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Relations entre les fonctions et la conformation du peptide amyloïde

2. ÉTAT DE L’ART

2.2. Le peptide amyloïde

2.2.6. Relations entre les fonctions et la conformation du peptide amyloïde

en référence à la citation de Blaise Pascal, il n’est pas démontré que les PS sont responsables de la MA ; il est simplement démontré que leur apparition coïncide avec son apparition. Mais l’hypothèse n’explique pas pourquoi il peut apparaître de nombreuses PS dans le cerveau de sujets demeurés parfaitement sains.

2.2.6. Relations entre les fonctions et la conformation du peptide

amyloïde.

2.2.6.1. Les diverses conformations du peptide amyloïde.

2.2.6.1.1. Comportement du peptide bêta-amyloïde en solution.

En solution le peptide Aβ n’est pas structuré, mais il acquiert une structure β-plissée par agrégation. La formation d’amyloïde par le peptide Aβ suit une voie de polymérisation et nucléation, caractérisée par une phase initiale de latence où dominent les formes monomériques [M], suivie de la formation d’oligomères de bas poids moléculaire [BPM] : ce sont des dimères, des trimères et des oligomères < 8-mères.

Puis il se forme un ‘nucleus’ oligomérique riche en structures β. Celui-ci subit une croissance supplémentaire pour former des agrégats d’ordre supérieur de distribution, de taille et de forme hétérogène. Ces intermédiaires riches en structure β-plissée sont appelés collectivement agrégats préfibrillaires ; ils disparaissent lors de la formation des fibrilles. Certaines des formes préfibrillaires sont bien décrites. Il faut inclure dans ces formes connues les protofibrilles (des structures curvilinéaires de moins de 200 nm de long et de 4 à 6 nm de diamètre), les ligands diffusibles dérivés du peptide Aβ [LDDP] (des agrégats sphériques de 3 à 5 nm de diamètre), des assemblages en forme de beignet (diamètre extérieur : 8 à 12 nm ; diamètre intérieur : 2 à 2,5 nm) et les oligomères BPM (Fig. 8).

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On ne sait pas si certaines de ces espèces sont des intermédiaires conduisant à la formation des fibrilles amyloïdes, ou correspondent à des formes non évolutives.

Figure 7 : Caractérisation d’oligomères de peptide amyloïde 1-42 en microscopie électronique. a) oligomères, b) protofibrilles et C1 et C2) fibrilles (D’après (Ahmed et al., 2010)).

2.2.6.1.2. Propriétés des agrégats protofibrillaires.

Les agrégats protofibrillaires sont dotés de propriétés caractéristiques distinctives. (a) Ils contiennent un mélange d’éléments présentant diverses structures secondaires, avec toutefois une prédominance des structures β-plissées. (b) Ils lient des colorants spécifiques des amyloïdes, comme le Rouge Congo ou la ThT. (c) Ils sont moins stables que les fibrilles amyloïdes et existent en équilibre avec les formes monomériques du peptide Aβ. En présence de peptide Aβ, toutes ces espèces finissent par se convertir en fibrilles amyloïdes par addition de monomères.

2.2.6.1.3. Propriétés des fibrilles amyloïdes matures.

Les fibrilles amyloïdes matures sont décrites comme des structures insolubles, riches en feuillets β, et qui font plus de 1 μm de long, un diamètre de 8 à 12 nm, et sont composés de 2 à 6 protofilaments. In vitro, les formes synthétiques et recombinantes de peptide Aβ forment des agrégats et des fibrilles amyloïdes qu’il est impossible de distinguer de ceux que l’on isole du cerveau des patients atteints de MA. Ce fait suggère que le processus physiologique de la formation de l’amyloïde peut être reproduit in vitro, et donne du prix et de la pertinence aux études conduites in vitro pour élucider les mécanismes moléculaires de la formation de l’amyloïde in vivo. La Figure 9 récapitule sous forme schématique l’ensemble de ces données.

