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4.1 Inscrire la santé dans un parcours

Dès l’introduction du dernier livre du CREAPT, Molinié, Gaudart et Pueyo (2012) expliquent que dans les recherches de cette équipe (à laquelle nous appartenons), la notion de vieillissement ne renvoie pas aux caractéristiques de la population au-delà d’un certain seuil d’âge. Il est plutôt appréhendé comme un processus, intégrant des dimensions d’involution et de construction, et se déroulant tout au long de la vie. Ce parti pris méthodologique était exprimé de longue date, puisque la notion de vieillissement pris comme un processus apparaît dès 1975, puis se développe dans les années 80 sur la prise en compte de la diversité de la

population dans le travail. Toutefois, à l’époque, elle « s’est élaborée en se focalisant sur les

enjeux du moment, c’est-à-dire une forte représentation des âges médians. Le contexte actuel permet de repenser cet enjeu de la diversité sous l’angle du côtoiement des générations au travail (…) La mise en lien de l’âge, de la santé et du travail implique des outils méthodologiques pour saisir du diachronique le plus en lien possible avec l’activité de travail passée » (Gaudart, Molinié et Pueyo, 2006). Dans ces recherches, largement centrées sur les relations entre l’âge, le travail et la santé, la lecture diachronique de ces liens s’impose ainsi d’elle-même.

Les approches scientifiques s’intéressant aux dynamiques temporelles de long terme (life-course approaches) offrent un cadre de recherche sur la santé, le développement humain ou le vieillissement particulièrement intéressant. Des disciplines aussi variées que la démographie (Uhlenberg, 1996), la psychologie (Baltes, Lindenberger et Staudinger 1998), l’anthropologie (Panter-Brick et Worthman, 1999) ou encore la biologie (Henry et Ulijaszek,

1996) ont activement promu ce type d’approche ces dernières années.

En sociologie, on retrouve ces préoccupations chez Bertaux (1980), ou encore chez Demaziere ou Dubar qui explorent les usages et les problèmes posés par des entretiens centrés sur la production d’éléments biographiques pour identifier des processus temporels ou différencier des rythmes temporels (Couppié et Demazière, 1995 ; Demaziere et Dubar, 1997 ; Dubar, 2001). Le récit biographique (qu’il soit sur la vie professionnelle, familiale, affective, etc.) implique un argumentaire sur les significations d’un parcours, vu à la fois comme une période de la vie passée, une situation présente, et une anticipation sur l’avenir. Mais faire appel au souvenir expose au risque de « défaillances de la mémoire » (Auriat, 1996 ; Grémy, 2007), en particulier à des « trous » dans le calendrier chronologique. Or l’entretien

biographique ne vise pas à opérer une reconstitution selon un fil chronologique, mais plutôt à

solliciter une remémoration qui se construit en « empruntant des chemins imprévus et divers,

irréductibles à la flèche du temps », et qui sont la trace de la subjectivité du locuteur (Demazière, 2003). La reconstitution de parcours par cette méthode demeure partielle, mais complémentaire aux enquêtes par questionnaire qui ont recours à un calendrier chronologique pour réduire les erreurs de mémoire, mais qui enferment dans un carcan strict et contraignant. Plus en lien avec les questions des interactions entre la santé et le travail, suite à une étude consistant à effectuer un suivi longitudinal de parcours de travailleurs ayant subi un accident de travail, Daubas-Letourneux (2005 et 2012) propose d’inscrire les accidents du travail dans la double histoire des parcours professionnels et des systèmes institutionnels de reconnaissance : elle situe la santé dans l’histoire individuelle et collective des travailleurs, et a cherché à mettre en valeur l’impact des rapports sociaux dans les processus d’altération de la santé au travail et leurs liens possibles avec des processus de sélection et d’exclusion du marché de l’emploi.

En démographie, à l’analyse transversale classique a succédé l’analyse longitudinale (Lelièvre et Courgeau, 1989), en prenant en compte la temporalité précise du déroulement des événements de la vie. Ce déroulement est ici considéré comme un processus complexe qui fait intervenir le temps mais aussi qui dépend des rapports de l’individu avec les autres membres avec lesquels il est en relation et les contraintes imposées dans la société dans laquelle il vit (Uhlenberg, 1996). Avec un point de vue assez proche de nos préoccupations, Courgeau et

Lelièvre (2003) formulent leur point de vue ainsi : « un individu parcourt, tout au long de sa

vie, de nombreuses étapes de nature différente et sa position à un instant donné dépend de sa trajectoire antérieure, des informations qu’il a pu acquérir dans son passé, des contraintes du milieu et de son libre arbitre ».

