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Relations entre syst`emes : ind´ependance, libert´e et P-libert´e

dimensionnelles du mouvement brownien unitaire convergent quand la dimension N des matrices augmente. Nous aimerions maintenant “recoller” les convergences des incr´ements afin d’obtenir une convergence de tout le mouvement brownien unitaire.

On appellera syst`eme de matrices al´eatoires index´e par un ensemble I, une suite de familles de matrices de la forme (FN)N2N, o`u FN est une famille de matrices

al´eatoires de tailles N index´ee par I. On notera souvent FN = MiN i2I, l’indice

N n’´etant pas une puissance mais un rappel de la dimension de la matrice. Un syst`eme de matrices al´eatoires converge en distribution non-commutative si pour tout polynˆome non-commutatif P en les variables (Xi)i2I,

E  1 NTr P (M N i )i2I

converge quand N tend vers l’infini, vers un nombre complexe que l’on notera ⌧F(P ). Il semble plus int´eressant de consid´erer la convergence en S-distribution(47)

o`u l’on consid`ere comme observables des produits de traces. Cette convergence, plus forte, est tr`es souvent v´erifi´ee par les syst`emes de matrices al´eatoires ´etudi´es. On dira donc qu’un syst`eme de matrices al´eatoires converge en S-distribution si pour tous polynˆomes non-commutatifs P1, ..., Pk en les variables (Xi)i2I,

E " k Y l=1 1 NTr Pl (M N i )i2I #

converge quand N tend vers l’infini, vers un nombre complexe que l’on notera ⌧F(P1, ..., Pk). Si un syst`eme de matrices al´eatoires converge en S-distribution, il

converge en distribution non-commutative mais il n’est pas g´en´eralement vrai que pour tous polynˆomes non-commutatifs P1, ..., Pk, en les variables (Xi)i2I,

F(P1, ..., Pk) est ´egal `aQkl=1⌧F(Pl). Si cette condition est v´erifi´ee alors le syst`eme

v´erifie la condition dite de S-factorisation asymptotique(48). Nous en reparlerons

plus tard, mais donnons un exemple simple o`u la condition de S-factorisation asymptotique n’est pas v´erifi´ee.

(47)Comme d´efini dans la D´efinition 2.2 du chapitre de th`ese “Matrices al´eatoires invariantes

par le groupe sym´etrique” [Matrices].

(48)Voir la d´efinition 2.3 de [Matrices] ; pour plus d’informations sur les cons´equences de la

Exemple 8.1. — Le syst`eme le plus simple de syst`eme de matrices index´e par I est donn´e par le syst`eme suivant. Consid´erons (Zi)i2I une famille de variables

al´eatoires quelconques, et consid´erons pour tout entier positif N et tout i 2 I,

MN

i = ZiIdN. Ce syst`eme de matrices converge en S-distribution quand N tend

vers l’infini. Par exemple : E  1 NTr M N i1M N i2 1 NTr(M N i1) =E[Zi1Zi2Zi1],

qui converge trivialement quand N tend vers l’infini. Cependant, il ne v´erifie pas la condition de S-factorisation asymptotique puisque :

⌧F(Xi1, Xi2) = E[Zi1Zi2]6= E[Zi1]E[Zi2] = ⌧F(Xi1)⌧F(Xi2).

LorsqueF est de la forme (MN)N2N, c’est-`a-dire quand l’ensemble I n’est qu’un

singleton, la convergence en distribution non-commutative deF est ´equivalente `a la convergence des observables E⇥1

NTr(M k)

k2N. D’apr`es la discussion que l’on

a eue dans la section 7.1, sous certaines hypoth`eses cela implique la convergence de la mesure empirique moyenne des valeurs propres. On peut donc consid´erer la convergence en distribution non-commutative ou en S-distribution comme une g´en´eralisation de la convergence en esp´erance de la mesure empirique des valeurs propres.

