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Régulation périphérique de la température corporelle 41

3   La thermorégulation 37

3.3   Régulation périphérique de la température corporelle 41

3.3.1 Thermolyse

La thermolyse désigne l’ensemble des mécanismes permettant de dissiper la chaleur et diminuer la température corporelle (Kenny and Journeay, 2010). La chaleur corporelle s’évacue sous différentes façons : par radiation (transfert de chaleur sous forme d’ondes), convection (transfert de chaleur vers un gaz ou un fluide de plus basse température), conduction (transfert de chaleur par contact), ou évaporation (transfert de chaleur par la transformation d’un liquide en vapeur) (Krau, 2013; N. A. S. Taylor, 2014).

Dans des conditions normales, la température corporelle se dissipe principalement sous le phénomène de radiation, mais cette perte est compensée par la chaleur produite par le métabolisme, maintenant ainsi un équilibre (Mekjavic and Eiken, 2006). En revanche, en condition d’hyperthermie, le corps va utiliser en premier lieu la convection : lorsque la température corporelle augmente, les vaisseaux sanguins périphériques vont se dilater afin d’augmenter la surface d’échange pour diffuser la chaleur vers l’environnement (Mack et al., 1995).

Cette vasodilatation entraîne une augmentation de la quantité de sang au niveau périphérique et une augmentation de la pression artérielle. Le débit sanguin cutané peut atteindre 6 litres par minute en condition de stress thermique intense, alors qu’il est de 300 ml par minute en condition normale (Smith and Johnson, 2016). Dans un deuxième temps, c’est l’évaporation sous forme de sueur (transpiration) qui intervient pour évacuer la chaleur chez l’Homme. Tout ceci est, comme la thermogenèse, régulé par le système nerveux sympathique (Madden and Morrison, 2018). Toutefois, toutes les voies au niveau du contrôle central ne sont pas encore connues (Smith and Johnson, 2016).

Chez le rongeur, la vasodilatation au niveau de la queue est le principal mécanisme de thermolyse (Fischer et al., 2016; Warner et al., 2013; A. A. Young and Dawson, 1982). Une étude récente a montré qu’une mauvaise régulation de la vasoconstriction de la veine caudale chez la souris déficiente en thermorécepteur TRPM8, sans déficit de thermogenèse, est responsable de l’hypothermie et d’une diminution de la capacité d’adaptation à une exposition au froid (Reimúndez et al., 2018).

Dans les premières phases de l’hyperthermie induite par une fièvre, le système immunitaire s’active et conduit à l’augmentation de la température corporelle nécessaire à l’élimination des pathogènes. Il semblerait que le TAB participe également à cette augmentation de température au stade précoce de la pyrexie (Cannon and Nedergaard, 2004). En effet, son activité est augmentée dans les trois premières heures de fièvre (Harris et al., 1985). Pour expliquer ce phénomène, des études ont montré qu’une injection de la prostaglandine E2 (PGE2), produite par le système immunitaire en réponse à un pathogène, active le TAB en quelques minutes

seulement (Amir and Schiavetto, 1990; Ootsuka et al., 2008; Steiner et al., 2006).

3.3.2 Thermogenèse et tissu adipeux brun

Il existe deux types de thermogenèse : la thermogenèse dite obligatoire et la thermogenèse dite facultative ou adaptative. La première désigne la production de chaleur issue du métabolisme basal du corps, c’est-à-dire produite par les réactions métaboliques libérant de la chaleur (Silva, 2006). La thermogenèse facultative regroupe quant à elle la chaleur produite par les muscles (activité physique ou thermogenèse avec frissons), par la digestion (thermogenèse induite par l’alimentation) et par le TAB (thermogenèse sans frissons), plus connu sous le nom de graisse brune (Cannon and Nedergaard, 2004; D. Richard and Picard, 2011). Cette section va se concentrer sur la thermogenèse sans frissons du TAB.

