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1   La maladie d’Alzheimer

1.5   Les traitements 21

Malgré des dizaines d’années de recherche, et plus d’un siècle après la découverte de la MA par Alois Alzheimer, il n’existe aucun traitement curatif aujourd’hui (Gauthier et al., 2016). Les seuls outils pharmacologiques à la disposition des cliniciens sont à visée symptomatique, c’est-à-dire qu’ils vont agir sur les symptômes de la maladie, mais ne permettent pas de freiner ou de modifier l’évolution de la pathologie. Toutefois, des stratégies préventives visant à mieux contrôler les facteurs de risque de la MA démontrent des effets intéressants.

1.5.1 La prévention

Il est frappant de constater que de nombreux facteurs de risque pour la MA sont des facteurs environnementaux liés à notre mode de vie occidental, notamment l’alimentation riche en gras et la sédentarité (Winblad et al., 2016). La MA étant une maladie multi-factorielle, l’étude FINGER a expérimenté une intervention multi-domaine de deux ans sur des personnes âgées incluant une diète nordique, de l’exercice physique, un entrainement cognitif et un suivi du risque cardiovasculaire. Les participants ayant suivi l’intervention avaient de meilleures performances cognitives que les sujets contrôles (Ngandu et al., 2015).

Puisqu’il n’existe aucun traitement curatif pour la MA, les stratégies préventives de ce type restent pour le moment le meilleur moyen de diminuer les risques de développer la MA (Sindi et al., 2015; Solomon et al., 2014).

1.5.2 Les traitements actuels

Pour le moment, les seuls médicaments approuvés pour la démence sont les inhibiteurs de la cholinestérase (Donepezil (Aricept®), Rivastigmine (Exelon®) et Galantamine (Reminyl®)) et un antagoniste des récepteurs de type acide N-méthyl-D-aspartique (NMDA) (Mémantine (Namenda®)) (Anand et al., 2014; Lleó et al., 2006).

1.5.2.1 Inhibiteurs de la cholinestérase

L’une des premières hypothèses quant à la pathogenèse de la MA est une dysfonction du système cholinergique. En effet, une diminution des marqueurs de la voie cholinergique a été observée dans les cerveaux d’individus décédés de la MA (Davis et al., 1999; Slotkin et al., 1990). Ainsi, plusieurs inhibiteurs de la cholinestérase, enzyme responsable de la dégradation de l’acétylcholine, ont été développés et ont montré leurs effets au niveau symptomatique (Anand et al., 2014). Cette classe de médicaments fut la première approuvée pour la démence par la U.S. Food and Drug Administration (FDA) en 1995. Leurs effets bénéfiques sont globalement modestes, mais permettent néanmoins de maintenir les fonctions cognitives et parfois même de réduire les symptômes neuropsychiatriques des patients (Trinh et al., 2003). Bien que des effets indésirables soient régulièrement observés, ces traitements permettent dans certains cas de ralentir la progression des symptômes de la MA pour quelques mois, et ainsi de retarder d’environ 20 mois selon certaines études l’entrée des patients en établissement de santé de longue durée (Birks, 2006; Geldmacher et al., 2003). Il faut également noter que le fait de prescrire ces médicaments appelés couramment « anti- Alzheimer » permet une prise de conscience des patients, de leur famille et du personnel médical, ainsi que l’entrée dans un parcours de soin adapté et une meilleure prise en charge.

1.5.2.2 Antagoniste des récepteurs NMDA

L’excitotoxicité glutamatergique est un autre élément faisant partie de la pathophysiologie de la MA (Yan Zhang et al., 2016). Bloquer l’activité des récepteurs NMDA à l’aide d’un antagoniste semblait donc une avenue intéressante au niveau thérapeutique. Des essais sur des sujets atteints de démence ont montré une efficacité significative de la mémantine pour réduire l’évolution des symptômes de démence (Hellweg et al., 2012). Toutefois, la mémantine est prescrite seulement dans les stades avancés de la MA. Une combinaison d’inhibiteurs de cholinestérase et de mémantine est également possible dans les cas modérés à sévères de MA (Gauthier and Molinuevo, 2013).

1.5.3 Les traitements en essai clinique

Actuellement, 112 molécules sont en essai clinique de phase 1, 2 et 3 pour la MA (Figure 5) (Cummings et al., 2018). Un peu plus de la moitié ont pour but de modifier l’évolution de la maladie, dont un tiers sont des immunothérapies, tandis que le reste vise plutôt à réduire les symptômes de la MA.

L’immunothérapie prend une place importante dans le développement pharmaceutique aujourd’hui. L’idée est que les défenses immunitaires vont permettre de diminuer la neuropathologie Alzheimer. Il existe deux types d’immunothérapie : l’immunothérapie active, qui consiste à stimuler les défenses immunitaires contre un pathogène donné (les peptides Aβ par exemple), et l’immunothérapie passive, qui consiste à administrer des anticorps ciblant directement les protéines tau solubles par exemple (St-Amour et al., 2016). Cette méthode est un succès dans le domaine du cancer (Mellman et al., 2011). Toutefois, dans la MA, de nombreux échecs d’essais clinique de phase 2 et 3 ont eu lieu ces dernières années. Les causes de ces échecs sont diverses, mais on peut mentionner principalement une faible distribution au cerveau des molécules, des participants dans un stade de la MA trop avancé, une hétérogénéité dans la neuropathologie des individus et la nécessité de faire des études longues, et donc coûteuses (Selkoe and Hardy, 2016). Pour faire face à cela, certains ont changé le design des études cliniques en attribuant plusieurs doses de médicament par exemple ou en séparant dès le début les sujets amyloïdes positifs et négatifs (Satlin et al., 2016).

Figure 5. Représentation des différentes études cliniques pour le traitement de la MA en 2018.

Extrait de (Cummings et al., 2018).

Les études cliniques dans la MA sont difficiles car la population Alzheimer est très hétérogène (Anand et al., 2014). Mais surtout, les causes de la forme sporadique ne sont pas connues. Une des plus grande difficulté pour le développement de nouveaux traitements pour la MA est l’absence de diagnostic précoce (Blennow and Zetterberg, 2018; Dubois et al., 2016). Les sujets inclus dans les études sont diagnostiqués sur la base de leurs symptômes cognitifs, mais il est estimé que la neuropathologie a commencé 10 à 15 ans ou plus avant l’apparition des premiers symptômes (Selkoe and Hardy, 2016). Ainsi, le succès des interventions thérapeutiques reste très limité car tenter de diminuer la quantité de plaques amyloïdes ou les ENF dans un cerveau déjà atrophié paraît peu utile. Les recherches actives sur le développement de nouveaux biomarqueurs ainsi que de nouveaux traceurs pour l’imagerie des dépôts amyloïdes et des ENF aideront grandement les futurs essais cliniques et la détection précoce des sujets pouvant bénéficier de traitements

efficaces. Certains pensent qu’il sera nécessaire d’administrer un traitement personnalisé en fonction des comorbidités, de la génétique, du sexe et de l’origine ethnique des sujets (Zissimopoulos et al., 2017). La médecine personnalisée permettra peut-être de mieux cibler les sujets à risque et d’instaurer une stratégie spécifique pour eux. Finalement, puisque l’âge avancé est le principal facteur de risque de la MA, de nouvelles cibles thérapeutiques associées au vieillissement doivent être investiguées afin de faire avancer le développement de nouveaux traitements.