Revenons au mouvement brownien unitaire et au probl`eme de d´epart : ´etant donn´e F et F0 deux syst`emes de matrices al´eatoires qui convergent en distribu-

tion non-commutative, nous voulons savoir sous quelles conditions un couplage de ces deux syst`emes converge toujours en distribution non-commutative ou en S-distribution et comment calculer alors ⌧F[F0 en fonction de ⌧F et de ⌧F0. Ceci nous permettrait de“recoller” les convergences des incr´ements afin d’obtenir une convergence de tout le mouvement brownien unitaire.

Nous allons d´ebuter avec un rappel de l’ind´ependance, qui permet de r´epondre `a cette question lorsque l’on consid`ere des syst`emes de variables al´eatoires, c’est-`a- dire des familles de variables al´eatoires, au lieu de syst`emes de matrices al´eatoires.

8.1. Ind´ependance. —

8.1.1. D´efinition. — Un notion fondamentale en th´eorie des probabilit´es est la notion d’ind´ependance. Prenons deux exp´eriences X et Y `a valeurs born´ees, la propri´et´e d’ind´ependance nous dit simplement que la probabilit´e que la mesure X soit ´egale `a une certaine valeur ne d´epend pas de la valeur prise par la mesure Y . Math´ematiquement, cela se traduit par l’´egalit´e :

P[X 2 A | Y 2 B] = P[X 2 A],

pour tous ensembles mesurables A et B tels que P(Y 2 B) > 0.

Cette formulation est tr`es d´ependante de la notion de mesures de probabilit´es et, formul´ee de la sorte, il semble difficile de la g´en´eraliser dans des cadres plus

abstraits. Cependant toute la th´eorie des probabilit´es peut se formuler seule- ment en termes d’esp´erance, qui se trouve n’ˆetre qu’une forme lin´eaire positive v´erifiant le th´eor`eme de Beppo Levi. Ainsi ´etant donn´e une esp´erance E, c’est-`a- dire une mesure qui permet de calculer la moyenne de chaque observable, on peut reformuler la notion d’ind´ependance de la fa¸con suivante : pour toutes fonctions mesurables f et g born´ees,

E [f(X)g(Y )] = E [f(X)] E [g(Y )] , et plus g´en´eralement :

E [F (X, Y )] = E [FX(Y )] ,

o`u FX(y) = E[F (X, y)]. L’ind´ependance, lorsqu’elle est suppos´ee, permet ainsi

de connaˆıtre la loi du couple (X, Y ) connaissant la loi de X et la loi de Y . Cette notion se g´en´eralise `a des familles de variables al´eatoires, ce qui permet pour toutes familles F1 etF2 de variables al´eatoires d’avoir une notion d’ind´ependance

entreF1 et F2.

8.1.2. Cumulants classiques. — Si X et Y sont suppos´ees ind´ependantes, la co- variance de X et Y , d´efinie par E[XY ] E[X]E[Y ] est nulle. La nullit´e de la covariance n’implique pas en g´en´eral l’ind´ependance des variables X, Y . La no- tion de cumulants permet de g´en´eraliser la notion de covariance : la nullit´e des cumulants implique alors l’ind´ependance des variables al´eatoires. Pour simplifier l’expos´e, on supposera que X et Y sont des variables al´eatoires complexes born´ees. D´efinition 8.1. — Soient (Ui)ni=1 2 {X, Y }n. Pour toute partition V de

{1, ..., n}, on d´efinit l’observable : EV[U1, ..., Un] = Y V2V E " Y i2V Ui # . (16)

On notera P({1, ..., n}) l’ensemble des partitions de {1, ..., n}. Les cumulants classiques sont alors d´efinis par une relation de r´ecurence.

