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2.4 Contrˆ ole de la synth`ese

2.4.4 Le contrˆ ole dans les environnements temps r´eel

Dans une certaine mesure, les environnements de temps r´eels, surtout lorsqu’ils sont visuels, peuvent contenir eux-mˆemes leur propre syst`eme de contrˆole. Des outils et ob-jets sp´ecialis´es y sont en effet int´egr´es (notamment dans Max/MSP) et permettent la visualisation et l’interaction sur les donn´ees transmises dans les processus.

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Cependant le contrˆole pr´ed´efini (“´ecrit”) d’un processus de synth`ese dans ces environ-nements est en g´en´eral probl´ematique, ceux-ci ´etant en principalement destin´es `a r´epondre `

a des messages et signaux dans une interaction avec des dispositifs externes. La contrainte du temps r´eel oblige alors `a une port´ee temporelle r´eduite, et le traitement du temps en tant que param`etre musical est tr`es limit´e : il n’y a pas de r´eelle place pour les struc-tures temporelles complexes (compos´ees) dans ce contexte. Les objets de type timeline, ou s´equenceurs rudimentaires, permettent en principe tout au plus de programmer le d´eclenchement de messages `a des instants pr´ed´etermin´es.

On notera cependant que l’une des motivations pour la cr´eation de PureData ´etait la conception d’un environnement int´egrant temps r´eel avec gestion des structures de donn´ees plus complexes. Dans ce syst`eme, les data structures permettent ainsi l’ordonnancement et le contrˆole de processus temps r´eel sur un axe temporel, grˆace `a une interface graphique (voir figure 2.11). Avec cette repr´esentation, les ´ev`enements sonores peuvent ˆetre retard´es et soumis `a un s´equencement contrˆol´e graphiquement. Dans la limite d’une chronologie lin´eaire, des relations de cause `a effet peuvent ˆetre programm´ees entre les ´ev`enements. Si le contrˆole est donc encore quelque peu limit´e, le rendu visuel et interactif de l’´edition de programme utilisant cette interface, et surtout l’apparition du temps comme param`etre de contrˆole, permettent d’envisager avec celle-ci de r´eelles partitions de synth`ese en temps r´eel [Puckette, 2002].

Figure 2.11: Editeur de data structures dans PudeData.10

La librairie FTM actuellement d´evelopp´ee `a l’Ircam d´enote ´egalement un effort dans le mˆeme sens, avec l’int´egration dans Max/MSP de structures musicales complexes et proches des donn´ees musicales [Schnell et al., 2005].

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Contrˆole du d´eroulement temporel et de l’ex´ecution : IanniX

Nous voyons petit `a petit que la question du contrˆole de la synth`ese va g´en´eralement de pair avec des probl´ematiques temporelles : organiser des objets, des param`etres dans le temps, contrˆoler leur d´eroulement, leurs enchaˆınements et ´evolutions.11

L’environnement IanniX [Coduys et Ferry, 2004], sur lequel nous nous attardons un instant, pr´esente une approche int´eressante de ces probl´ematiques. Celui-ci propose une repr´esentation du temps correspondant aux deux axes du plan, sur lequel l’utilisateur d´efinit des “trajectoires temporelles” (rectilignes, courbes, circulaires, etc.) Des curseurs peuvent alors ˆetre dispos´es et vont suivre ces trajectoires selon des directions et vitesses va-riables, et activeront des ´ev`enements de synth`ese lorsqu’ils rencontrent des objets dispos´es sur ou autour de ces trajectoires. Ces objets peuvent correspondre `a des valeurs simples (triggers), ou bien `a des courbes d´efinies graphiquement. La rencontre d’un curseur avec l’un de ces objets provoque donc l’envoi d’une (dans cas des triggers simples) ou d’une s´erie de valeurs (dans le cas de courbes) vers un syst`eme de synth`ese (le plus souvent, un patch, ou processus de synth`ese, d´efini dans PureData ou Max/MSP). IanniX se positionne ainsi clairement du cˆot´e du contrˆole de la synth`ese, comme outil de repr´esentation et de s´equencement d’´ev`enements et de donn´ees de synth`ese ; une sorte de partition offrant une repr´esentation symbolique d’une œuvre (voir figure 2.12).

