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La rencontre entre des contrats de développement et un label qualifiant

Le Calvados, septième département français en termes de nombre de communes (sept cent cinq), a un maillage territorial très complexe qui n’est pas sans générer des difficultés quant à la mise en œuvre d’une politique territoriale.

Il semblerait, au regard de l’éclatement important des pratiques quotidiennes des familles (éloignement du lieu de travail, de résidence, de scolarisation, de consommation…), que la problématique enfance et jeunesse s’apprécie à l’échelle intercommunale, voire à l’échelle du bassin de vie. Mais la réalité des projets est tout autre. Les initiatives politiques, tantôt communales, tantôt intercommunales, se cantonnent bien souvent aux limites administratives et aux champs de compétence qui y sont rattachés. Ainsi, le terri- toire dont on parle dans cette partie pourrait être défini comme le « territoire administrati- vement compétent ».

Des dispositifs leviers des politiques enfance-jeunesse

Les différents dispositifs institutionnels proposés par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et l’État, depuis une quinzaine d’années, ont permis, dans un premier temps, de repositionner l’enfance et la jeunesse au cœur des préoccupations locales, puis de développer de réelles démarches de projet éducatif.

Les dispositifs contractuels tels que les Contrats enfance et jeunesse (CEJ), Contrats temps libres (CTL), Contrats éducatifs locaux (CEL) ont amené les élus locaux et associatifs à construire progressivement des schémas de développement d’actions et de projets, puis, au vu également de l’exigence législative, des projets éducatifs de structure et de territoire. Sous l’impulsion des différents contrats qui jouent le rôle de « leviers de réflexion », des démarches de diagnostic partagé ont été mises en œuvre. En effet, au sein de nombreux territoires, les acteurs éducatifs (élus, associations, clubs, écoles, familles…) se sont mobilisés lors de diffé- rents temps d’échanges et de réflexion concernant les caractéristiques du territoire, les besoins et les attentes des publics ciblés et les enjeux spécifiques.

Si l’aspect financier de ces dispositifs pour les porteurs de projets est dans un premier temps le principal attrait, les contrats deviennent principalement un atout majeur pour le développe- ment de la politique locale enfance-jeunesse des territoires.

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Le label : une démarche structurante et qualifiante

Rares sont les structures d’accueil de loisirs (municipales ou associatives), entrées en démarche de labellisation, sans au préalable avoir participé à la mise en place de CEL ou CTL. Le label, essentiellement depuis sa généralisation en 2005 avec la partie enfance, s’appuie ainsi, régulièrement, sur des comités de pilotage initialement impulsés par les contrats. Le label a su, pour s’imposer, structurer un cadre territorial déjà existant, et réactiver une dynamique entre les différents acteurs en développant davantage de liens, notamment entre élus locaux et professionnels.

À partir d’orientations politiques, de valeurs, les acteurs locaux construisent progressivement des projets reposant sur des objectifs locaux partagés, en cohérence avec les moyens dispo- nibles sur le territoire. Les projets éducatifs labellisés sont construits pour une période de trois ans renouvelables, ils doivent être réalisables et pérennes. Il s’agit ainsi, pour les partenaires, d’affiner les priorités éducatives et les actions souhaitées.

La démarche d’évaluation doit être explicite dans le projet. Les porteurs, en associant les différents acteurs, doivent analyser les résultats obtenus, les effets produits auprès des publics. Même si la démarche d’évaluation reste encore complexe à mettre en place, les temps de formation et l’accompagnement sur site permettent aujourd’hui de constater de réels progrès.

Les effets : « les accueils de loisirs comme vecteur éducatif »

La démarche de labellisation a souvent permis aux structures de transiter du « programme d’activités imposé » vers un « projet éducatif concerté » et d’amener les acteurs à s’interroger sur leurs pratiques pédagogiques. Elle permet également aux porteurs de projets (profes- sionnels, organisateurs…) de prendre le temps de la réflexion quant au sens de l’action. L’écriture du projet éducatif s’effectue en général pendant un an, avec différents temps de rencontres, de concertation sur les volontés éducatives et les démarches pédagogiques à mettre en œuvre pour les atteindre. Il n’y a pas d’obligation de résultats, mais bien un engagement à faire évoluer ces pratiques pour inscrire l’offre de loisirs comme vecteur éducatif territorial.

Que ce soit le label ou le CEJ, les dispositifs ont évolué afin d’amener une réflexion plus globale garantissant une continuité éducative entre les politiques enfance et jeunesse.

Les dispositifs précités ont permis d’asseoir des politiques enfance et jeunesse sur certains territoires. Néanmoins, les évolutions réglementaires et contractuelles (État/Cnaf) ont pu démontrer une forte dépendance des collectivités à ces différents dispositifs qui conditionnent en partie la pérennité des actions menées. Si les collectivités ayant un réel engagement politique souhaitent poursuivre le maintien des projets en cours, celles qui sont moins convaincues par la démarche (et ses effets à long terme) ou qui ne peuvent suivre financièrement risquent de suspendre ou remettre en question les projets développés.