D´efinition 8.2. — Soient (Ui)ni=1 2 {X, Y }n. La famille des cumulants clas-

siques de degr´e n de U1, ..., Un est l’unique famille de nombres :

(V[U1, ..., Un])V2P({1,...,n})

telle que pour toute partition V 2 P({1, ..., n}), on ait : EV[U1, ..., Un] =

X

V0plus fine queV

V0[U1, ..., Un]. (17)

Calculons par exemple {1,2}[X, Y ]. Par d´efinition, on a : E{1,2}[X, Y ] = {1,2}[X, Y ] + {{1},{2}}[X, Y ],

d’o`u le fait que {1,2}[X, Y ] est la covariance de X et Y , ´egale `aE[XY ] E[X]E[Y ]. ´

Etant donn´e que EV a une forme multiplicative (16), on peut v´erifier que V a aussi forme multiplicative :

V = Y

V2V

V[(Ui)i2V].

(18)

Th´eor`eme 8.1. — Les variables X et Y sont ind´ependantes si et seulement si pour tout entier n, pour tout (U1, ..., Un)2 {X, Y }n tels qu’il existe i et j tels que

Ui = X et Uj = Y :

{1,...,n}(U1, ..., Un) = 0.

On dit alors que les cumulants mixtes de X et Y sont nuls.

Par exemple, supposons que les cumulants mixtes des deux variables born´ees

X et Y sont nuls. Montrer que pour toutes fonctions continues f et g,

E [f(X)g(Y )] = E [f(X)] E [g(Y )] revient `a montrer que pour tous entiers positifs n et m, E [XnYm] =E[Xn]E[Ym], ou encore :

E{{1,...,n+m}}[U1, ..., Un+m] =E{{1,.,n}}[X, ..., X]E{{1..,m}}[Y, ..., Y ] ,

o`u (U1, ..., Un+m) est le vecteur constitu´e de n occurrences successives de X suivi

de m occurrences successives de Y . Or, en utilisant la d´efinition des cumulants : E{{1,...,n+m}}[U1, ..., Un+m] =

X

V plus fine que {{1,...,n+m}}

V[U1, ..., Un+m] .

En r´ealit´e toute partition est plus fine que {{1, ..., n + m}}. En utilisant le fait que les cumulants crois´es sont nuls, les seules partitions qui apparaˆıtront dans la somme sont celles qui sont plus fines que {{1, ., n}, {n + 1.., n + m}}. On obtient donc :

E{{1,...,n+m}}[U1, ..., Un+m] =

X

V plus fine que {{1,.,n},{n+1..,n+m}}

V[U1, ..., Un+m] .

En utilisant alors la multiplicativit´e des cumulants donn´ee par (18) et en utilisant de nouveau la d´efinition des cumulants, on en d´eduit que :

E{{1,...,n+m}}[U1, ..., Un+m] =

X

V1plus fine que{{1,.,n}}

V2 plus fine que{{1..,m}}

V1[X, ..., X] V2[Y, ..., Y ]

=E{{1,.,n}}[X, ..., X]E{{1..,m}}[Y, ..., Y ] .

Ceci montre que la nullit´e des cumulants mixtes pour X et Y implique l’ind´ependance des deux variables. Il est `a noter que les cumulants sont aussi li´es au d´eveloppement en s´erie de la fonction logE⇥et1X+t2Y⇤ ce qui permettrait de montrer ce r´esultat d’une autre fa¸con. R´ecapitulons ce que nous avons vu :

1. nous avons d´efini une notion d’ind´ependance afin de calculer la loi jointe de deux variables al´eatoires connaissant la loi de chacune des deux variables al´eatoires,

2. les observables dans ce mod`ele ont pu ˆetre index´ees par un ensemble ordonn´e : les partitions munies de l’ordre dans lequel V0  V si et seulement si V0 est

plus fin que V0,

3. on a d´efini les cumulants comme une transformation triangulaire des observables :

EV =

X

V0VV0,

4. la notion d’ind´ependance est alors ´equivalente `a la nullit´e des cumulants mixtes. On peut donc la d´efinir non pas en utilisant l’´etape 1, mais en la d´efinissant directement comme ´etant la nullit´e des cumulants mixtes.

