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Les différentes enzymes impliquées

2. ÉTAT DE L’ART

2.2. Le peptide amyloïde

2.2.4. Dégradation et élimination des peptides amyloïdes

2.2.4.1. Les différentes enzymes impliquées

La néprilysine [NEP] est une protéine transmembranaire de type II, de 97 kDa de MM. On la connaît aussi sous le nom de neutral endopeptidase, CALLA [pour common acute lymhoblastic leukaemia antigen], enképhalinase (EC 3.4.24.11). Elle possède un court domaine intracellulaire et un grand domaine extracellulaire qui porte le site actif de l’enzyme. C’est une métalloprotéinase à zinc qui clive préférentiellement les peptides circulant d’une taille inférieure à 5 kDa. Elle est impliquée dans l’inactivation de nombreux peptides biologiquement actifs, comme la substance P, les endorphines, les enképhalines, la

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neurotensine. La NEP est codée par un gène porté par le chromosome 3. Le gène comporte 24 exons et peut produire par épissage alternatif quatre types de molécules.

L’hydrolyse d’Aβ1-40 synthétique par la NEP a été observée d’abord in vitro (Howell et al., 1995). Son rôle dans la dégradation de l’Aβ in vivo est démontré quelques années plus tard ; après injection d’Aβ1-42 dans le cerveau de rat, il est observé une dégradation endogène non négligeable, qui peut être abolie par un traitement au thiorphan ; il apparaît d’ailleurs que la NEP dégrade préférentiellement l’Aβ1-42 (Iwata et al., 2005). Des souris dont on a invalidé le gène codant la NEP présentent une augmentation des dépôts cérébraux d’Aβ1-40 et 1-42. Inversement, la surexpression de NEP dans des souris transgéniques servant de modèle animal de MA se traduit par une diminution significative de la formation de dépôts amyloïdes (Iwata et al., 2004).

L’expression de la NEP diminue au cours du vieillissement, et spécialement dans des zones du cerveau préférentiellement atteintes dans la MA, comme l’hippocampe. La baisse d’expression peut atteindre 50 % et elle est corrélative à l’augmentation du nombre et de la taille des PS (Yasojima et al., 2001). Cette baisse d’expression est interprétée comme une étape clé dans la séquence des événements conduisant à l’apparition des formes sporadiques de MA.

Inversement, le fragment AICD (C50), issu du clivage ε de l’APP, peut réguler positivement l’expression de la NEP (Pardossi-Piquard et al., 2005). L’Aβ1-42 est capable d’induire une augmentation de l’expression et de l’activité de la NEP (Mohajeri et al., 2002). La cellule aurait ainsi un moyen de limiter la formation des PS.

2.2.4.1.2. L’endothelin converting enzyme.

L’endothelin converting enzyme [ECE] est une métalloprotéinase de 120 kDa de MM. Son site catalytique est extracellulaire. Mais elle se distingue de la NEP par deux traits. Elle est active sous forme de dimère et elle n’est sensible qu’au phosphoramidon, contrairement à la NEP qui, elle, est également sensible au thiorphan (Turner and Tanzawa, 1997). Initialement, l’ECE a été impliquée dans la conversion de l’endothéline inactive en endothéline active. Ultérieurement, la substance P, la bradykinine, la neurotensine sont venues allonger la liste des substrats.

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L’effet de l’ECE sur l’Aβ a été démontré en culture de cellules CHO transfectées avec un vecteur codant cette enzyme. Il a été montré que le milieu de culture de ces cellules contient moins d’Aβ1-40 et d’Aβ1-42 que le milieu de culture de cellules CHO transfectées avec un vecteur vide (Eckman et al., 2001). Enfin, des souris dont le gène de l’ECE a été invalidé voient un accroissement notable de l’accumulation d’Aβ1-40 et d’Aβ1-42 par comparaison avec leur contrepartie sauvage (Pacheco-Quinto et al., 2016).

2.2.4.1.3. L’insulin degrading enzyme.

L’insulin degrading enzyme [IDE] ou insulinase est une protéase à thiol de 120 kDa de MM. Elle est ubiquiste. On la retrouve essentiellement dans le cytosol des cellules ou à l’intérieur des peroxysomes, contrairement à la NEP et à l’ECE. Il semble qu’elle reconnaisse ses substrats grâce à leur structure secondaire en feuillet β, structure que l’on retrouve chez l’insuline, le glucagon ou l’amyline.

L’IDE a d’abord été impliquée dans la dégradation d’Aβ synthétique in vitro par une préparation purifiée de cette protéase (Kurochkin and Goto, 1994). Puis il est montré que des extraits de cerveaux humains peuvent hydrolyser de l’Aβ synthétique, et que cette hydrolyse peut être empêchée si l’on ajoute à la préparation une quantité saturante d’insuline, ce qui permet de montrer que l’IDE est bien la responsable ; de plus l’hydrolyse est neutralisée par des Ac dirigés contre l’IDE (McDermott and Gibson, 1997). Des expériences analogues montrent que des extraits de cerveaux de patients atteints de MA hydrolysent beaucoup plus malaisément l’Aβ synthétique que des extraits de cerveaux sains, la diminution de l’activité hydrolytique pouvant atteindre 50 % (Pérez et al., 2000).

