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Le son comme une représentation subjective À l’heure où les grandes métropoles débattent sur la

B> L’encadrement législatif d’un problème de santé

2. L’appréhension d’un objet juridique particulier

2.1 Le son comme une représentation subjective À l’heure où les grandes métropoles débattent sur la

problématique des nuisances sonores dans la ville et mettent en place des cartes sonores ou bien des plans de prévention contre le bruit, et que les sciences sociales interrogent les ambiances urbaines, il est nécessaire de dresser un bilan et de dessiner des perspectives sur les enjeux sociaux du son. Consacré aux bruits de la ville, le dernier numéro de la revue Communications aborde le bruit comme « son social », ancré « au cœur de la vie urbaine ». Le sujet est d’actualité, à l’interface entre les questionnements politiques sur les nuisances et la qualité de la vie et les questionnements propres aux sciences sociales.

Après des études en Arts et Sciences de la Communication qu’il termine en 2007, Paul-Louis Colon s’oriente vers l’anthropologie, et en particulier vers l’anthropologie de la communication. Aspirant à intégrer les Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), il effectue depuis quatre ans des recherches orientées dans le domaine de l’environnement sonore. Selon lui, une mesure se voulant objective des niveaux sonores peut avoir certains apports ; elle permet d’encadrer les activités sonores et de définir un seuil commun à partir duquel on peut parler d’un son comme d’une nuisance. Cependant, dans son article Ecouter le bruit, faire entendre la gêne, il affirme que la gêne que peuvent ressentir les individus dans un environnement sonore n’est pas objectivement mesurable du fait qu’elle dépend largement des caractéristiques et de la sensibilité de chacun. Comment se constitue cette situation de gêne pour l’auteur ?

« Déterminée ni unilatéralement par les propriétés physiques du son ni par les seules caractéristiques personnelles de l’auditeur ou du contexte de perception, la gêne est le produit paradoxal d’un travail actif de l’individu pour tenter de contrôler quelque chose qui précisément ne se laisse pas saisir ».

« Désagréable », « gênant », « sans harmonie » : telles sont les caractéristiques principales du bruit dans le langage courant et l’opinion commune. Pour Véronique Jaworski, Maître de conférences et Professeure de droit pénal à l’Université de droit de Strasbourg, exprime que, dans Le bruit et le droit, cette approche négative constitue la représentation de notre paysage sonore ; elle en est la vision sociale, elle dit la manière dont nous vivons le bruit dans notre existence de tous les jours. Face à ce phénomène, le droit se doit d’intervenir. Il le fait de manière combinée et complémentaire, appréhendant les nuisances acoustiques de façon objective et subjective, dans leur aspect à la fois quantitatif et qualitatif.

Ainsi, le son en tant que nuisance est un objet de droit particulier étant donné que sa perception est subjective (dépendant de la culture, des caractéristiques individuelles, du contexte et de la source sonore). Il apparaît complexe d’intégrer cette composante de la vie urbaine aux politiques publiques puisque sa mesure objective (quantification, définition de seuils de dangerosité par exemple) ne peut pas suffire. L’approche culturelle négative du son s’est traduite dans les politiques publiques. Le bruit a été appréhendé en tant que nuisance atteignant l’Homme dans sa santé et sa qualité de vie. La lutte contre le bruit a ainsi fait l’objet d’une mise à l’agenda dont l’un des premiers temps forts fut l’inscription des orientations de la lutte contre le bruit dans le Code de l’environnement en 1992.

Le bruit comme facteur de nuisance à la qualité de la vie du citadin, de Natalia Saunier, Doctorante à l’EHESS et Christine ZANIN, Maître de conférences en géographie à Paris Diderot, aborde le fait que la population française déclare un certain « mal de vivre » en ville, les nuisances sonores, particulièrement présentes dans les environnements urbains denses, affectant la qualité de vie. Le thème de la qualité de vie évolue avec les époques car il est lié à la représentation et à l’appropriation par chaque individu de son environnement quotidien.

Etant donné qu’il est lié à une idée de bonheur et de bien-être, les autorités publiques s’en saisissent et cherchent à faire évoluer le ressenti de la population quant à sa qualité de vie. Les auteurs présentent ici la démarche de la ville de Lyon qui a retenu une méthode intégrant cette dimension subjective pour lutter contre les nuisances sonores. Il a donc été établi une carte de l’environnement sonore qui classe les niveaux de bruit selon leur impact direct sur la qualité de vie (voir carte ci-après) : le bruit est abordé en termes d’environnement préservé ou dégradé.

Carte de l’environnement sonore global de la ville de Lyon

2.2 Faire du son un moyen de concevoir l’urbain question sonore, les avancées intervenues dans les sciences humaines et sociales au cours du demi-siècle passé. Ainsi, elles considèrent que le son offre des voies d’accès alternatives à des questions centrales de la réflexion en sciences humaines et sociales.

« C’est bien joli d’écrire sur le phonographe, mais l’essentiel de mon lectorat ne se passionne pas pour l’appareil. Il se compose de lecteurs attirés par des problématiques plus larges, touchant à la culture, au pouvoir, à la subjectivité. Tel est l’espoir que je place dans les sound studies : qu’elles traitent toujours de grandes questions historiques, philosophiques et politiques sous l’angle sonore »

Il cite d’ailleurs comme exemple, l’ouvrage d’Emily Thompson, The Soundscape of Modernity, où il étudie comment le son est devenu une chose mesurable, gérable, et mise en forme architecturalement. Il montre également que le son, lui aussi, a une histoire. En passant des œuvres artistiques aux activistes en lutte contre les nuisances sonores, Thompson a été en mesure d’en faire une voie d’accès pour comprendre l’histoire urbaine, plutôt que de réduire le bruit à un problème public ou sanitaire.

Chercheur et enseignant la sociologie des organisations et l’analyse des politiques publiques à l’IEP de Grenoble, Philippe Zittoun travaille sur l’émergence de nouvelles formes expertes comme les indicateurs de développement durable dans les politiques de transport. Ces travaux sur le bruit s’inscrivent dans une recherche européenne comparative qu’il coordonne dans le cadre d’un appel d’offres CNRS/PUCA.