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La responsabilité sociale corporative :

Section 2 : Le développement durable

4. La responsabilité sociale corporative :

Suite aux pressions exercées par les groupes sociaux pour une prise en charge des impacts de l'activité industrielle par les principaux responsables, les entreprises se sont emparées du concept de développement durable. Les entreprises représentent en effet les agents centraux de l'économie mondialisée et les principauxcontributeurs à la dégradation environnementale, que ce soit au niveau local ou planétaire (Lefèvre, 2006). Ainsi, dès Rio, elles se sont organisées à travers ce qui est devenu le World Business Council for SustainableDevelopment (WBCSD) afin de formaliser le rôle qu'elles entendent jouer dans la mise en œuvre du développement durable. Il s'agit pour elles de ne plus être perçues comme étant à l'origine des problèmes environnementaux, mais plutôt à la base de la solution. Ainsi, en 1991 en préparation du sommet de Rio, elles mettront l'accent sur les programmes volontaires initiés par l'industrie.

Selon cette perspective, la régulation du processus de développement durable doit être confiée au marché. Pour les entreprises, les normes publiques peuvent constituer des obstacles à ce processus, ce qui n'est pas le cas des normes privées. Elles proposent donc une privatisation de l'opérationnalisation du développement durable qui se trouve de plus

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en plus assimilée à l'élaboration d'initiatives volontaires de responsabilité sociale corporative.

La mise en œuvre de cette approche donne lieu à l'instauration de normes techniques, de codes de conduite ou d'initiatives diverses issues de l'industrie, dont la vérification par des organismes privés doit certifier de la mise en œuvre de processus en vue de pratiques éco-efficientes (Capron 2004; Vivien, 2005).

La prédominance de cette approche fait en sorte que les entreprises se retrouvent en charge de revisiter les bases de l'activité économique afin d'en limiter les incidences environnementales et de favoriser une répartition équitable de son fruit. Or, les solutions proposées par les entreprises dans le cadre de la responsabilité sociale corporative sont orientées vers une sécurisation de l'activité industrielle et portent moins sur les enjeux de fonds soulevés par le développement durable.

De ce fait, les origines politique, sociale ou même culturelle des problèmes environnementaux et sociaux sont éludées. En fait, l'interprétation du développement durable par le monde des affaires obscurcit toute la dimension sociale ainsi que les questions relatives à la répartition des ressources et des nuisances environnementales.

Cependant, dans le cadre de 1'opérationnalisation du développement durable, les initiatives de responsabilité sociale ont pris une ampleur considérable.

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Conclusion:

Pour une approche institutionnaliste du développement durable Compte tenu du changement de valeurs qu'implique le développement durable, les conditions de son opérationnalisation reposent sur la notion de participation. Cela permet, par la prise en compte de propositions alternatives, une inflexion des déterminants des choix économiques et remet de ce fait en cause les modalités autoritaires de prise de décision. Or, la participation peut emprunter plusieurs voies qui ne sont pas toutes garantes d'une évolution des valeurs vers les enjeux de durabilité. Certaines approches ne permettent pas d'appréhender les processus transformateurs.

Ainsi, selon les préceptes de l'économie néolibérale, l'individualisme méthodologique ainsi que le comportement maximisateur des agents économiques sont à l'origine des décisions individuelles dont la coordination est assurée par le marché. De ce fait, les individus ne sont à la poursuite que de leurs intérêts, ce qui ne permet pas la prise en compte de l'équité intra ou intergénérationnelle.

Par ailleurs, la prise de décision environnementale ne peut être appréhendée par l'utilisation de critères utilitaristes compte tenu de l'incertitude et de l'irréversibilité. De ce fait, l'approche institutionnaliste préconise un « système hiérarchique de valeurs où certaines valeurs vont être prioritaires par rapport à celles exprimées par les préférences individuelles» pour les besoins de « continuité de la vie humaine » et de « recréation harmonieuse de la société » (Swaney, 1987).