Figure 2.12: Le logiciel Iannix.12

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Ces questions seront trait´ees sp´ecifiquement dans la quatri`eme partie de la th`ese, en particulier dans le chapitre 10.

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Les trajectoires peuvent ˆetre parcourues simultan´ement `a des vitesses variables ou mˆeme dans des sens oppos´es par diff´erents curseurs. L’espace temps × temps propos´e permet la construction de structures temporelles diverses et entrelac´ees, diff´erentes tem-poralit´es pouvant ˆetre d´evelopp´ees et coexister dans un mˆeme espace et dans une mˆeme ex´ecution. Les caract´eristiques graphiques des objets du syst`eme (trajectoires, curseurs, triggers) sont donc ´etroitement li´ees au d´eroulement temporel et `a l’ex´ecution des pro-cessus : l’association de la partition (ensembles des objets) et des trajectoires d´efinissent la ou les s´equences musicales. La correspondance entre la morphologie des trajectoires, le comportement des curseurs (qui peuvent par exemple s’activer mutuellement), et le rep`ere temps×temps, permettent alors d’organiser l’ordonnancement temporel de mani`ere in´edite. Cette dualit´e entre temps et espace, qui fait l’originalit´e de cet environnement, est discut´ee par les auteurs dans [Coduys et al., 2003].

2.5 Conclusion

Nous avons pr´esent´e dans ce chapitre des notions et travaux relatifs `a l’utilisation de la synth`ese sonore dans un objectif musical, dont un certain nombre d’environnements de contrˆole de la synth`ese. Ceux-ci se basent sur des syst`emes de synth`ese donn´es plus ou moins explicitement et proposent donc des interfaces permettant la construction de repr´esentations adapt´ees `a ces syst`emes. Ils permettent ainsi de traiter et d’organiser les donn´ees de param´etrage des syst`emes de synth`ese en r´eduisant la complexit´e de ces donn´ees du point de vue de l’utilisateur. L’aspect graphique des syst`emes de contrˆole est aussi souvent pr´epond´erant dans la mani`ere dont cet utilisateur peut s’abstraire du domaine du traitement du signal par une symbolique visuelle, pour se concentrer sur des probl´ematiques musicales.13

D’une mani`ere g´en´erale, il s’agit donc d’augmenter le potentiel musical d’une repr´esentation du son par l’´etablissement d’abstractions ou de conventions graphiques.

Il y a ensuite un mapping plus ou moins explicite entre les repr´esentations sugg´er´ees par les syst`emes de synth`ese et celles propos´ees par les syst`emes de contrˆole. Ainsi, chaque syst`eme de contrˆole d´etermine des points d’entr´ee sur les processus de synth`ese, comme autant de degr´es de libert´e donn´es `a l’utilisateur `a travers les param`etres qu’il doit sp´ecifier pour obtenir un son de synth`ese. Dans cette logique, moins on a de param`etres de contrˆole, plus le contrˆole est dit (ou per¸cu) de “haut niveau”. Un probl`eme qui se pose alors est que l’on r´eduit ainsi le potentiel d’expressivit´e du syst`eme : on sera rapi-dement limit´e dans l’exp´erimentation et la d´ecouverte de sons avec une libert´e de mou-vement r´eduite. L’id´ee d’un dispositif de haut niveau r´eduisant (mˆeme judicieusement)

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Tous les environnements de contrˆole ne sont pas pour autant visuels ; certains compositeurs exp´eriment´es pr´ef´ereront travailler directement avec les langages et structures de “bas niveau” afin de conserver le maximum des possibilit´es de contrˆole sur les processus de synth`ese.

param`etres et possibilit´es de contrˆole semble donc trop contraignante au vu des id´eaux de la musique ´electroacoustique. Les langages de synth`ese sont quant `a eux dot´es d’une flexibilit´e suppl´ementaire, mais s’´eloignent du niveau abstrait n´ecessaire `a la composition musicale.

