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Repositionnement thérapeutique de médicaments antidiabétiques dans la MA 33

2   Les désordres métaboliques observés dans la maladie d’Alzheimer 29

2.3   Repositionnement thérapeutique de médicaments antidiabétiques dans la MA 33

Les liens entre DT2 et MA sont très forts, et les sujets Alzheimer présentent des troubles métaboliques importants. Ces observations ont donc mené à tenter de repositionner les médicaments antidiabétiques disponibles en clinique dans le cadre de la MA (Yarchoan and Arnold, 2014). Ici, seuls l’insuline, les thiazolidinediones et les analogues de GLP-1 (Gucagon-like peptide-1) seront abordés car ce sont les médicaments les plus utilisés dans le diabète.

2.3.1 Insuline

L’insuline est testée au niveau préclinique et clinique dans la MA depuis plusieurs années maintenant. D’une part, les études précliniques dans des modèles animaux de la MA ont montré des effets bénéfiques sur la mémoire, la neuroinflammation et la pathologie amyloïde (Adzovic et al., 2015; Chen et al., 2014b; Mao et al., 2016; Rajasekar et al., 2016; Vandal et al., 2014b). Une étude de notre équipe a notamment montré qu’une injection intrapéritonéale d’insuline (1 UI/kg) améliorait les performances cognitives de la souris 3xTg-AD et

qu’une administration intraveineuse à forte dose (3,8 UI/kg) augmentait grandement la clairance des peptides Aβ du cerveau vers le sang en seulement 5 minutes (Vandal et al., 2014b). De manière plus générale, divers éléments de la voie de signalisation de l’insuline sont impliqués dans la clairance des peptides Aβ du cerveau ((Swaminathan et al., 2017); pour revue : (Vandal et al., 2015a)).

La voie intranasale a été sélectionnée en clinique afin de permettre une administration centrale plus directe et éviter que l’hormone atteigne la périphérie, et ainsi les risques d’hypoglycémie (Born et al., 2002; Freiherr et al., 2013). Toutefois, la présence d’insuline dans la circulation après injection intranasale n’a été que peu étudiée. Les quelques travaux ayant directement investigué cet aspect montrent que l’injection intranasale de macromolécules mène tout de même à une exposition systémique (ex : IGF-1, immunoglobuline G, interféron β) (N. N. Kumar et al., 2018; Lochhead and Thorne, 2012; Thorne et al., 2008; 2004). En clinique, l’insuline administrée par voie intranasale a montré des effets bénéfiques sur la cognition de sujets atteints de la MA (Benedict et al., 2004; Claxton et al., 2015; Craft et al., 2012; Shemesh et al., 2012). Toutefois, dans l’étude de Claxton et collaborateurs, les sujets porteurs de l’APOE4 présentaient au contraire une détérioration de leurs scores cognitifs suite à l’administration d’insuline. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que l’insuline induit une augmentation de la phosphorylation de tau dans des souris exprimant la forme humaine de l’APOE4 (Traversy et al., 2016). Des études cliniques avec l’insuline sont toujours en cours pour la MA, mais avec différentes formulations d’insuline permettant une plus longue demi-vie par exemple (Cummings et al., 2018). Toutefois, les résultats préliminaires de l’étude clinique placébo-traitement « SNIFF » avec de l’insuline intranasale pendant un an sur 240 sujets atteints de trouble cognitif léger ou MA ne montrent pas d’effet sur la cognition (NCT01767909; communiqué de Alzforum sur le Clinical Trials on Alzheimer’s Disease Conference 2018).

2.3.2 Les thiazolidinediones

Les thiazolidinediones (TZD) sont une famille de molécules antidiabétiques qui activent le récepteur

peroxysome proliferator-activated receptor γ (PPARγ) (Rendell and Kirchain, 2000). Les deux TZD

approuvées pour le DT2 et étudiées dans la MA sont le pioglitazone et le rosiglitazone. Une étude prospective a montré que la consommation de pioglitazone diminuait de 47% le risque de démence chez les sujets diabétiques (Heneka et al., 2015b).