Selon Kuh et al. (2003), les épidémiologistes se sont intéressés plus récemment que les sociologues ou les démographes aux approches intégrant les dimensions temporelles de long terme. Pour contrebalancer la polarisation grandissante des recherches sur la programmation prénatale, ou encore sur l’influence du mode de vie sur l’étiologie des maladies chroniques, un courant en épidémiologie intégrant des dimensions temporelles de long terme s’est construit d’après l’idée initiale que différents facteurs biologiques et sociaux traversent l’itinéraire de vie de manière indépendante et/ou cumulative, et exercent une influence sur la santé et la maladie interactivement durant toute la vie (Kuh et Ben Shlomo, 2004). Depuis la fin des années 90, des approches de ce type fleurissent, en réponse aux limites rencontrées

face aux modèles étiologiques de certaines maladies (Hertzman et al., 2001 ; Ben-Shlomo et Kuh, 2002 ; Blane, Netuveli et Stone, 2007).

Prenant en compte les diverses évolutions de notre société, Graham (2002) va jusqu’à proposer une nouvelle science, interdisciplinaire, dédiée à l’étude des inégalités de santé avec pour objectif la mise en évidence des conséquences sanitaires des expositions cumulées, à l’aide de recherches sur les dynamiques temporelles, ceci afin d’identifier la façon dont les politiques publiques peuvent amplifier ou atténuer les inégalités de statut socio-économique.

Cette question de la temporalité longue est posée de longue date en ergonomie : Catherine Teiger l’abordait dès 1980 à partir des notions d’empreintes du travail sur la santé, des traces durables qui obligent à prendre en compte le temps présent, mais aussi les apparitions à moyen et long termes. On retrouve aussi cette préoccupation chez Laville en 1989 qui s’interroge sur la difficile identification des évolutions fonctionnelles avec l’âge, en fonction des conditions de travail. Repartant de ce constat et en faisant appel à des approches de plusieurs disciplines, nous allons à présent tenter de catégoriser les dimensions temporelles impliquées dans notre analyse.

4.2 Des relations complexes et enchevêtrées

Les relations multifactorielles en tous sens, les processus de régulation, les effets différés dans le temps, les mécanismes de sélection, s’inscrivent le long d’un axe temporel (Volkoff et Thébaud-Mony, 2000). Une représentation schématique de cet axe permet d’organiser leur lecture et de mettre en évidence les processus de fragilisation ou d’exclusion (Dessors, Schram et Volkoff, 1991 ; Davezies, 1995 ; Frigul, 1997) ou de construction de la santé au travail. Nous nous appuyons pour cela sur un modèle très général (Volkoff, 2005 ; Volkoff et Molinié, 2011 ; Molinié et Pueyo, 2012) qui tente d’intégrer plusieurs formes de liaisons entre travail et santé (figure 13 ci-dessous). Nous illustrerons plus particulièrement les liaisons entre travail et TMS à partir de connaissances choisies dans la littérature scientifique, en épidémiologie ou ergonomie pour l’essentiel.

Figure 13 : Schéma général des relations entre travail et santé au fil de l’existence (Adapté de Volkoff et Molinié, 2011)

Reprenons l’explication de la figure ci-dessus proposée par ses auteurs. Ce schéma présente le travail et la santé comme deux axes orientés sur lesquels un individu progresse en parallèle. Le moment où les axes prennent fin peut souvent être établi de façon relativement précise : l’axe « Santé » court jusqu’au moment du décès. L’axe « Travail » prend fin plus tôt, puisque la vie professionnelle se termine en général plus tôt. Cet axe est prolongé par quelques pointillés afin de rappeler qu’il n’est pas sans conséquences, pour un retraité, d’être un « ancien» de tel ou tel métier, et que son itinéraire professionnel antérieur joue un rôle dans son revenu, sa position sociale, ses réseaux, etc.

