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9.3 Un syst`eme pour la g´en´eration de formes musicales

10.1.1 Repr´esentation des structures temporelles

[Accaoui, 2001] d´efinit la “synth`ese temporelle” comme une capacit´e `a rassembler ou `

a retenir en une seule actualit´e un certain nombre de moments distincts :

“Pour apparaˆıtre `a la conscience [...] tout ´ecoulement temporel doit tomber sous le coup d’une synth`ese temporelle, d’un ensemble.”

Pour l’auteur, cette synth`ese temporelle n´ecessite l’existence pr´ealable d’objets constitu´es dans le temps :

“[...] on ne synth´etise pas des unit´es temporelles sans synth´etiser des unit´es substan-tielles, des unit´es objectives constitu´ees.” [Accaoui, 2001]

Nous nous appuierons dans un premier temps sur cette id´ee d’un temps constitu´e d’“unit´es objectives”, pour nous focaliser sur des concepts relevant de l’organisation de ces unit´es (succession, simultan´eit´e, et autres relations temporelles).

La formalisation (informatique) du temps va ainsi pouvoir aider par le calcul `a d´ecrire et former des structures temporelles complexes `a partir d’objets ´el´ementaires. Les diff´erents formalismes utilis´es `a cet effet correspondent `a des repr´esentations temporelles particuli`eres et constituent autant de conceptions de l’organisation sonore qui permettent de formuler et d’impl´ementer des relations et des op´erations dans le temps sur ces objets, c’est-`a-dire de construire avec ceux-ci un d´eveloppement musical.

De nombreux formalismes et repr´esentations temporelles ont ´et´e avanc´es (voir par exemple [Balaban et Murray, 1998], [Barbar et al., 1993], [Bel, 1990], ou [Allen, 1991]), chacun permettant d’exprimer avec plus ou moins de facilit´e, d’´el´egance ou de puissance certains types de situations. En contrepartie, chacun peut aussi se montrer limit´e pour en exprimer d’autres. Il est difficile d’´etablir une classification, mais on peut en revanche isoler certains types de relations temporelles que l’on retrouvera dans les uns ou les autres de ces diff´erents formalismes.

S´equence

La repr´esentation la plus ´el´ementaire d’une organisation temporelle consiste simple-ment `a affecter `a chaque ´el´ement (qu’on appellera ´ev`enement) une ´etiquette temporelle, une donn´ee de temps absolue (appel´ee g´en´eralement onset) indiquant sa date d’apparition dans un r´ef´erentiel, ou dans une s´equence (par exemple t = 3 secondes). A cette date est g´en´eralement associ´ee une dur´ee. L’organisation temporelle se trouve ainsi r´eduite `a une succession chronologique d’´ev`enements.

Dans cette repr´esentation, chaque ´ev`enement est ind´ependant. Calculs et d´eductions ne sont donc pas n´ecessaires pour connaˆıtre leurs positions dans le temps (voir figure 10.1 - a). C’est donc une repr´esentation relativement simple, pr´ecise et facilement ´editable (c’est ´egalement celle qui est utilis´ee dans la plupart des s´equenceurs musicaux actuels). Elle permet d’effectuer facilement des comparaisons, des tests de pr´ec´edence entre les ´ev`enements : il suffit de faire des comparaisons entre les valeurs des onsets et/ou des

dur´ees. Il est en revanche d´elicat d’y exprimer des relations entre ceux-ci (synchronisation, offsets relatifs, etc.) On ne peut pas, par exemple, d´ecrire correctement une situation simple telle que “A commence en mˆeme temps que B” : il est possible de leur donner les mˆemes valeurs d’onset, mais si l’un des deux est d´eplac´e, cette assertion ne sera plus v´erifi´ee. Il est donc difficile d’y construire des formes musicales complexes.

Les repr´esentations cycliques du temps peuvent ˆetre vues comme des cas particuliers de cette repr´esentation s´equentielle, pr´esentant un degr´e suppl´ementaire de structuration du fait d’une p´eriodicit´e donn´ee.

Figure 10.1: Repr´esentations temporelles (a) s´equentielle et (b) hi´erarchique.

Hi´erarchie

Certains inconv´enients de la repr´esentation s´equentielle peuvent ˆetre r´esolus en intro-duisant la notion de hi´erarchie. Les repr´esentations hi´erarchiques proposent des structures capables d’encapsuler d’autres structures. Une situation donn´ee est ainsi exprim´ee sous forme d’une arborescence, dont les noeuds peuvent ˆetre soit des ´ev`enements “terminaux”, soit des structures compos´ees, pouvant elles-mˆemes contenir des ´ev`enements terminaux ou d’autres structures compos´ees.

Dans le formalisme propos´e par [Balaban et Murray, 1998], le temps est organis´e par des Elementary Structured Histories (ESH ) – objet (par exemple une action, un ´ev`enement) associ´e `a une dur´ee – et des Structured Histories (SH ) – ensemble d’occurrences d’ESHs ou de sous-SHs `a des positions temporelles donn´ees.1

Les positions des ´ev`enements deviennent donc relatives `a une super-structure. On les exprime non plus de mani`ere absolue mais par rapport `a cette structure, qui repr´esente un r´ef´erentiel (voir figure 10.1 - b). C’est donc une repr´esentation qui, tout en restant intuitive, permet de cr´eer des formes plus structur´ees et mieux adapt´ees aux situations musicales.