PRATIQUES/ANALYSES

Un label dans des territoires (point de synthèse d’une évaluation pour la CAF du Calvados)

Samira Hammouchi, étudiante en master 2 Sociétés urbaines en mutations et territoires, univer- sité de Caen

Le label enfance-jeunesse ayant maintenant neuf ans d’existence, son évaluation apparaît comme une démarche nécessaire. L’objectif est d’établir une réflexion autour des enjeux territoriaux, politiques et institutionnels, afin d’appréhender l’impact des actions menées, de mettre en exergue les difficultés rencontrées par les acteurs dans le processus de labellisation ainsi que de questionner la cohérence et l’efficacité de ce label. L’évaluation se veut globale mais interroge également trois critères de la charte qualité :

– le critère 3 : « Inscrire le projet dans une dynamique territoriale » ;

– le critère 5 : « Tenir compte des besoins particuliers et attentes formulées des différents publics notamment féminin et inscrire les projets dans une continuité éducative » ;

– le critère 9 : « Inscrire la famille, les parents comme partenaires incontournables ».

Le premier constat est l’existence de structures d’accueil à deux vitesses. En effet, l’enquête a permis de dégager deux cas de figure :

– Le premier concerne une majorité des structures qui se caractérisent par un accueil global où la charte qualité est pleinement assimilée. Les valeurs et les critères éducatifs transposés dans les projets éducatifs sont mis en œuvre au quotidien, la démarche de travail portée par le label est une référence permanente. Les structures concernées sont pour la plupart implantées en milieu urbain où la démarche de labellisation a été intégrée dès son « lancement ». On y retrouve égale- ment certaines structures rurales et périurbaines où la vie associative est fortement dynamique. – Le second cas correspond à des structures dont l’isolement territorial est réel et où le label peut être considéré comme une « bouffée d’air », une aide pour se développer et avancer. Il est évident que la pérennité de ces structures dépend de la charte qualité qui est considérée unanimement comme une « colonne vertébrale ». Elles sont pour la plupart dans la démarche de qualité depuis une période récente et sont de tailles restreintes.

Globalement, le label est une démarche fortement appréciée par les structures. Son objectif de départ, qui consistait à fournir un cadre légal et une formation aux acteurs de l’animation, semble être atteint et porter ses fruits. Cependant, des failles apparaissent quant à l’application de certains critères. Ainsi, les critères 3, 5 et 9 qui font l’objet de l’étude actuelle restent appliqués de manière aléatoire et suscitent encore des interpellations.

L’intégration des publics féminins

Le critère 5 concernant l’intégration des publics féminins reste problématique. Il est considéré comme un objectif complexe à atteindre. La difficulté d’établir une mixité des genres dans les structures concerne tout particulièrement le secteur des préadolescents et des adolescents. L’animation jeunesse, si l’on en croit les coordinateurs rencontrés, est encore pensée comme destinée à un public essentiellement masculin. À croire que son image a connu une évolution peu sensible sur ce sujet, même si la préoccupation de la mixité est dorénavant présente. Souvent, l’animation est née d’une volonté municipale pour contrer les problèmes liés à la délin- quance, d’où la difficulté de faire évoluer les représentations. De plus, les centres d’animation sont confrontés aux problèmes de recrutement des animatrices, ce qui ne facilite pas l’adhésion des publics féminins. L’équipe encadrante ne reflète pas elle-même cette parité qui est exigée dans le label. La question de la place des filles dans ces accueils n’est pas clairement définie et comprise par certaines structures. Cependant, depuis le lancement du label, elle a évolué. Au départ, elles étaient peu présentes, aujourd’hui l’évolution est réelle mais encore faible. Les structures n’hésitent pas à mettre en place des activités traditionnellement considérées comme « féminines », comme des séances de coiffure et de beauté avec des professionnels ou des ateliers sportifs (comme la danse) afin de les intégrer pleinement. L’objet est surtout de favoriser leur présence autour d’activités structurantes à une période où les adolescents sont en quête d’identité.

Les parents comme partenaires incontournables

Le critère 9, consistant à intégrer les parents comme partenaires incontournables, fait débat au sein des structures. Comment intégrer des parents lorsque leur demande de départ est celle d’une garde pour leurs enfants ? La mission première des animateurs serait alors de satisfaire cette demande. Ensuite, l’intégration des parents se fait de manière stratégique : certaines structures ont des animateurs référents pour l’accueil des parents, d’autres les intègrent dans les animations ou dans les conseils d’administration. Or, rapidement apparaissent des limites notamment éthiques comme l’investissement d’un noyau limité de parents. De plus, les parents participant aux conseils d’administration sont peu nombreux et doivent faire preuve de disponibilité.

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