L’IDE participe à la dégradation de l’Aβ extracellulaire. Comme l’enzyme est essentiellement cytosolique, on suppose qu’il existe une sécrétion d’IDE responsable de cette dégradation (Vekrellis et al., 2000). Qu’en est-il alors de l’Aβ intracellulaire ? Il en existe deux fractions ; l’une est soluble et associée aux vésicules golgiennes ; l’autre est insoluble et associée aux membranes. Ces deux fractions sont hydrolysables par une enzyme sensible aux inhibiteurs de protéases à thiols, mais peu sensible au thiorphan et au phosphoramidon. La surexpression de l’IDE réduit dans les mêmes proportions les deux fractions. Mais, curieusement, la surexpression de NEP se traduit par une baisse de la fraction insoluble d’Aβ, associée aux membranes (Sudoh et al., 2002). Les auteurs de l’étude concluent que l’IDE est

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majoritairement impliquée dans la dégradation de l’Aβ intracellulaire soluble et insoluble, tandis que la NEP est impliquée principalement dans la dégradation de l’Aβ insoluble, ce qui est conforme à la localisation membranaire de l’enzyme, mais est moins classique puisqu’il est admis qu’elle dégrade surtout les peptides circulants. L’implication de l’IDE dans la MA a été confirmée par des études qui mettent en lumière le rôle aggravant du polymorphisme de l’IDE (forme IDE2, allèle c), mais dans le seul cadre d’une association avec le génotype APOE4, qui est lui-même un facteur prédisposant à la maladie (Bian et al., 2004).

L’expression de l’IDE baisse fortement au cours du vieillissement et son niveau d’expression est inversement corrélé au nombre de PS. (Caccamo et al., 2005), tout comme l’expression de la NEP.

2.2.4.1.4. L’angiotensin converting enzyme.

L’angiotensin converting enzyme [ACE] ou enzyme de conversion de l’angiotensine est capable de cliver l’Aβ humain entre les résidus 7 et 8 (Hu et al., 2001). L’adjonction d’ACE purifiée à de l’Aβ1-40 synthétique entraîne une diminution de la formation des fibrilles à un niveau identique à celle que l’on observe avec une préparation d’Aβ8-40, ou d’un mélange de fragments 1-7 et 8-40. Par ailleurs la dégradation de l’Aβ1-40 par l’ACE a pour effet d’en diminuer la toxicité.

Ces premiers résultats ont été à la fois confirmés et infirmés par une étude ultérieure (Sun et al., 2008). L’Aβ humain et l’Aβ murin (qui diffèrent l’un de l’autre par leurs résidus 5, 10 et 13) sont bien clivés par les formes humaine et murine d’ACE. Mais le clivage ne se fait pas entre les résidus 7 et 8. L’ACE humaine agit aux mêmes sites que l’ACE murine, tant sur l’Aβ humain que sur l’Aβ murin, mais l’ACE humaine est responsable de cinq clivages supplémentaires sur les deux espèces d’Aβ.

2.2.4.1.5. La membrane metallo-endopeptidase like

La membrane metallo-endopeptidase like [MMEL] est une protéine analogue à la NEP ; on l’appelle aussi NEP2. Il en existe chez la Souris deux isoformes engendrées par épissage alternatif du transcrit du gène Mmel : l’une, la MMEL-β est sécrétée et l’autre, la MMEL-α est liée à la membrane. L’isoforme α, tout comme la NEP, est sensible au thiorphan et au

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phosphoramidon et elle est capable de cliver l’Aβ (Shirotani et al., 2001). Le gène orthologue humain de Mmel est exprimé entre autres dans le cerveau : la MMEL humaine possède 77 % d’homologie avec la MMEL murine (Bonvouloir et al., 2001). Chez l’homme, il en existe trois isoformes, α, β et δ produites par épissage alternatif du transcrit codé par le gène MMEL. Seule l’isoforme β peut dégrader avec la même efficacité les Aβ1-40 et 1-42. Le site principal de clivage est situé entre les résidus 17 et 18 ; il en résulte la libération d’un fragment 1-17 et de la contrepartie 18-40 ou 18-42, selon le substrat. La MMEL peut aussi, mais dans une moindre mesure, cliver l’Aβ entre les résidus 16 et 17 (Huang et al., 2008).

2.2.4.1.6. La plasmine.

La plasmine fait partie de la cohorte des enzymes capables de dégrader l’Aβ. Elle est active aussi bien in vitro qu’in vivo. À l’image d’autres enzymes impliquées dans le catabolisme de l’Aβ, son immuno-réactivité et son activité sont diminuées dans le cerveau des patients souffrant de MA (Ledesma et al., 2003).

La plasmine a un fonctionnement particulier. Il semble qu’elle ne participe pas au maintien d’une faible concentration d’Aβ soluble dans un cadre physiologique, mais qu’elle intervienne plutôt dans un contexte pathologique en dégradant les agrégats. Ces derniers, du reste, sont capable d’activer la plasmine (Tucker et al., 2004). Des souris invalidées pour le gène de la plasmine ne présentent pas d’agrégats d’Aβ dans leur cerveau ce qui confirme l’intervention particulière de cette enzyme dans la dégradation du peptide (Tucker et al., 2004).

La Figure 6 résume et synthétise l’ensemble des données connues sur la dégradation protéolytique de l’Aβ.

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Figure 6 : Dégradation enzymatique du peptide amyloïde.

D’après (Wang et al., 2006).