C’est en suivant ces ´etapes, en changeant la notion d’observables, l’ensemble or- donn´e ainsi que l’ordre lui mˆeme, que l’on d´efinira d’autres notions d’ind´ependance. 8.2. Libert´e. —

8.2.1. D´efinition. — L’ind´ependance est une condition qui permet de connaˆıtre la distribution globale d’un syst`eme de variables al´eatoires connaissant la distribu- tion des familles ind´ependantes qui le composent. Cependant, cette notion n’est pas adapt´ee pour les syst`emes de matrices al´eatoires : pour ces syst`emes nous allons introduire la notion de libert´e au sens de Voiculescu.

Consid´erons A et B deux syst`emes de matrices de la forme (AN)N2Net (BN)N2N.

Un couplage naturel entre les deux syst`emes de matrices est de supposer que pour tout entier positif N , AN est ind´ependant de BN, dans le sens o`u la famille des

coefficients de AN est ind´ependante de celle des coefficients de BN. Ce cou-

plage assure-t-il la convergence en distribution non-commutative de (AN)N2N et

(BN)N2N? Si oui, comment d´eterminer la distribution non-commutative ⌧A,B con-

naissant ⌧A et ⌧B ? On supposera par la suite que les deux syst`emes de matrices

sont coupl´es de la sorte.

Le fait que l’ind´ependance ne soit pas la bonne notion pour ces syst`emes de matrices provient du fait que les observables ne sont plus de la forme E[•] mais de la forme E [Tr(•)], ainsi que le fait que les matrices ne commutent pas, ce qui leur conf`ere un autre comportement. Ainsi pour tout entier positif N ,

E[Tr(ANBN)]6= E[Tr(AN)]E[Tr(BN)].

En r´ealit´e, `a la limite, l’´egalit´e pr´ec´edente est v´erifi´ee. Cependant, on peut montrer que E⇥1

NTr(ANBNANBN)

converge quand N tend vers l’infini et que de plus : ⌧{A,B}(X1X2X1X2)6= ⌧A X2 ⌧B X2 ,

´egalit´e dans laquelle nous avons suppos´e que le syst`eme A est index´e par 1 et le syst`eme B par 2 dans le syst`eme {A, B} := ({AN, BN})N2N. On voit alors que

la propri´et´e d’ind´ependance n’est pas adapt´ee `a la description de la distribution non-commutative du syst`eme {A, B} : c’est en r´ealit´e la notion de libert´e qui est importante dans ce cadre, et qui s’applique si l’un des syst`emes est invariant par conjugaison en loi par le groupe unitaire.

Th´eor`eme 8.2 (Libert´e asymptotique de syst`emes ind´ependants et in- variants par le groupe unitaire(50))

Si un des deux syst`emes est invariant par conjugaison par le groupe unitaire, c’est-`a-dire si par exemple pour tout entier positif N , pour tout U 2 U(N), les matrices AN et U ANU 1 ont mˆeme loi, et si les deux syst`emes convergent en

S-distribution et v´erifient la propri´et´e de S-factorisation asymptotique alors le syst`eme {A, B} converge en distribution non-commutative et le syst`eme {A, B} v´erifie la propri´et´e de S-factorisation asymptotique. De plus A et B sont asymp- totiquements libres au sens de Voiculescu, c’est-`a-dire que pour tous polynˆomes PA

1 , ..., PkA, Pk+1A P1B, ..., PkB, si pour tout i2 {1, ..., k + 1}, ⌧M[PiA] = 0 et si pour

tout i2 {1, ..., k}, ⌧M[PiB] = 0, alors : ⌧{A,B}⇥PA 1 (X1)P1B(X2)...PkA(X1)PkB(X2) ⇤ = 0, ⌧{A,B}⇥P1A(X1)P1B(X2)...PkA(X1)PkB(X2)Pk+1A (X1) ⇤ = 0.

