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8. Session 3b. Représentation de lʼespace

8.2. Représentation du parcours urbain

Voici, figure 44 un exemple de dessin (numérisé) effectué par l’un de nos participants après le troisième passage (session 3). D’autres exemples se trouvent en annexes, paragraphe 5.

Figure 44 : Dessin numérisé du parcours produit par une personne aveugle (le nord se trouve à droite sur cette vue)

La réalisation d’un dessin permet de saisir la représentation mentale d’un itinéraire parcouru en appréciant la dimension des différents espaces, leurs emplacements relatifs, les points de repère importants et les détails particuliers. La structure d’un dessin de ce type se présente sous forme de points (connaissance des points de repère), de lignes (connaissance des itinéraires) et de surface (connaissance de la configuration). Nous retrouvons les trois types de connaissance sollicités dans la formation de la représentation mentale d’un espace urbain, tels que présentés dans la partie théorique. En référence aux travaux de Lynch (1960/1998) et de Jacobson (1998), nous avons choisi de retenir trois indicateurs différents pour évaluer la fidélité du dessin du parcours :

• la présence des nœuds à l’origine de décisions concernant la direction (points), • la fidélité des proportions accordées à chaque scène (lignes),

• la position relative des cinq scènes urbaines, l’une par rapport à l’autre (surfaces). Cette approche nous permet un repérage des emplacements difficiles où la représentation mentale devient problématique et où se produisent les erreurs concernant les « distances » et les « angles ».

8.2.1. Positions relatives des scènes

Nous nous sommes référé aux travaux de Beck et Wood (1976) qui ont développé une méthode permettant de déterminer si la position des objets sur un dessin correspond à la réalité. Chaque esquisse est transformée en une grille régulière. Les déplacements des points et des lignes par rapport à leurs véritables positions sont représentés par des courbes sur la grille. La grille obtenue est ensuite comparée à l’originale. Les résultats produits par ce type de technique fournissent une vue globale des erreurs de la carte cognitive. Qualitativement, le dessin de la carte cognitive est donc plus ou moins proche de la réalité.

Figure 45 : Grilles obtenues pour 2 sujets après transformation

Dans l’exemple de gauche, le sujet a produit une carte mentale de l’environnement qui est proche de la réalité, contrairement à l’autre sujet. (Beck & Wood, 1976)

D’autres auteurs ont cherché à représenter les distorsions qui peuvent exister dans la représentation mentale (Gale, 1983). Golledge (1987) propose dans l’ouvrage Handbook of

Environmental Psychology des illustrations de représentations de cartes mentales utilisées

dans divers protocoles de recherche (fig. 46 ci-dessous). Elles permettent de saisir visuellement les déformations qui s’opèrent dans la représentation mentale d’un lieu, ici chez deux sujets (« 131 » et « 009 »).

Figure 46 : Exemples de représentations pseudo-cartographiques de cartes mentales

Source : Golledge (1987, p. 146)

Dans notre recherche, nous nous sommes inspiré des travaux de ces auteurs, notamment concernant l’utilisation d’un repère orthonormé (la grille) permettant d’estimer la position relative d’emplacements du parcours figurant sur les dessins. Par conséquent, nous avons tout d’abord réduit chaque dessin à un certain nombre de points le constituant. Ainsi, les scènes du parcours expérimental sont rapportées à un point les caractérisant, leur « centre ». Nous avons

choisi le barycentre41 du polygone qui encadre la scène, comme sur la figure 47 ci-dessous : les points notés P1, P2, P3, etc. délimitent les polygones représentant chaque scène. Une telle méthode permet de saisir la globalité des erreurs qui peuvent avoir lieu dans la représentation d’une scène. Elles peuvent concerner les angles et les longueurs représentés et feront par conséquent varier la position du centre du polygone. L’écart de ce point par rapport à sa véritable position sur le plan nous permet de définir une « dispersion des centres » pour chaque scène. Selon nos hypothèses, cette dispersion est plus importante pour les scènes dont l’ambiance est défavorable à la représentation et gestion de l’espace.

