maladie-maternité ». Pour les citoyens bulgares et roumains « actifs », exclusivement, des règles spécifiques s’appliquent, la Bulgarie et la Roumanie ayant été intégrées à l’UE au 1er janvier 2007. Durant une période transitoire, ces « nouveaux Européens » ont obligation de détenir un titre de séjour, avec autorisation de travail, demandée par le futur employeur à la préfecture.

En pratique, les citoyens de l’UE, en particulier roumains et bulgares inactifs, en France depuis plus de 3 mois, sans revenus et sans assurance de santé européenne, sont en situation irrégulière, et ne peuvent

I En pratique et généralement, une simple autorisation provisoire de séjour (APS) est initialement délivrée, sans

autorisation de travail.

II Art. 17 Ter du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité enregistré à l'Assemblée

bénéficier à ce titre ou son absence que de l’AME (et non la CMUC) I. Ceci en contradiction avec les

règles d’instruction de l’AME par l’Assurance maladie, déjà mentionnées.

La récente affaire sur la « circulaire ministérielle Rom » du 5 août 2010 (visant «en priorité ceux [les camps] des Roms») ne constitue en ce sens qu’un élément médiatisé à associer au champ plus large de certaines discriminations administratives.