Ainsi tout produit altern´e de polynˆomes en A et B a une moyenne nulle si tant est que les polynˆomes eux-mˆemes ont une moyenne nulle. La relation de libert´e asymptotique (ou libert´e tout court) permet donc de retrouver la distribution non-commutative ⌧{A,B} connaissant ⌧A et ⌧B puisque pour tous polynˆomes P1A,

..., PA k, P1B, ..., PkB, ⌧{A,B} " k Y i=1 PiA(X1) ⌧A[PiA] PiB(X2) ⌧A[PiB] # = 0.

En d´eveloppant l’expression pr´ec´edente, on obtient une relation de r´ecurrence qui permet alors de calculer, par r´ecurrence sur le nombre de polynˆomes, la valeur de ⌧{A,B}⇥PA

1 (X1)P1B(X2)...PkA(X1)PkA(X2)

. Ainsi, pour tous polynˆomes PA

1 et P2B, ⌧{A,B}⇥ PA 1 (X1) ⌧A ⇥ PA 1 ⇤ PB 2 (X2) ⌧A ⇥ PA 2 ⇤ ⇤ = 0 permet d’´etablir l’´egalit´e :

⌧{A,B}⇥P1A(X1)P1B(X2) ⇤ = ⌧A ⇥ P1A ⇤ ⌧B ⇥ P1B ⇤ .

(50)Pour des r´ef´erences, voir [6], [5], [9], [10]. L’appendice de T. L´evy dans [20] permet d’avoir

un aper¸cu clair et rapide des preuves et des concepts sous-jacents. Le th´eor`eme 7.10 de [Matri- ces] g´en´eralise ce th´eor`eme et sa courte preuve utilise les cumulants fini-dimensionels que l’on introduira par la suite.

En utilisant cette derni`ere ´egalit´e, on peut calculer alors ⌧{A,B}(X1X2X1X2). Vu

que :

{A,B}((X1 ⌧A(X))(X2 ⌧B(X))(X1 ⌧A(X))(X2 ⌧B(X)) = 0,

en d´eveloppant, on obtient :

{A,B}(X1X2X1X2) = ⌧A(X2)⌧B(X)2+ ⌧A(X)2⌧B(X2) ⌧A(X)2⌧B(X)2,

qui est bien di↵´erent de ⌧A(X2) ⌧B(X2) en g´en´eral comme vu pr´ec´edemment dans

l’´equation (19).

Remarque 8.1. — Remarquons que le th´eor`eme 8.2 n´ecessite la propri´et´e de S-factorisation asymptotique. Prenons le cas des syst`emes (AN = IdN)N2N et

(BN = IdN)N2N invariants par conjugaison par le groupe sym´etrique. Nous avons

vu dans l’exemple 8.1 que les syst`emes A et B convergent en S-distribution mais aucun ne satisfait la propri´et´e de S-factorisation asymptotique : le th´eor`eme pr´ec´edent ne peut pas s’appliquer. Cependant il est ´evident que le syst`eme {A, B} converge en S-distribution.

C’est pourquoi, pour pallier ce fait ´etrange, dans le chapitre de th`ese d´enomm´e “Matrices al´eatoires invariantes par le groupe sym´etrique”, on d´efinit une no- tion de S-libert´e(51) qui se r´eduit `a la libert´e de Voiculescu dans le cas o`u les

syst`emes consid´er´es satisfont la propri´et´e de S-factorisation asymptotique. On montre alors(52) que le th´eor`eme pr´ec´edent reste valide si on enl`eve l’hypoth`ese de

S-factorisation asymptotique tout en rempla¸cant la libert´e au sens de Voiculescu par la S-libert´e. Ainsi, si deux variables al´eatoires X et Y sont ind´ependantes, les deux syst`emes de matrices al´eatoires (XIdN)N2N et (Y IdN)N2N sont S-libres.

La notion de libert´e permet donc sous certaines hypoth`eses sur le couplage, de calculer la distribution jointe de deux syst`emes de matrices al´eatoires connaissant la distribution de chacune. Pour continuer le programme esquiss´e dans la section traitant de l’ind´ependance, il nous faut indexer les observables par un ensemble ordonn´e.

