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4.3 Génération grâce à une impulsion fondamentale à 1,8 micron de longueur d’onde

4.3.3 Remarques et interprétation

Il est évident que les spectres d’harmoniques d’ordres élevés contiennent de l’information quant à la section efficace de photo-ionisation de l’espèce qui génère. En effet, l’hypothèse de base de la théorie développée par Anh-Thu Le et al. nommée « Quantitative Rescattering Theory (QRS) » [21] est que les spectres calculés dans le cadre de l’approximation en champ fort peuvent être corrigé par la section efficace de photo-ionisation de l’espèce. Cela est motivé par le fait que dans le calcul du moment dipolaire apparait la matrice de transition dipolaire d(r, t) dépendant de la fonction d’onde de l’état fondamental de l’électron hφ0| et

d(r, t) = hφ0| − e.r|φioni (4.11) Avec −e la charge de l’électron qui sera égale à un si le choix des unités atomiques est fait. Or, cette matrice est directement reliée à la section efficace σ de photo-ionisation telle que : ∂σ ∂Ωk∂Ωn = π 2wk c |d(r, t).n| 2 (4.12)

k et n sont respectivement les directions du moment de l’électron ionisé et celle de la

polarisation de l’onde. Ω représente alors l’angle solide associé à chacune de ces directions. Alors que dans le cadre de l’approximation en champ fort, la fonction d’onde |φioni est approchée par un état de Volkov d’un électron soumis à un champ électrique oscillant sans aucune autre interaction. Comme nous l’avions décrit dans le chapitre1, l’effet du potentiel de l’ion est alors négligé. Les auteurs de la QRS montrent la possibilité de «corriger» les spectres calculés dans le cadre de l’approximation en champ fort par la section efficace de photo-ionisation exacte de l’espèce telle que :

SQRS(w, θ) = σexact(w, θ)

σP W A(w, θ)

· SSF A(w, θ) (4.13)

On aura S ∼ w4D2(w, θ) avec D(w, θ) la transformée de Fourier du moment dipolaire

calculé ici grâce au modèle de Lewenstein. w et θ sont respectivement la fréquence (énergie en unités atomiques) et la direction de la polarisation. σexact est la section efficace de photo- ionisation exacte et σP W A celle calculée dans l’approximation en champ fort, c.-à-d., que la fonction d’onde de l’électron dans le continuum est simplifiée par une onde plane.

D’autres études ont également corrélé la section efficace de photo-ionisation et la structure du spectre [20,22–26]. Il convient alors d’étudier les sections efficaces de photo-ionisation des différentes espèces du plasma. Nous avons vu au chapitre que les espèces ayant la plus forte probabilité d’être responsable du processus de génération sont C, C2 et C3. Cette hypothèse

est également justifiée au regard de la position du point focal de l’impulsion principale par rapport à la surface de la cible, dans la direction d’expansion du plasma. En effet, la figure 4.20 représente l’intensité du signal harmonique en fonction de cette distance. Celui-ci est maximum lorsque l’impulsion est focalisée entre 200 µm et 300 µm de la surface de la cible. Or il est assez peu probable que de grosses nanoparticules aient une densité suffisante dans cette zone du fait de leur forte inertie. En effet, celles-ci resteront très proches de la cible tandis que les particules de faibles masses seront en expansion beaucoup plus rapide.

Figure 4.20 – Profil d’intensité du signal harmonique en fonction de la position de foca- lisation du faisceau principal par rapport à la surface de la cible pour un délai entre la préimpulsion et l’impulsion principale égal à 25 ns.

Nous allons donc concentrer l’étude suivante sur les particules citées plus haut, C, C2 et

C3. Malheureusement, la section efficace de photo-ionisation de la molécule C3 n’a pas été

trouvée dans la littérature.

Les atomes et molécules du milieu sont supposés dans leur état fondamental lors de la génération d’harmoniques d’ordres élevés. Ceci est évidemment une hypothèse de travail. En

effet, des molécules telles que C2ou C3présentent des valeurs de potentiels d’ionisation depuis

des couches inférieures assez proches de celle de la « Highest Occupied Molecular Orbital (HOMO) » [27]. Cependant, premièrement par manque d’information dans la littérature puis par complexité du système, nous partirons d’une hypothèse de départ la plus simple possible. Il convient donc de comparer les spectres obtenus expérimentalement aux sections efficaces de photo-ionisation de C et C2 dans le cas d’une ionisation depuis la HOMO dans son état

fondamental.

