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La matérialité sonore

C> Faire du son une partie intégrante de la fabrique de la ville

2. Le son comme objet architectural

2.1 La matérialité sonore

Certains architectes placent l’aspect et l’expérience sensorielle en plein cœur de la conception de leur projet. C’est notamment le cas de l’architecte Peter Zumthor qui travaille sur la perception en architecture et porte une attention toute particulière aux sens dans la création d’une atmosphère. Ces concepteurs s’emparent des matériaux, des proportions, des formes, des jeux de lumières et de compositions afin de procurer à l’usager une véritable expérience sensorielle.

Dans l’ouvrage Atmosphères, basé sur une conférence donnée le 1er juin 2003 dans la Grange des arts au château Wendinghausen, l’architecte suisse, lauréat du Prix d’architecture Pritzker en 2009, Peter Zumthor auto-analyse à travers neuf chapitres illustrés sa façon particulière d’aborder ses projets d’architecture ainsi que les références qui lui viennent à l’esprit lorsqu’il cherche à créer l’atmosphère de ses maisons. Afin que le lecteur comprenne toutes les étapes du processus de conception de cet architecte, l’ouvrage lui fait part des éléments qui l’intéressent et qui répondent à sa définition d’une architecture de qualité (à savoir la composition et la « présence » des matériaux, le jeu des proportions et des effets de lumières, le rapport entre intérieur et extérieur, les rapports de distance et de proximité de différents paliers d’intimité etc…). L’aspect sensoriel est ainsi véritablement au cœur de la réflexion de l’architecte Peter Zumthor, le son en faisant évidemment partie.

« Ecoutez, chaque espace fonctionne comme un grand instrument, il rassemble les sons, les amplifie, les retransmet. Ce processus dépend de la forme et de la surface des matériaux et de la manière dont ils sont fixés »

Il explique que :

« Les bâtiments produisent toujours un son. Ils produisent un son par eux-mêmes [...] C’est peut- être le vent, ou quelque chose d’analogue. Mais c’est seulement lorsqu’on va dans une chambre

sourde qu’on sent que quelque chose est différent. Je trouve ça beau ! Je trouve magnifique de construire un bâtiment en le pensant à partir du silence ».

Ainsi, Zumthor travaille, dans ses projets, sur les sons produits par le bâtiment et ses usagers. Il réfléchit à la nature des matériaux qui composent l’espace, à leur forme et à la manière dont ils sont assemblés dans la composition d’un son. Dans les thermes de Vals, l’écho de l’eau, les voix des baigneurs et leurs déplacements résonnent dans l’espace et viennent créer une ambiance bien particulière. L’architecte associe également les sons à la fonction du bâtiment et aux activités qui y sont pratiquées.

Lors de l’exposition universelle de Hanovre en 2000, la Suisse se présente avec un pavillon en structure bois réalisée par Peter Zumthor. Ce pavillon ne contient aucune exposition dans le sens conventionnel : le pavillon se suffit à lui-même et ce qui se passe à l’intérieur, est l’événement. L’objectif de l’ouvrage Corps Sonore Suisse est de décrire de façon exhaustive ce lieu innovant. Il est composé de définitions, croisées entre elles telles des pages web, qui permettent au lecteur de ne piocher que les infos qui l’intéressent, sans aucune linéarité. L’ouvrage est agrémenté de quelques photos en noir et blanc et de dessins conceptuels en couleur. Il fournit des informations et présente une section transversale actuelle de la culture suisse à travers le Corps Sonore de Peter Zumthor.

Dans le projet du Pavillon Suisse, l’idée de l’architecte était de concevoir un bâtiment comme une boîte à son. Ainsi, Peter Zumthor exploite les neuf principes qu’il décrit dans son ouvrage Atmosphères afin d’imaginer un lieu qui suscite une véritable expérience sensorielle.

Destinés à recevoir de la musique, des musiciens et des visiteurs, le Pavillon Suisse s’inspire de l’image d’un entrepôt de bois pour

d’adapter des sons existants ou composés à l’avance au Corps Sonore. Ainsi, il a été étudié pour produire une expérience spatiale et musicale en constante évolution grâce au déplacement dans l’espace des musiciens, leur changement de posture ou encore grâce aux bruits quotidiens du pavillon qui produisent des ambiances différentes.

Dans l’article AD Classics : Le Cylindre Sonore / Bernhard Leitner, ArchDaily présente une autre œuvre, le Cylindre Sonore, un des projets de l’architecte autrichien Bernhard Leitner situé dans le Parc de la Villette à Paris depuis 1987. Il est conçu comme un centre, comme un espace de transition dans le paysage. C’est une architecture sonore commandée et mise en œuvre comme art public pour la section IV du parc. Ce lieu cylindrique utilise le son comme espace et comme élément principal pour assurer la transition entre les côtés nord et sud du parc. Architecte et compositeur, Bernhard Leitner établit des liens et entremêle architecture et sonore. A travers ce projet, il nous démontre ainsi comment créer des espaces et des limites en combinant architecture et son.

Cette architecture sonore est construite sous forme de cylindre qui se compose d’une double paroi bétonnée dans laquelle sont perceptibles qu’une fois à l’intérieur de l’installation.

L’architecture et les sons s’allient pour donner aux usagers une expérience particulière liée à ce lieu. Les sons produits encouragent les visiteurs à s’arrêter, à écouter, à s’attarder et à réfléchir avant de continuer leur voyage dans le parc.

L’utilisation du son dans l’architecture s’avère variée et enrichissante pour un projet architectural ou urbain. Il y a différente façon d’appréhender cette question du son. Les concepteurs peuvent apporter une ambiance spécifique par

l’utilisation de certains matériaux et de l’espace qui compose le lieu comme c’est le cas de Peter Zumthor avec les Thermes de Valls, ils peuvent également se servir du son pour créer des limites et des sous-espaces comme le fait le cylindre sonore de Bernard Leither. En jouant avec l’espace et le son, les possibilités d’aménagements sont multiples.