8.2.2. Partitions non-crois´ees et cumulants libres. — La vision combinatoire de la libert´e, ´elabor´ee par R. Speicher, utilise comme ensemble d’indexation les par- titions non-crois´ees(53). Nous verrons par la suite que l’on peut aussi indexer les

observables par l’ensemble des permutations, mais dans cette section nous nous concentrerons sur les partitions non-crois´ees.

Consid´erons k un entier strictement positif. Nous avions not´e P ({1, ..., k}) l’ensemble des partitions de {1, ..., k}. Notons alors NC(k) l’ensemble des parti- tions non-crois´ees de P ({1, ..., k}), c’est-`a-dire l’ensemble des partitions V dans

(51)Voir la d´efinition 7.1 de [Matrices].

(52)En consid´erant, dans le th´eor`eme 7.10 de [Matrices], le cas o`u A = S et G = U . (53)Voir le livre [28] tr`es complet ´ecrit par R. Speicher et A. Nica.

P ({1, ..., k}) telles que pour tout 1  i1 < i2 < i3 < i4  k, i1, i3 ne peut pas

ˆetre inclus dans le mˆeme bloc si i2 et i4 le sont, et vice-versa. Dessinons une

partition p 2 P ({1, ..., k}) en dessinant k points align´es et en reliant les points de chaque bloc dans l’ordre croissant. Alors, une partition non crois´ee est une partition qui, lorsqu’on la dessine, ne poss`ede aucun croisement, d’o`u le nom de partitions non-crois´ees. Un exemple est dessin´e dans la figure 11.

Figure 11. Une partition `a gauche et une partition non crois´ee `a droite

´

Etant donn´e que l’ensemble des partitions non-crois´ees est inclus dans l’ensemble des partitions, on peut restreindre `a NC(k) la relation de plus grande finesse.

Il nous faut maintenant associer `a toute partition non crois´ee une observable : de nouveau, vu que NC(k)⇢ Pk, il existe un candidat tout naturel donn´e par la

d´efinition suivante qui s’inspire de la d´efinition 8.1. Pour simplifier les notations, nous notons ⌧ [P (A, B)] l’observable ⌧{A,B}[P (X1, X2)].

D´efinition 8.3. — Soient (Ui)ni=1 2 {A, B}n. Pour toute partition non crois´ee

V 2 NC(k), on d´efinit l’observable : ⌧V[U1, ..., Un] = Y V2V ⌧ " Y i2V Ui # , (20)

o`u le produit des Ui est pris dans l’ordre croissant.

Par exemple :

{{1,2},{3}}[A, B, A] = ⌧ [AB]⌧ [A].

Les cumulants alors sont d´efinis de la mˆeme fa¸con que dans le cas classique. D´efinition 8.4. — Soient (Ui)ni=1 2 {X, Y }n. La famille des cumulants libres

de degr´e n de U1, ..., Un est donn´ee par l’unique famille de nombres

(V[U1, ..., Un])V2NCn

telle que pour toute partition V 2 NCn on ait

V[U1, ..., Un] =

X

V02NC(n)

V0 plus fine queV

´

Etant donn´e que ⌧V a une forme multiplicative (20), on peut v´erifier que nc V a

ausis une forme multiplicative :

V = Y

V2V

ncV [(Ui)i2V].

(21)

R. Speicher a montr´e que la libert´e au sens de Voiculescu est ´equivalente `a la nullit´e des cumulants libres mixtes.

Th´eor`eme 8.3. — Consid´erons un syst`eme de matrices al´eatoires de la forme (AN, BN)N2N qui converge en distribution non-commutative et qui v´erifie la pro-

pri´et´e de S-factorisation asymptotique.

Les syst`emes de matrices (AN)N2N et (BN)N2N sont libres au sens de Voiculescu

si et seulement si pour tout entier n, pour tout (U1, ..., Un) 2 {A, B}n tels qu’il

existe i et j tels que Ui = X et Uj = Y :

nc{1,...,n}(U1, ..., Un) = 0.