C2 C

Énergie (eV) σph(M b) β Énergie (eV) σph(M b) β

13.5 50 0.514 16.7 8.286 1.162 14.5 51.3 0.707 20 6.63 1.279 15 51.1 0.771 21.2 6.126 1.31 17.5 42.3 0.935 25 4.8 1.383 20.00 28.7 1.01 26.8 4.288 1.408 22.5 18.9 1.07 30 3.523 1.444 25 13 1.14 35 2.617 1.481 27.5 9.54 1.21 40 1.968 1.503 30 7.43 1.28 40.8 1.882 1.506 32.5 6.05 1.35 45 1.499 1.516 35 5.06 1.42 50 1.159 1.523 37.5 4.29 1.47 55 0.9091 1.524 40 3.67 1.52 60 0.7232 1.522 42.5 3.16 1.56 45 2.73 1.59 47.5 2.39 1.62 50 2.1 1.64

Table 4.2 – Tableau récapitulatif des valeurs de σph et β pour l’atome de carbone et la molécule de dicarbone. Valeurs extraites de [28, 29].

Les sections efficaces différentielles seront intégrées par rapport à l’orientation de la mo- lécule. La formule décrivant leurs valeurs sera exprimée en fonction de la section efficace de photo-ionisation totale σph et d’un paramètre d’asymétrie β :

dΩ = σph h 1 + βP20(cos(θ))i (4.14)

θ est l’angle entre la direction de polarisation et la direction du moment de l’électron

éjecté. Dans notre cas, nous nous intéressons aux électrons qui sont éjectés parallèlement à la direction de polarisation. On supposera θ = 0.

Dans le cas du carbone atomique C, celui-ci sera donc dans la configuration électronique

3P . Les paramètres de la formule 4.14 sont obtenus à partir de [28, 29]. En ce qui concerne

le carbone diatomique C2, nous supposerons qu’il ionise depuis le niveau 1πu avec C2 dans

l’état X1Σ

g. Les paramètres pour le carbone diatomique sont extraits de [30]. Les valeurs sont résumées dans le tableau 4.2.

Afin de comparer les sections efficaces décrites ci-dessus aux spectres expérimentaux, elles ont été normalisées par rapport au maximum de la section efficace du C2. La figure 4.21 représente ces sections efficaces et le spectre expérimental issu de l’impulsion élargie spectralement. Nous avons multiplié par deux la section efficace du carbone atomique afin que celle-ci soit comparable à celle du carbone diatomique.

La section efficace de photo-ionisation de la molécule C2 est proche de la forme du spectre

expérimental, en particulier pour les photons de basse énergie. De plus, sa forte valeur pour les basses énergies (entre 15 eV et 25 eV) pourrait expliquer également la forte efficacité de gé- nération dans cette gamme de longueurs d’onde. En effet, dans le cas d’une impulsion centrée à 800 nm, l’énergie maximale des photons générés est en général proche de 25 eV. Il semble donc que, sans exclure l’implication des atomes de carbone, la contribution des molécules soit significative. Malheureusement, aucune information sur la section efficace du carbone triatomique n’a été trouvée dans la littérature. Des calculs sont en court au moment de la rédaction de ce mémoire. Néanmoins, nous pouvons concevoir un résultat assez comparable à

Figure 4.21 – Comparaison du spectre expérimental et des sections efficaces de photo- ionisation du carbone diatomique et de deux fois le carbone atomique. Les sections efficaces moléculaires sont moyennées sur toutes les possible orientations de la molécule.

celui du carbone diatomique. En effet, ces deux molécules sont linéaires et sont évidemment très proche l’une de l’autre comme cela nous pouvons le voir sur la figure 4.22. Le carbone triatomique peut être vu comme deux molécules de carbone diatomiques combinées. De plus amples détails pourront être donnés dès l’obtention des résultats du calcul.

C

C

C

C

C

Figure 4.22 – Schéma de Lewis des molécules de carbone diatomique(gauche) et triatomique (droite).

Nous pouvons également remarquer que le spectre expérimental présente un minimum du signal à environ 33.4 eV. Ceci est montré sur la figure 4.19. Le minimum n’étant pas extrêmement marqué, il subsiste une incertitude sur sa valeur. Après avoir réalisé plusieurs mesures avec des fenêtres de moyenne différente, une incertitude de plus ou moins 0.4 eV a été observée. Ce minimum peut provenir d’interférences à deux ou plusieurs centres dus à la génération à partir d’une molécule [31–34]. Cela peut être une contribution de la molécule de C2 ou de C3.

Origine du minimum de génération Nous avons réalisé l’étude numérique du calcul du moment dipolaire dans l’approximation en champ fort (modèle de Lewenstein). Les fonctions d’onde du niveau fondamental ont été obtenues à partir de calculs ab initio grâce au code « General Atomic and Molecular Electronic Structure System (GAMESS) » [35,36]. Seules les molécules C2 et C3 ont été calculés, en effet, aucun minimum de génération ne sera observé

pour l’atome de carbone à notre connaissance. Nous ne détaillerons pas les étapes du calcul, ils pourront être trouvés dans [37]. Les éléments de matrice dipolaire de transition sont obtenus par la transformée de Fourier de la fonction d’onde de l’orbitale à partir de laquelle l’ionisation est réalisée, dans notre cas, laHOMO.