G´erard Assayag a d´ej`a relev´e l’importance de ce type de probl`eme pour l’´etablissement de syst`emes de repr´esentations garantissant le potentiel musical et la libert´e esth´etique permise par un syst`eme :

“Repr´esenter sous une forme musicale une structure ou un processus abstraits – que l’on souhaite au d´epart aussi peu contraints que possible pour pr´eserver la libert´e d’imagination formelle – implique la maˆıtrise d’un syst`eme de repr´esentations musi-cales, c’est-`a-dire d’un ensemble coh´erent de structures symboliques aptes `a d´efinir les propri´et´es des objets musicaux et les relations que ces derniers entretiennent `a mesure qu’ils se combinent pour former des assemblages de plus en plus complexes. Le syst`eme de repr´esentation devra rendre compte de tous les niveaux d’int´egration [...] La diffi-cult´e r´eside alors dans le rep´erage et l’extraction d’universaux qu’il sera pertinent de fixer en des repr´esentations informatiques de r´ef´erence. Une telle ´etude, fondamentale dans les deux sens du terme, est trop souvent n´eglig´ee [...], cela conduisant `a un d´eficit de g´en´eralit´e des mod`eles et donc `a des goulots esth´etiques [...] Pourtant, seule la maˆıtrise de ce niveau profond serait en mesure de garantir et l’ouverture stylistique – la capacit´e `a satisfaire des compositeurs adoptant des points de vue tr`es ´eloign´es les uns des autres – et une communication mieux contrˆol´ee entre pens´ee musicale et syst`emes de production sonore (notamment par synth`ese).” [Assayag, 1993]

Avec la synth`ese sonore, le mat´eriau musical issu de la composition est converti en signal sonore par un processus informatique accessible au compositeur, et les param`etres de ce processus sont par ailleurs g´en´eralisables `a tout type de donn´ees, comme l’a montr´e la diversit´e de syst`emes de synth`ese existants. L’int´egration d’un contrˆole de bas niveau sur ces donn´ees et processus est donc n´ecessaire, associ´e `a des strat´egies de contrˆole de plus haut niveau, ce qui est difficilement envisageable d`es lors que l’on se positionne formel-lement d’un cˆot´e ou de l’autre de la fronti`ere. Une navigation flexible entre les domaines des processus de synth`ese et celui des processus compositionnels de haut niveau, et entre les diff´erents niveaux d’abstraction interm´ediaires semble une caract´eristique n´ecessaire `a une r´eelle emprise de la composition sur la synth`ese sonore.

Chapitre 3

La synth`ese sonore dans la

composition

Au vu des nouveaux ´el´ements apport´es par la synth`ese sonore dans le domaine de la composition, il semble l´egitime de se poser la question de la validit´e des notions relevant du sch´ema musical traditionnel dans ce nouveau contexte. La culture et l’histoire jouent en effet un rˆole pr´edominant dans la mani`ere d’aborder les techniques nouvelles dans la musique. Dans la pratique, il existe en effet peu de formalisation musicale relative `a la synth`ese sonore : les g´en´erations actuelles de compositeurs sont les premi`eres `a y ˆetre confront´ees, et peu de rep`eres th´eoriques solides existent. Tout cela pousse `a la formation d’une pens´ee s’appuyant sur les cat´egories et les concepts traditionnels (issus de la musique instrumentale) pour d´ecrire et expliciter, par analogie ou par opposition, les nouveaux concepts de la musique ´electronique.

“Il me semble important de garder des cat´egories qui appartiennent au monde tradi-tionnel des instruments, et de les porter dans le domaine de la synth`ese, non pas pour retrouver des sons, mais pour ´etablir la continuit´e d’une culture.” Ph. Manoury.

Dans ce chapitre nous proposons une br`eve r´eflexion sur les r´epercussions de l’utili-sation de la synth`ese sonore dans la composition musicale, en abordant successivement celle-ci du point de vue de la distinction classique entre instruments et partitions (sec-tion 3.1), de la nota(sec-tion (sec(sec-tion 3.2), et du concept d’interpr´eta(sec-tion (sec(sec-tion 3.3). Cette r´eflexion a ´et´e en grande partie nourrie par les entretiens r´ealis´es aupr`es de Hugues Du-fourt, Philippe Manoury et Claude Cadoz, et dont sont rapport´es quelques propos.