Le TAB est présent en grande quantité chez les rongeurs et les animaux qui hibernent, principalement au niveau interscapulaire (Cannon and Nedergaard, 2004). Chez l’Homme, on le retrouve au stade embryonnaire

et chez le nourrisson au niveau interscapulaire et supraclaviculaire principalement (Cypess et al., 2013; Enerbäck, 2010). Son rôle et son activité ont longtemps été négligés chez l’adulte, jusqu’en 2009, date à laquelle plusieurs études simultanées ont mis en évidence pour la première fois que ce tissu était fonctionnellement actif chez l’humain adulte, grâce à la technique de TEP couplée à la tomodensitométrie (TEP-TDM) au 18F-FDG (Cypess et al., 2009; van Marken Lichtenbelt et al., 2009; Virtanen et al., 2009). Cette

découverte majeure a relancé les recherches sur ce tissu adipeux particulier, notamment dans le domaine du diabète et de l’obésité, comme discuté à la section 3.4 (Dulloo, 2011; Hanssen et al., 2015a; Mattson, 2010; Xiao et al., 2015).

Le TAB est composé d’adipocytes bruns qui contiennent de nombreuses mitochondries et gouttelettes lipidiques de petite taille. Il est donc morphologiquement différent du tissu adipeux blanc dont les adipocytes sont composés de grosses vacuoles lipidiques et de peu de mitochondries (Figure 10) (Saely et al., 2012). Ces deux tissus se distinguent principalement par leur fonction, l’un stockant l’énergie (blanc) et l’autre l’utilisant pour produire la chaleur (brun) (D. Richard and Picard, 2011). Le TAB est également très vascularisé, permettant ainsi une rapide diffusion de la chaleur produite vers le reste du corps par le système sanguin (Orava et al., 2011). La protéine uncoupling protein 1 (UCP1) est le marqueur caractéristique du TAB (Nedergaard et al., 2001).

Figure 10. Morphologie des tissus adipeux blancs et bruns.

Coloration des cellules adipeuses à l’hématoxyline et éosine. A : tissu adipeux blanc ; B : tissu adipeux brun. Extrait de (Esteve Ràfols, 2014).

De récentes études ont rapporté un type de tissu adipeux intermédiaire entre le blanc et le brun : le tissu adipeux beige (Harms and Seale, 2013). En effet, des adipocytes blancs exprimant la protéine UCP1 sont retrouvés au sein de la masse adipeuse d’animaux ayant une activité thermogène augmentée (Poher et al.,

2015). Toutefois, ce tissu intermédiaire semble être peu recruté en condition de stimulation adrénergique chez le rongeur, ou du moins de manière plus limitée par rapport au TAB pur (Labbé et al., 2016).

Lors de la production de chaleur, la norépinephrine est relâchée par les boutons synaptiques du système nerveux sympathique provenant de l’hypothalamus (décrit en 3.2.2). Le neurotransmetteur stimule les récepteurs β3 adrénergiques (Rβ3A) situés à la surface des adipocytes bruns. Par une cascade d’activation, il se produit alors une lyse des triglycérides contenus dans les adipocytes bruns, une activation d’UCP1 (ou thermogénine) sur la membrane interne des mitochondries. Cette protéine va créer un découplage de la pompe à proton des mitochondries conduisant à la production de chaleur (Figure 11) (Cannon and Nedergaard, 2004; Golozoubova et al., 2001).

Figure 11. Cascade d’activation de la thermogenèse du tissu adipeux brun.

Abréviations : AGL : acide gras libre ; AMPc : adénosine monophosphate cyclique ; LHS : lipase hormonosensible ; NE : norépinephrine ; PKA : protéine kinase A ; Rβ3A : récepteur β3 adrénergique ; TG : triglycérides ; UCP1 : uncoupling protein 1.

Le volume et l’activité du TAB sont modulés par différents facteurs. Chez l’Homme, il est plus difficile de détecter l’activité du TAB par TEP chez les adultes et les personnes âgées (Cypess et al., 2009; Rogers, 2014). Le pourcentage de détection diminue également lorsque le poids de l’individu est élevé (Pfannenberg et al., 2010; van Marken Lichtenbelt et al., 2009), et lorsque ce dernier est diabétique (Ouellet et al., 2011). À l’inverse, les femmes présentent un TAB plus actif et plus volumineux que les hommes (Cypess et al., 2009; Ouellet et al., 2011; Pfannenberg et al., 2010).

NE vacuole lipidique AMPc LHS TG AGL

Rβ3A

↑UCP1 mitochondrie PKA

3.4 Stimulation de la thermogenèse : cible thérapeutique