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PARTIE 1. POSITIONNEMENT ET ENJEUX

1.2. Relecture problématique et posture de recherche

Suite à l’analyse de ces éléments contextuels, nous avons été amené à préciser les objectifs de notre recherche. Tant au niveau de sa conception, de celui de sa mise en œuvre, de sa présentation au public, qu’à celui de sa perception par les clients, il s’agit donc de comprendre ce que dit, ce que veut dire et ce que parvient à dire cette relation client conçue, outillée et présentée par l’entreprise EDF. Notre recherche ne se réduit donc pas à la prise en compte d’un processus technique ou d’innovation, que cette

217 www.casseursdepub.org, dernière consultation le 10.01.2012

218 www.reseau-amap.org, dernière consultation le 28/06/12

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Mallard, Alexandre, « La presse de consommation et le marché. Enquête sur le tiers consumériste », in

Sociologie du travail, 2000, vol. 42, n° 3, pp. 391-409, cité par Roux Dominique (coord.) (2009), op. cit.,

dernière soit technologique ou marketing, mais concerne un processus de construction, d’émission, d’échange et de perception de sens entre les parties prenantes de la relation client. Il s’agit de comprendre comment le client et la relation qu’EDF dit entretenir avec lui et pour lui, sont donnés à voir et perçus dans un espace public. Dans le cadre d’une telle approche de la « relation client », nous chercherons donc à questionner les convergences et les écarts entre le sens émis, le sens mis en forme et le sens perçu par ces mêmes parties prenantes.

A partir de cette relecture de notre projet initial, il nous apparaît maintenant possible et nécessaire d’expliciter notre posture de chercheur au regard de notre problématique. Nous détaillerons ensuite l’appareil conceptuel qui constituera la trame des analyses et des réflexions que nous pourrons mener.

En ce qui concerne notre posture de recherche, nous nous trouvons confronté ici à l’un des dilemmes propres à toute tentative de définition du périmètre d’une recherche, à savoir le risque d’une césure entre d’une part, le besoin de catégoriser des données pour les saisir et, d’autre part, celui de les modéliser pour les comprendre. C’est bien d’ailleurs cette difficulté que soulignait Bergson en notant que « L’intelligence est caractérisée par la puissance indéfinie de décomposer selon n’importe quelle loi et de recomposer en n’importe quel système »220. Notre quête d’une intelligibilité de la relation client d’EDF est directement concernée par cette nécessité de ne pas opposer analyse et compréhension, mais plutôt de tenter de les articuler hors de toute considération hiérarchique ou chronologique. Cette voie n’est pas sans risque. C’est notamment ce que démontre Jean-Louis Le Moigne qui, en se référant aux principes de la pensée de complexité, pointe les risques de réduction liés à tout excès d’analyse, nous pourrions dire tout excès de définition prétendument finie, mettant ainsi en exergue la nécessité de relier perspective analytique et perspective dialogique.221

Comme nous avons pu le laisser percevoir précédemment, c’est tout le sens de notre approche que de tenter d’inscrire notre posture de recherche et notre appareil conceptuel dans une logique processuelle et dynamique et non dans une clôture mutilante au regard des jeux et des effets de sens que nous cherchons à mettre en évidence à propos de la relation d’EDF au client.

220 Bergson, Henri, L’évolution créatrice. Paris : PUF, 1998

De ce point de vue, nos travaux s’inscrivent dans le champ des recherches en communication des organisations222, non seulement parce qu’ils concernent un contexte formalisé où s’exercent des activités humaines, ici des activités de production, de

distribution, de commercialisation, de promotion, d’accompagnement, de

consommation, mais aussi parce qu’ils appréhendent des interactions suscitées, orientées et mises en œuvre par une entreprise qui vise à élaborer, installer et développer un certain rapport de signification avec ses clients. En posant la notion de contexte comme un élément fédérateur et un angle de lecture privilégié de nos réflexions, nous affirmons notre intérêt pour les questions de construction et de partage de signification entre des individus, des groupes et des organisations. La notion d’organisation ne nous renverra donc pas à un modèle d’analyse des structures qui président aux activités humaines, question qui relèverait plutôt de la sociologie des organisations, mais bien aux productions de sens qui résultent des interactions entre des contextes, des acteurs, des dispositifs et des messages. C’est notamment pourquoi nous avons voulu parler de relation au client avant d’élargir nos réflexions à l’expression usuelle de « relation client » qui nous semble beaucoup plus unilatérale dans son acception essentiellement entrepreneuriale.

Par ailleurs, en interrogeant la nature et le statut des formes symboliques mobilisées par EDF dans les messages et les dispositifs adressés à ses clients, nos travaux impliquent également un questionnement d’ordre sémiotique. En effet, une part de nos préoccupations de recherche est centrée sur l’analyse des formes d’expression de la relation client par EDF, notamment à travers ses campagnes de communication et ses dispositifs de contact avec sa clientèle.

En vue d’étayer l’appareil conceptuel de notre recherche et plus particulièrement les questions de production et d’échange de signification dans le cadre de la relation client, nous convoquerons par ailleurs certains apports issus du champ de la psychologie sociale, notamment les notions de représentations, de valeurs et d’identité dont nous verrons plus loin qu’elles constituent des points d’appui importants et féconds pour éclairer notre travail, notamment chaque fois qu’à travers les questions de signification se posent des problématiques de relation à la réalité et d’expression de cette même

222 Le Moënne, Christian (dir.), Sciences de la société, n° 50-51, La communication organisationnelle en

relation. Cet éclairage et ce renforcement des questions de sens par des concepts d’origine psychosociale se justifie encore par le fait que ces derniers proposent un maillage, une articulation entre les dimensions sociale et cognitive223 de la communication humaine, ce qui autorise l’approche des processus de signification dans toute leur complexité contextuelle, sémiotique, sémantique, culturelle…

Ainsi, face à la complexité des objets abordés, notre parti-pris est de considérer qu’il est pertinent d’adopter une posture de recherche qui laisse une place prépondérante à une articulation, à une combinatoire de différents référents scientifiques, combinatoire dont le fil conducteur renvoie bien, dans une perspective communicationnelle, aux questions de construction et d’expression du sens de la relation client. En effet, comment aborder une question complexe si ce n’est en mobilisant une approche elle-même complexe au sens de ce qui est maillé, tissé, enchevêtré ? Ce que nous entendons ici par approche complexe signifie, à la suite de Morin224

et de Le Moigne225

, une mise en dialogue des différentes temporalités, des différents événements, des différents acteurs, des différents contextes, des différents changements, que le chercheur découvre et approche. Nous aborderons donc ici la relation client, non pas dans sa dimension mercatique, gestionnaire ou technologique, mais plutôt comme un système de significations en construction, en mouvement et en mutation.

1.3. Cadre conceptuel général pour une approche