Dans une certaine mesure, on peut en effet consid´erer la notation musicale tradition-nelle comme une repr´esentation hi´erarchique du temps, avec les encapsulation de mesures, pulsations, et subdivisions. Dans OpenMusic, les rythmes sont d’ailleurs exprim´es au moyen d’arbres rythmiques, qui sont des structures de donn´ees hautement hi´erarchis´ees

1

Ce formalisme a ´et´e propos´e dans le cadre d’applications en intelligence artificielle, mais est ´egalement extensible aux situations musicales.

[Agon et al., 2002]. Les objets musicaux en g´en´eral y sont ´egalement construits sur un formalisme hi´erarchique bas´e sur la notion de conteneur (container ) [Assayag et al., 1997b]. Un conteneur (polyphonie, s´equence, mesure, accord, etc.) est un objet musical ´el´ementaire ou contenant un ensemble d’autres conteneurs. Ses caract´eristiques temporelles sont sp´eci-fi´ees par trois valeurs enti`eres : un onset (o) – position de l’objet dans le r´ef´erentiel de son propre conteneur, une dur´ee (e), et une unit´e de subdivision (u) dans laquelle sont exprim´ees la dur´ee et les onsets des objets qu’il contient. Ce syst`eme permet d’encapsuler de mani`ere transparente les objets dans des niveaux hi´erarchiques successifs. L’unit´e de subdivision (u) permet de faire coexister des entit´es et des syst`emes d’unit´es temporelles h´et´erog`enes, et de les ramener si besoin `a une mˆeme ´echelle (i.e. dans une mˆeme unit´e).

La figure 10.1 met en ´evidence les diff´erents rapports entre la date des ´ev`enements et leur position dans le flux temporel global : ils sont ´egaux dans la repr´esentation s´equentielle, mais pas n´ecessairement dans la repr´esentation hi´erarchique. Dans ce dernier cas, c’est la date relative de l’´ev`enement, ajout´ee r´ecursivement `a celle de la structure hi´erarchique le contenant, qui donne la date “absolue”.

Causalit´e

Les positions des ´ev`enements dans le temps peuvent ´egalement ˆetre d´etermin´ees par le calcul `a l’int´erieur d’un formalisme donn´e, introduisant la notion de causalit´e dans la repr´esentation temporelle. Une telle repr´esentation permet des interactions tempo-relles entre les objets, donc une mod´elisation puissante des situations musicales. Il est par exemple possible de d´efinir les relations entre ´ev`enements selon un ordre de calcul ind´ependant du d´eroulement temporel. Dans l’exemple de la figure 10.2 - a, la position du bloc 1 est une fonction de celle du bloc 2. Le bloc 2 est donc ant´erieur au bloc 1 dans l’ordre du calcul, et lui est post´erieur dans l’ordre temporel “physique”. Ce type de repr´esentation temporelle met donc en avant un temps d’´ecriture et de formalisation plus proche de la construction musicale (ind´ependant de l’ordre chronologique). En revanche, l’expression des relations (par l’utilisateur d’un syst`eme, par exemple) peut rendre son impl´ementation plus d´elicate.

Logique

Les relations logiques permettent ´egalement d’envisager des interactions temporelles entre les objets, mais dans lesquelles le calcul n’est pas orient´e : il n’y a pas la causalit´e que l’on a mise en ´evidence pr´ec´edemment (voir figure 10.2 - b).

Parmi les travaux les plus c´el`ebres sur la logique temporelle, James F. Allen a no-tamment ´enum´er´e 13 relations logiques ´el´ementaires pouvant repr´esenter l’ensemble des situations entre intervalles temporels (before/after meets/met-by overlaps/overlapped-by starts/started-by during/contains finishes/finished-by equal ) [Allen, 1983].

Ce type de repr´esentation peut ˆetre mis en place efficacement par des syst`emes de programmation par contraintes. Dans un tel syst`eme, un CSP (Constraint Satisfaction Problem) repr´esente un ensemble de contraintes (e.g. A doit commencer avant B, C doit se terminer en mˆeme temps que B, etc.) trait´ees par un syst`eme de r´esolution.

Une notion d’ind´eterminisme apparaˆıt alors, du fait qu’une sp´ecification de relations temporelles peut ˆetre satisfaite par un nombre variable de solutions (ou mˆeme ne pas ˆetre satisfaite, en cas d’inconsistance de cette sp´ecification).

Dans [Beuriv´e et Desainte-Catherine, 2001] est par exemple discut´e un syst`eme de r´esolution par contrainte pour les hi´erarchies temporelles.2

Le NTCC (nondeterministic temporal constraint programming calculus [Palamidessi et Valencia, 2001]) est un autre exemple de calcul permettant la sp´ecification et la r´esolution de situations temporelles exprim´ees sous formes de contraintes.3