On dit alors que les cumulants mixtes non commutatifs sont nuls.

On peut ainsi d´efinir la libert´e au sens de Voiculescu seulement en termes de cumulants libres.

8.2.3. Convergence des mouvements browniens. — Nous avons vu que les marginales unidimensionnelles du mouvement brownien unitaire convergent en distribution non-commutative quand la dimension N des matrices aug- mente. Ainsi par stationnarit´e des incr´ements, pour tous t1 < t2 l’incr´ement

sur l’intervalle [t1, t2] converge en distribution. Les incr´ements du mouvement

brownien unitaire sont invariants par conjugaison par le groupe unitaire puisque le processus lui-mˆeme est invariant par conjugaison par le groupe unitaire. De plus, en consid´erant la forme multiplicative de la limite dans le th´eor`eme 7.5, la propri´et´e de S-factorisation asymptotique est v´erifi´ee par les incr´ements. En utilisant le th´eor`eme 8.2, et sa g´en´eralisation `a une famille de syst`emes de matri- ces al´eatoires, on en d´eduit la convergence en distribution non-commutative du mouvement brownien unitaire. Les mˆemes arguments s’appliquent au mouvement brownien hermitien.

Th´eor`eme 8.4. — Pour tout entier positif N , consid´erons HN

t t 0 et U N t t 0

deux mouvements browniens respectivement hermitien et unitaire de taille N . Les syst`emes de matrices ⇣ HN t t 0 ⌘ N2N et ⇣ UN t t 0 ⌘ N2N convergent en distribution

et satisfont la propri´et´e de S-factorisation asymptotique.

En r´ealit´e, on peut montrer que la convergence a lieu dans en probabilit´e : pour cela il suffit de montrer que les syst`emes de matrices⇣ HN

t t 0[ (H N t )⇤ t 0

et⇣ UN

t t 0[ (U N t )⇤ t 0

N2N convergent en distribution et satisfont la propri´et´e

de S-factorisation asymptotique.

8.3. Les ensembles ordonn´es. — `A la base des th´eories consid´er´ees on

retrouve un ensemble ordonn´e. Nous allons dans la section suivante rappeler des bases simples mais importantes sur ces objects. Un ensemble ordonn´e est la donnn´ee d’un ensemble E muni d’une relation d’ordre qui permet de comparer deux ´el´ements de E. Cette relation d’ordre v´erifie trois axiomes, la r´eflexivit´e, l’antisym´etrie et la transitivit´e.

Ainsi, l’ensemble des partitions P({1, ..., n}) ou l’ensemble des partitions non- crois´ees, lorsque munis de la relation de plus grande finesse, sont des ensembles ordonn´es. Il existe au moins deux fa¸cons de repr´esenter un ensemble ordonn´e que nous allons exposer par la suite : le diagramme de Hasse et la matrice d’ordre. 8.3.1. Le diagramme de Hasse. — C’est un graphe dont les sommets repr´esentent chacun un ´el´ement di↵´erent de E. Il existe alors une arˆete orient´ee du sommet repr´esentant x `a celui repr´esentant y 6= x si et seulement si x est directement plus petit que y, c’est-`a-dire si x y et il n’existe pas d’autre ´el´ement z tel que x z  y. Par exemple, un diagramme de Hasse de P({1, 2, 3}) est donn´e par la figure 12.

Figure 12. Diagramme de Hasse de P({1, 2, 3})

8.3.2. La matrice d’ordre. — Il existe une autre repr´esentation tout aussi int´eressante d’un ensemble ordonn´e (E,) : la matrice d’ordre. Il est souvent coutume d’appeler matrice (finie) r´eelle un ensemble de nombres r´eels Mi,j index´es

par un indice i appartenant `a {1, ..., n} et un indice j appartenant `a {1, ..., m}. Malheureusement cette vision est trop ´etroite. Une matrice r´eelle est la donn´ee de deux ensembles finis d’indexations I et J et d’une application I⇥ J dans R, I est