Figure 47 : Polygones et barycentres des scènes de référence

Légende : en jaune sont représentés les centres de chaque scène, ici sur le parcours de référence. Ces cinq points ont été calculés (coordonnées x ; y) pour le dessin de chaque participant.

8.2.2. Fidélité des proportions

Nous avons étudié la fidélité des proportions des scènes représentées dans les dessins. Pour cela, nous avons d’abord calculé les proportions véritables des scènes sur un plan, en rapportant la longueur de chaque scène à la longueur totale du parcours : ces proportions sont

41 Barycentre : En géométrie, le barycentre est un point qui permet de résumer un ensemble géométrique sur lequel sont réparties des valeurs numériques. Ces valeurs peuvent par exemple représenter des poids pour déterminer le point d'équilibre d'un mobile. Dans notre cas, il s’agit des coordonnées des points constituant le polygone.

nos valeurs de référence (cf. tableau 6 ci-dessous). Nous avons ensuite mesuré les proportions des cinq scènes telles qu’elles apparaissent dans le dessin de chaque participant.

Tableau 6 : Proportions de référence et proportions des scènes dessinées par deux sujets pour chaque scène du parcours.

Ruelle A Place Berges Rue Ruelle B

Valeurs de référence 23,85 % 10,13 % 29,96 % 26,83 % 9,24 % Sujet 1 21, 24 % 27,89 % 28,32 % 15,02 % 7,51 % Sujet 2 23,61 % 11,80 % 30,18 % 22,59 % 11,80 %

En calculant l’écart entre les proportions des scènes dessinées et les proportions de référence, nous avons défini un « score d’erreur », exprimé en pourcentage. Ce score est obtenu selon la formule suivante, par exemple pour le sujet 1 qui a surestimé la longueur de la place :

Score d’erreur « Sujet 1 » [Place] = 27,89 % - 10,13 % = 17,76 %

Par ailleurs, dans le trajet proposé, toutes les scènes ne sont pas de longueur équivalente (chacune des 5 scènes ne correspond pas à 20 % du trajet total). Afin de pouvoir comparer les scènes, nous avons choisi de pondérer les « scores d’erreur » précédemment calculés par les longueurs respectives des scènes, ceci afin de rapporter les résultats à une échelle commune. Selon nos hypothèses, le « score d’erreur » obtenu devrait être plus important pour les scènes possédant une « ambiance défavorable » pour la représentation et la gestion de l’espace.

8.2.3. Fidélité des angles

Selon Beck et Wood (1976), la restitution des angles participe en partie à la déformation de la représentation mentale d’un trajet. Nous avons tenu compte de ces recherches en concevant le parcours de manière à ce que les différents changements de direction soient à 90° ou éventuellement 45°. Ces « nœuds », au sens où Lynch (1960/1998) l’entend, sont au nombre de 12 dans le trajet proposé, incluant donc les changements de direction dans le parcours (figure 46 ci-après). Afin de calculer un score de fidélité, nous avons attribué une note de 1 point pour chaque nœud présent et de 2 points si le virage y est correctement représenté. La marge d’erreur pour que nous considérions un angle comme correct est de

45°. Enfin, si un nœud est absent du dessin, un score de 0 point lui est attribué. Chaque scène est constituée d’un ensemble de nœuds :

• 2 nœuds pour la scène « Ruelle A », • 3 nœuds pour la scène « Place », • 3 nœuds pour la scène « Berges », • 3 nœuds pour la scène « Rue », • 1 nœud pour la scène « Ruelle B ».

Nous avons regroupé les ruelles A et B afin de comparer les scènes sur le même nombre de nœuds. En accord avec nos hypothèses, nous nous attendons à trouver une meilleure restitution des angles pour les scènes dont l’ambiance est favorable à la représentation et à la gestion de l’espace.

Figure 48 : Les 12 nœuds retenus dans le parcours expérimental (le nord se trouve à droite sur cette vue)

Les nœuds sont des lieux de décision concernant la direction (droite, gauche, tout droit) pendant le trajet.