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Figure 8 : Représentation schématique de la formation des plaques séniles.

(D’après (Callizot et al., 2013)).

2.2.6.2. Quel type de toxicité pour quelle conformation ?

L’accumulation intracellulaire d’Aβ est sans doute un événement précoce de la MA. Elle précède l’apparition des PS (Gouras et al., 2000; Oddo et al., 2006). Mais la corrélation temporelle et spatiale entre quantité intracellulaire et les autres lésions de la MA (dont les DNF) n’est pas toujours forte. Voilà qui remet en question le statut de précurseur de la cascade biologique pathologique dont on qualifie souvent ces phénomènes (Wegiel et al., 2007). Par ailleurs, ce n’est pas tant la quantité d’Aβ que son état d’oligomérisation qui affecte de façon critique, semble-t-il, son pouvoir toxique (Hayden and Teplow, 2013). L’oligomérisation est l’une des principales modifications conformationnelles subies par l’Aβ après qu’il a été produit. Les formes oligomérisées, AβO, représenteraient près de 45 % des espèces d’Aβ (Kuo et al., 1996). Dans les oligomères, extraits des dépôts amyloïdes vasculaires et des PS, on trouve des dimères et des trimères d’Aβ formés par une liaison covalente établie entre les

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résidus tyrosines en position. Les liaisons covalentes tyrosine-tyrosine sont très résistantes à la protéolyse et elles renforcent la stabilité des PS lors de leur formation.

In vitro, cette oligomérisation est induite par des phénomènes d’oxydation, et plus précisément, par l’action du cuivre. Mais les phénomènes d’oxydation induits par le cuivre n’affectent pas l’Aβ de Rat qui ne possède pas de tyrosine (Atwood et al., 2004). Les oligomères d’Aβ 1-42, formés naturellement (par des cellules transfectées ou dans les extraits de cerveaux de malades) sont beaucoup plus toxiques (plus de mille fois !) que les oligomères formés à partir d’Aβ1-42 synthétiques. Le phénomène pourrait s’expliquer par l’absence de modifications post-traductionnelles du peptide synthétique ou par l’action de l’environnement cellulaire, et notamment la présence de partenaires protéiques (Hayden and Teplow, 2013). Ainsi, le glycosphingolipide GM1, que l’on retrouve dans les membranes lipidiques peut interagir avec l’Aβ qu’il complexe ; il agirait comme un catalyseur d’oligomérisation pouvant déclencher la mort neuronale via le récepteur du nerve growth factor [NGF] (Yamamoto et al., 2007; Yanagisawa, 2015).

Les AβO et les protofibrilles d’Aβ sont toxiques pour les neurones et ils perturbent plus fortement la plasticité synaptique que ne font les fibrilles (Sakono and Zako, 2010). L’accumulation intracellulaire d’Aβ1-42 déclenche une apoptose dépendante de p53 (Ohyagi et al., 2005). En outre, l’augmentation de la concentration intracellulaire des ions calcium se traduit par une augmentation de la production d’Aβ1-42 intracellulaire suivi d’une importante mort cellulaire (Pierrot et al., 2004).

La toxicité de la forme Aβ1-42 pourrait bien être liée à ses capacités d’agrégation. Les cinétiques d’agrégation des Aβ1-40 et 1-42 sont très différentes. L’Aβ1-42 s’agrège beaucoup plus vite, et la formation d’AβO1-42 s’en trouverait accélérée in vivo. L’AβO est détecté dans le LCR des patients souffrant de MA ainsi que dans leur plasma, mais l’utilisation de ce marqueur sanguin pour le diagnostic de la MA est sujet à controverse (Koyama et al., 2012; Savage et al., 2014; Xia et al., 2009).