Les calculs ont été menés pour une impulsion centrée à 1.8 µm de longueur d’onde avec une intensité sur cible de 3.5 × 1013W.cm−2 et d’une durée de 60 fs. Cette valeur assez faible

Figure 4.23 – Spectre calculé numériquement pour la molécule de C2 alignée par rapport à

la polarisation du champ laser. La distance interatomique R0 a été optimisée pour avoir un minimum proche de celui observé expérimentalement

plus, dans le cas d’un atome de carbone, l’intensité de saturation est évaluée à 7 × 1013

W.cm−2. Il semble donc raisonnable de devoir imposer une intensité faible dans le milieu de génération.

La figure 4.23 représente elle le spectre calculé de la molécule de C2 et la mesure du

minimum avec les mêmes paramètres que pour les spectres expérimentaux. La molécule a été alignée selon la direction de polarisation du laser et la distance internucléaire a été optimisée afin d’obtenir un minimum de génération dans le spectre proche de celui observé expérimentalement. La valeur de cette distance a été calculée à 1.35 Å. Les valeurs tabulées reportées dans la littérature, notamment dans [38], où le calcul de la distance internucléaire a été fait pour différentes méthodes, varient de 1.24 Å à 1.36 Å. La valeur retrouvée ici semble donc tout à fait en accord avec les calculs reportés dans la littérature. De plus, la molécule évolue au sein d’un plasma dont la température est de quelques électronvolts. Il est donc vraisemblable que les niveaux de vibrations soient peuplés, ce qui peut induire une augmentation de la distance internucléaire. Cela expliquerait le fait que nous obtenions une valeur située parmi les valeurs hautes reportées dans la littérature.

Le même calcul a été réalisé pour la molécule de C3. Cependant, il était impossible de

trouver une distance interatomique permettant d’expliquer le minimum observé. L’optimisa- tion a été faite sur l’orientation de la molécule par rapport à la polarisation du champ laser avec une valeur de distance interatomique égale à 1.3 Å. Nous trouvons une valeur d’environ 60° pour l’angle entre l’axe défini par la molécule de carbone triatomique (linéaire) et la polarisation du laser. Ces résultats sont représentés sur la figure 4.24.

Dans les deux cas, une orientation au moins partielle de la molécule est nécessaire afin d’expliquer le minimum observé. Cela impliquerait donc une certaine orientation au sein du plasma en expansion. Comme nous l’avons vu auparavant, c’est un milieu extrêmement complexe. Il pourrait par exemple y avoir présence de champs électriques dus à des effets de séparation de charges durant l’expansion du plasma. Le fait qu’ils soient présents de manière continue induirait une rupture de l’isotropie du milieu.

Figure 4.24 – Spectre calculé numériquement pour la molécule de C3. La distance interato-

mique R0 a été définie égale à la valeur obtenue pour le calcul ab initio. L’orientation a été optimisée pour avoir un minimum proche de celui observé expérimentalement

Le faisceau de génération présente une polarisation P, parallèle au plan de la table et est focalisé au centre du plasma. Durant l’expansion, on peut s’attendre à une expansion plus rapide des électrons dans le sens d’expansion du plasma [39,40]. Cette expansion rapide des électrons hors de la cible crée de forts champs électriques qui ont tendance à attirer vers eux les ions du milieu. Ces champs électriques présents depuis le début de l’ablation pourraient être responsables d’un alignement partiel des molécules du plasma. Celles s’alignant selon la direction du champ électrique seraient alors alignées selon la direction de polarisation. Selon ce raisonnement, les molécules de C2 expliqueraient le minimum observé. Étant donné

l’angle particulier auquel C3 doit être aligné, il parait assez peu vraisemblable, dans le cas

d’interférences interatomiques, qu’elle soit la cause du minimum de génération.

Ce raisonnement ne représente seulement qu’un début d’explication et nous voulons in- sister sur le fait qu’il sera nécessaire de continuer les études théorique et expérimentale afin de comprendre mieux l’origine du signal harmonique issu d’un plasma de carbone. Par exemple, dans [41], T. Kanai et al. montrent un phénomène d’interférences destructives dues à la présence d’un mélange d’espèces dans le milieu. Également, dans [42], O. Smirnova et al. réalisent une étude théorique, appuyée par des résultats expérimentaux, expliquant le minimum observé dans le spectre d’émission du dioxyde de carbone aligné. Ce minimum est lié au caractère multi électronique de la molécule impliquant des interférences entre diffé- rents canaux d’ionisation. Cependant, ces deux derniers résultats montrent une dépendance en intensité du faisceau infrarouge de génération. Nous n’avons pas observé ce phénomène dans le cadre de nos expériences.