Il est plus difficile de déterminer exactement le début de chacun de ces axes, car il dépend des éléments pris en considération. Du côté de la santé on pourrait considérer que son « histoire » débute à la naissance, mais des travaux en épidémiologie, par exemple, sur l’impact possible de certaines expositions professionnelles des parents, argumentent que l’idée d’y intégrer la période prénatale est aussi défendable. Quant au début de la vie de travail, entre les périodes de cumul ou d’alternance études/travail, les épisodes de chômage entre deux contrats temporaires, etc., il semble de plus en plus difficile de chercher à définir le moment qui marque le « début » de l’emploi (Van de Velde, 2008 ; Céreq, 2008).

Nous proposons de reprendre ici, à l’instar de ces auteurs, huit grands types de relations, représentées dans la figure par des flèches accompagnées de lettres allant de « a » à « h ». Une flèche descendante suggère d’étudier un aspect de la santé comme « conséquence » d’un aspect du travail. Inversement pour les flèches montantes. Sur ce

point, dans la version 2012 de la présentation de ce schéma, les auteurs font part d’une certaine précaution (p. 240) :

« La démonstration du sens d’une relation, et de son caractère univoque, est cependant toujours fragile, en particulier à partir de résultats statistiques. Ces « fléchages » relèvent en général d’un faisceau de présomptions, et leur orientation mérite toujours d’être discutée et confortée par confrontation à d’autres types de connaissances. La plupart des flèches « penchent » vers la droite, donc dans le sens du temps qui s’écoule, représentant ainsi l’idée d’« effets » postérieurs aux « causes ». C’est cependant moins évident qu’il n’y paraît : ainsi, des choix opérés dans les parcours professionnels peuvent avoir une visée et une efficacité préventive ; la proximité de la retraite influence sans doute l’état de santé ; ou encore, des appréhensions sur l’évolution à venir de la santé peuvent déterminer un changement de travail ».

Reprenons à présent ces relations une à une, en insistant plus particulièrement sur celles dans lesquelles les TMS jouent un rôle.

Flèche a : Les effets du travail sur la durée de vie

Des différences de mortalité entre catégories sociales sont marquées dans l’ensemble des pays industrialisés, et spécialement en France (Kunst, Groenhof et Mackenbach, 2000), avec un écart de l’ordre de sept ans entre les hommes cadres supérieurs et ouvriers. Cet écart s’accroit légèrement à mesure que l’espérance de vie dans son ensemble progresse. Bien sûr on ne peut pas expliquer entièrement la mortalité différentielle par les disparités de conditions de travail. Des facteurs tels que les habitudes alimentaires, l’accès aux soins, sont aussi inégalement distribués entre catégories sociales. Toutefois, des travaux épidémiologiques

attribuent une partie de ces écarts aux caractéristiques du travail. A notre connaissance,

cependant, il n’existe pas de liens démontrés relatant l’influence directe de l’exposition à des facteurs de risque TMS sur la durée de vie.

Flèche b : Les effets du travail sur la santé aux « grands âges »

L’accroissement global de l’espérance de vie et le constat d’importants écarts de mortalité entre catégories sociales ont conduit à se demander si une vie plus longue s’accompagnait de plus d’années vécues avec des incapacités (Cassou et al., 2001). Pour répondre à ces questions, la référence à l’espérance de vie a été complétée par celle d’espérance de vie en santé, qui permet d’estimer par exemple le nombre moyen d’années vécues avec et sans incapacité ou handicap (Cambois, Clavel et Robine, 2006).

En resserrant la maille de l’analyse on peut interroger les effets du travail passé sur la présence à long terme de douleurs articulaires. En Suède, en population générale chez des personnes de 55 ans et plus, des inégalités sociales de TMS « sévères » (toutes régions articulaires confondues) ont été observées, au détriment des personnes des classes professionnelles les moins élevées (Fors, Lennartsson et Lundberg, 2008). Dans une étude de Sainio, Martelin, Koskinen et Heliovaara (2007), la prévalence d’atteintes lombaires, diagnostiquées par un médecin au moment de l’interrogation, suivait un gradient inverse au niveau d’études initiales ; les maladies chroniques dont la présence de TMS et l’exercice d’un travail physique au cours de l’histoire professionnelle figuraient parmi les facteurs qui participaient aux inégalités observées.