L’Aβ1-42 est supposé devoir sa plus grande toxicité à sa capacité à former des fibrilles (Walsh and Selkoe, 2007). Bien que les diverses études disponibles portent surtout sur les formes hautement agrégées d’Aβ, il y en a qui insistent sur le rôle joué par de simples dimères (Shankar et al., 2008). Ainsi, des neurones d’hippocampe provenant de rats traités avec des dimères d’Aβ isolés directement de cerveaux de patients atteints de MA voient leur LTP [pour long term potentiation] inhibée, et leur LTD [pour long term depression] accrue, associée du

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reste à une diminution de la densité des épines dendritiques (Shankar et al., 2008). Mais les auteurs s’accordent pour conclure que les AβO induisent une multitude d’effets neurotoxiques, dont une réduction de la densité synaptique, une perturbation de la transmission synaptique, une inhibition de la LTP et une détérioration des fonctions cognitives. Mais toutes les conformations d’Aβ1-42 ne sont pas toxiques. Son monomère est neuroprotecteur, particulièrement dans des gammes de concentrations de l’ordre de la pmol/L (Shankar et al., 2007).

Les PS se forment progressivement (Fig. 9). Les monomères d’Aβ s’assemblent en oligomères, les AβO, lesquels vont ensuite former des protofibrilles. Celles-ci forment les PS après avoir acquis la conformation fibrillaire.

On a vu que les monomères ne sont pas toxiques (Giuffrida et al., 2009, 2010). Elles seraient même protectrices. Les monomères d’Aβ peuvent spécifiquement activer CREB, un point convergeant pour des mécanismes et des voies impliqués dans la mémoire (Zimbone et al., 2018). Cependant dès que leur concentration atteint un certain seuil, les Aβ, dont l’Aβ1-40, perdent cette propriété protectrice et deviennent toxiques. Nous avons déjà signalé que dans les expériences conduites aussi bien in vitro qu’in vivo pour étudier la toxicité de l’Aβ soluble, ces concentrations sont largement dépassées.

Il est assuré que les AβO sont les plus neurotoxiques de toutes les espèces conformationnelles d’Aβ, en raison de leur capacité à induire un stress oxydatif ou à susciter une réponse calcique anormale. Les fibrilles et les protofibrilles semblent être dotés d’une moindre neurotoxicité. Cependant il existe une mutation dite artic (E22G), responsable d’une forme familiale de MA qui confère au peptide AβE22G la capacité à former des fibrilles beaucoup plus rapidement. Des souris transgéniques pour le gène APPE22G forment un nombre de PS beaucoup plus élevé que leur contrepartie transgénique pour l’APP humain sauvage, mais elles présentent, paradoxalement, un moindre déficit cognitif ou un déficit comparable à celui de leur contrepartie transgénique pour l’APP sauvage (Cheng et al., 2007). Ces expériences confirment donc que les PS ne sont pas l’entité la plus toxique.

Des dépôts diffus sont présents chez le sujet sain et ne sont entourés que de cellules microgliales quiescentes, alors qu’inversement, les PS sont entourées, pour 80 % d’entre elle, de cellules activées. La microglie semble donc jouer un rôle direct dans la régulation du nombre de PS, comme le font les macrophages dans le cas d’amyloïdoses périphériques. Les

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PS sont formées majoritairement par l’accumulation et l’agrégation d’Aβ conformés en feuillets β insolubles (Masters et al., 1985). Ces formes à feuillets β constituent le cœur de la PS et réagissent, comme on l’a déjà mentionné, au rouge Congo, une réaction devenue un classique en histopathologie. Une couronne d’axones ou de dendrites (neurites) malformés ou immatures enserre ces PS. De telles atteintes à la structure neuronale peut contribuer aux signes cliniques de la MA (Marin et al., 2016).

Il convient de signaler enfin que certains auteurs attribuent au PS un rôle de mécanisme de détoxification par leur capacité à séquestrer les formes les plus toxiques d’Aβ, i.e. les AβO (Krabbe et al., 2013; Yuan et al., 2016)