Au niveau mécanistique, les agonistes de PPARγ augmentent la dégradation des peptides Aβ par une activation de la phagocytose des microglies et les niveaux d’APOE dans le parenchyme cérébral (Mandrekar- Colucci et al., 2012). Chez la souris APP/PS1 de 12 mois, neuf jours de gavage avec du pioglitazone (80mg/kg) suffisent à réduire significativement les plaques amyloïdes et les déficits cognitifs. En revanche, un

traitement de 2 mois avec le pioglitazone réduit les déficits cérébrovasculaires chez la souris J20 âgée de 16 mois, mais n’a pas d’effet sur la pathologie amyloïde ni les déficits cognitifs (Nicolakakis et al., 2008). Un autre agoniste de PPAR, le GFT1803, a montré des effets bénéfiques supérieurs au pioglitazone chez la souris APP/PS1 de 6 mois au niveau neuropathologique et comportemental (Kummer et al., 2015).

Chez l’humain, les résultats sont plus mitigés. Une étude pilote sur 30 sujets atteints de la MA a montré que les participants ayant reçu six mois de traitement avec le rosiglitazone avaient de meilleurs scores cognitifs que le groupe ayant reçu le placébo (Watson et al., 2005). Toutefois, des études cliniques de phase 3 n’ont pas permis de répliquer un effet significatif du traitement (Yarchoan and Arnold, 2014). Par ailleurs, un traitement de 6 mois avec du pioglitazone sur 15 individus diabétiques et atteints de trouble cognitif léger a permis d’améliorer leurs performances cognitives (Hanyu et al., 2009). Une étude de phase 3 sur plus de 3000 sujets appelée « TOMORROW » (NCT01931566) est en cours avec de légères doses de pioglitazone et vise à déterminer si le traitement sur des sujets à risque de développer la MA permet de retarder le diagnostic de la maladie (Roses et al., 2014). Finalement, une méta-analyse des études randomisées contrôles suggère que le pioglitazone serait efficace pour les individus présentant la MA et un diabète, mais les résultats avec le rosiglitazone ne seraient pas concluants (J. Liu et al., 2015).

2.3.3 Analogues de GLP-1

Le GLP-1 est une incrétine utilisée dans le traitement du DT2 pour réguler la glycémie en stimulant la production d’insuline du pancréas (Drucker and Nauck, 2006). La demi-vie du GLP-1 étant de quelques minutes seulement, des analogues de cette hormone ont été développés pour être compatibles avec une utilisation thérapeutique. Il existe deux analogues sur le marché pour le moment : l’exénatide et le liraglutide. Depuis environ 20 ans, des études ont commencé à démontrer un potentiel thérapeutique de la voie GLP-1 dans le SNC et la MA (Perry and Greig, 2004). Différents auteurs ont rapporté des effets bénéfiques des analogues de GLP-1 au niveau de la mémoire, de l’hyperphosphorylation de tau, de la quantité de peptides Aβ, de la perte synaptique ainsi que de la neuroinflammation dans des modèles animaux (Hansen et al., 2015; Ma et al., 2015; McClean et al., 2011; L. Shi et al., 2017; Tai et al., 2018). Chez l’Homme, une étude sur 38 sujets Alzheimer a montré que 6 mois de traitement avec le liraglutide augmentait la captation du glucose au cerveau par rapport au groupe contrôle (Gejl et al., 2017; 2016). Trois études cliniques de phase 1 et 2 sont en cours, ou les résultats ne sont pas encore publiés, pour tester l’efficacité du liraglutide dans la MA (Étude ELAD, NCT01843075; NCT02140983 et NCT01469351).

Toutefois, aucun de ces médicaments antidiabétiques n’a pour le moment passé les essais cliniques de phase 3 pour la MA. Peut-être qu’il est nécessaire de cibler des sous-populations atteintes de troubles métaboliques pour observer un effet bénéfique de cette classe de médicament. Considérant les liens très étroits entre maladies métaboliques et MA, de nouvelles molécules permettant de diminuer les désordres métaboliques restent à investiguer dans la MA. Des molécules multi-cibles pour toucher les différents paramètres impliqués dans la pathogenèse de la MA semblent requises pour cette maladie multifactorielle.