Au Québec, à partir d’un groupe de 800 opératrices (ou ex-opératrices) de machines à coudre âgées de 45 à 70 ans, Vézina, Brisson et Vinet (1989) ont pu montrer une fréquence de maladies arthritiques et ostéoarticulaires sévères permanentes neuf fois plus élevée en fonction du nombre d’années où elles avaient été payées au rendement. Et dans le suivi d’une cohorte de près de 400 retraités parisiens par Cassou et al. (2001), les personnes ayant déclaré avoir été exposées durant leur vie professionnelle à des nuisances (surtout le port de charges lourdes, mais aussi des positions fatigantes ou du bruit...), présentaient davantage d’incapacités lors de leur départ en retraite, mais aussi davantage dix ans plus tard. Des facteurs professionnels de la vie active semblent donc bien jouer un rôle dans l’évolution générale de la santé (et tout autant sur les douleurs articulaires), même à la retraite.

Flèche c : Les effets du travail sur la santé en fin de vie professionnelle

Selon les enquêtes en population générale (DREES 2008), la prévalence des problèmes de santé s’accroît avec l’âge, y compris aux âges de la vie active : près de 2/3 des quinquagénaires français présentent des troubles impliquant des limitations de capacité ou un traitement médical contre environ 1/3 des personnes de 18 à 35 ans, et la moitié des

quadragénaires. Sans revenir sur ce que nous avons développé dans le chapitre 2 de cette

partie, rappelons juste que l’on retrouve sensiblement la même tendance (dans des proportions moindres) dans l’évolution des prévalences des problèmes ostéoarticulaires avec l’âge.

Pour Volkoff et Molinié (2011) le travail intervient ici sous deux formes. D’une part un travailleur vieillissant porte les traces des contraintes précédemment vécues (Derriennic, Touranchet et Volkoff, 1996 ; De Zwart, Broersen, Frings-Dresen, Van Dijk, 1997) : ses difficultés à tenir des postures accroupies ou bras en l’air peuvent être liées à la répétition de ces gestes au fil des années, ses douleurs lombaires aux charges qu’il a soulevées, etc. Les

conditions de travail vécues par ces anciens au long de leur vie ont elles-mêmes évolué. Dans un même métier les techniques, l’organisation, les objectifs de travail ont changé. Pour éclairer ces évolutions et leurs effets sur ceux qui les ont vécues, l’interrogation rétrospective de salariés proches de la retraite, ou de jeunes retraités ouvre quelques pistes. Certains chercheurs de notre équipe ont entrepris une approche de ce type dans une étude sur la pénibilité dans la collecte des déchets (Gilles et Molinié, 2004 ; Volkoff, 2006).

Nous avons pour notre part, avant notre travail de doctorat, mené une investigation méthodologiquement proche dans une menuiserie industrielle (2005 – Document interne à l’entreprise – analyses non publiées). Les opérateurs préposés à la constitution des palettes de menuiseries en bout de ligne de production ont décrit les astreintes fortes de ce métier, par comparaison avec d’autres professions, exercées précédemment ou avec d’autres postes de l’atelier. Ils soulignaient l’effet aggravant de l’encombrement de certaines pièces, des équipements de la zone, de l’organisation spatiale contrainte par le manque de place, de l’ordonnancement des menuiseries en production bien différent de l’ordonnancement sur les palettes et qui entraîne des manipulations répétées, de la difficulté à s’organiser collectivement, ou encore de multiples causes d’inconfort ou d’usure. Tirant le bilan de ces sollicitations sur leur organisme, tous relevaient la présence de douleurs nombreuses et d’une fatigue générale (à l’origine de la demande d’intervention en ergonomie que nous avons menée). Selon eux, la réévaluation de l’activité réelle sur ce poste a entraîné une prise de conscience, et des évolutions : dans les matériels - notamment la mise en place d’un manipulateur pneumatique – dans l’organisation spatiale de la zone, dans l’organisation temporelle avec les quais d’expédition ou encore dans l’organisation collective. Ces évolutions constituaient un progrès considérable. Mais à l’inverse ils déplorent des évolutions récentes : augmentation de la variabilité des produits (dimensions, références, spéciaux), l’apparition puis l’augmentation du nombre d’autocontrôles à effectuer sur chaque pièce, l’informatisation de certaines tâches, la production de plus en plus en flux tendus, la réduction des temps pour échanger avec l’amont ou pour former un nouveau, source de risques supplémentaires, de découragement. Nous rejoignons alors les conclusions de l’étude dans la collecte des déchets : l’appréciation des effets à long terme de leur travail sur leur santé passait ainsi par l’agencement d’évolutions non nécessairement convergentes, dans des domaines parfois divers.