Cependant, le problème réside dans l'identification, la reconnaissance et la hiérarchisation de ces valeurs et en particulier, dans l'existence d'un appareil étatique

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et d'institutions internationales en mesure de contrôler le respect de ces normes dans le but de s'opposer aux intérêts de court terme (Froger, 1997). Ce sont ces critiques qui sont à la base des propositions de renouvellement institutionnel de l'approche institutionnaliste de l'environnement qui pourraient s'étendre au développement durable23.

Les enjeux de la mondialisation et leurs incidences sur les inégalités inter et intra générationnelles ainsi que la complexité et l'incertitude associées aux problématiques environnementales nécessitent en effet une reformulation des arrangements institutionnels ayant jusque-là permis la coordination et l'ordre social. En effet, ni l'État, ni le marché pris isolément ou en tandem ne sont en mesure de relever les défis posés par la transition vers un développement durable. Pour les institutionnalistes, les inégalités qui caractérisent le système social induisent la nécessité d'un contrôle. Si l'État se voit confier le rôle de régulation par les institutionnalistes, ceux-ci émettent une mise en garde, car les décisions publiques en matière environnementale ne constituent pas non plus la panacée. Ainsi, pour Swaney (1987).Pour ce courant de pensée, et tel que conceptualisées par Kapp (1950, cité par Swaney, 1987), les externalités ne constituent pas des défaillances du marché, mais représentent des conséquences structurelles du fonctionnement du marché du fait de la compétition.

Pour les pays en développement, cette reformulation a pour effet d'ouvrir la porte à la réorientation des politiques de développement qui ont pendant longtemps été calquées sur le modèle libéral. Cependant, l'appel à la participation comme source de renouvellement requiert des balises qui lui sont fournies par les exigences du

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Cet élargissement se justifie par l'analyse qu'effectue Zaccaï (2002) du développement durable; selon lui, l'innovation majeure contenue dans ce concept par rapport à celui de développement est essentiellement la dimension environnementale.

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l'intégration de la notion de long terme faisant suite à l'identification de ce facteur comme condition à la survie de l'espèce humaine, fait de la dimension environnementale une balise à la définition de toute alternative de développement. Les débats autour du développement durable ne sont donc pas sans importance pour les pays pauvres exportateurs de matières premières, même si aucun renouvellement radical n'est apparu sur le plan de l'ordre économique international.

L'émergence des principes accompagnant le développement durable, en dépit des interprétations potentielles, fait ressortir des points d'ancrage qui permettent de rouvrir dans ces pays, le débat sur le développement qui avait été clos avec les programmes d'ajustement structurel. En effet, les crises financières des années 1980 avaient brutalement mis fin au débat sur le nouvel ordre économique international. Les questions structurelles ont été ainsi mises de côté au profit du règlement à court terme de la crise.

Au cours de la décennie qui a suivi, on a assisté au niveau international, à une libéralisation des échanges, de la circulation des capitaux et de la généralisation des mécanismes de marché comme régulateurs de l'économie. Pour les pays sous ajustement, ce modèle n'a pas souffert de discussion, de telle sorte que les économies des pays en développement, après avoir suivi des politiques visant à les intégrer au marché international, sont fortement extraverties24 .

Sur le plan conceptuel, le développement durable amorce la discussion et des possibilités de changement, mais comme nous l'avons vu, au niveau de la mise en œuvre, les propositions sont pour le moment fortement orientées par les acteurs corporatifs

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Dans les années 1990, ce sont les cinquante pays les plus pauvres qui se sont ouverts le plus rapidement avec un taux d'ouverture de 51 % contre 43 % pour les pays de l'OCDE (Hugon, 2006).

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soutenus par les institutions financières internationales. Dans le contexte d'extraversion actuel des pays qui favorisent l'implantation des multinationales, la poursuite du développement durable fait appel à des approches institutionnelles que les propositions corporatives ne permettent pas toujours de garantir. En effet, si l'opérationnalisation du développement durable dépend d'une confrontation et d'une modification des valeurs à l'issu des processus de participation, les propositions en matière de responsabilité sociale corporative doivent être en mesure de garantir cette possibilité.

Chapitre 2 : Les paradigmes de la responsabilité sociale des