D’autre part le travailleur peut « vivre plus mal » ces troubles – et ce mal-vivre devient lui-même une composante de sa santé (Volkoff et Molinié, 2011) – si le trouble évolue vers

une gêne voire un handicap dans la réalisation de certaines tâches. Le trouble revêt alors un autre statut ; pour Molinié et Pueyo (2012), il marque la rupture de la sécurité et de l’assurance en l’avenir que confère la santé selon Canguilhem (1988 ; repris dans

Canguilhem, 2002, p.61) : la santé « c’est une assurance vécue au double sens d’assurance

contre le risque et d’audace pour le courir. C’est le sentiment d’une capacité de dépassement des capacités initiales, capacité de faire faire au corps ce qu’il semblait ne pas promettre d’abord ». Et cette perte d’assurance, souvent mal vécue, constitue à son tour un facteur de dégradation de la santé. Le travail intervient alors aussi comme un « révélateur » de certains troubles de santé jusqu’alors « gérés », « jugulés » ou silencieux Molinié et Pueyo (2012). On retrouve par exemple cette situation lorsqu’un changement au travail diminue les marges de manœuvre de l’individu, et le fragilise par rapport aux exigences du système.

Le travail intervient donc sur la santé en fin de vie professionnelle, sous la forme

d’usure ou de fragilisation. Des enquêtes statistiques comme SVP5025 permettent de préciser

l’ampleur de ces phénomènes (Molinié, 2006) : bien que confirmant la prévalence élevée de troubles de santé chez les salariés âgés, elles montrent aussi (heureusement) que ces derniers ne sont pas tous gênés par leurs troubles dans leur activité professionnelle ; cette gêne dépend des caractéristiques du travail.

Flèche d : Les effets de la santé sur la date et sur les modalités de cessation d!activité

Il s’agit ici d’une première flèche montante de la figure, c’est-à-dire une relation dans laquelle la santé (la « cause ») influence la vie de travail (vue comme la « conséquence »). Nous développons dans ce cas le constat que l’état de santé dans les dernières années de vie active influence les projets et les pratiques des salariés en matière de cessation d’activité (que nous distinguons de la retraite), et d’autant plus si leurs capacités de travail sont fortement atteintes.

Deux recherches sur ces relations entre santé et départs (volontaires ou subis) ont attiré plus spécialement notre attention :

Saurel-Cubizolles et al. (2001), à partir d’exploitations de l’enquête ESTEV, décrivent un lien manifeste entre une mauvaise santé ostéo-articulaire perçue en 1990 et le fait constaté ensuite par ce dispositif longitudinal d’être sorti de l’emploi en 1995. Ainsi, en 1995 quels que soient le sexe et l’âge des 18 596 salariés interrogés, le pourcentage de sujets sans emploi est plus

25 Santé et Vie Professionnelle après 50 ans : enquête menée en 2003 par quelques centaines de médecins du travail, auprès de 11000 salariés quinquagénaires.

élevé parmi ceux qui avaient déclaré des troubles de la mobilité physique en 1990, que ceux n’en ayant pas déclaré.

A cet égard, la diminution, voire la disparition, de certains postes dits « doux », traditionnellement utilisés lors des opérations de reclassement (disparition ou du moins raréfaction du fait de la sous-traitance de certaines fonctions, de la gestion en flux tendus conduisant à la disparition de postes de magasinage ou de gestion de stocks, de l’automatisation de certaines tâches, etc.), les réductions d’effectifs et les fragilisations des collectifs de travail, peuvent contribuer à accentuer les difficultés à travailler avec des troubles ou des déficiences, et à fragiliser l’emploi, notamment aux âges élevés. La figure 14