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L’évolution de la résistance mécanique lors du durcissement structural peut être quantifiée, en partant de la solution solide jusqu’aux précipités.

Contribution de la solution solide à la limite

d’élasticité

La présence d’une solution solide, et donc d’atomes étrangers dans la matrice, provoque des distorsions dans le réseau. Le durcissement par solution solide peut s’exprimer selon différents effets : l’effet de taille, l’effet d’ordre à courte distance et l’effet de module. Dans cette étude, nous utiliserons la formule donnée par Starink [93], Deschamps [55] et Myhr [94], également utilisée classiquement dans la littérature [95–99] :

𝜎

𝑆𝑆

= ∑ 𝐾

𝑖

𝑖

. 𝐶

𝑖2/3 (1.18)

où 𝐶𝑖 est la concentration de l’élément 𝑖 dans l’alliage en %pds, et 𝐾𝑖 est une constante de durcissement liée à l’élément 𝑖. Cette constante est définie comme étant 𝐾𝑀𝑔= 20,481 𝑀𝑃𝑎, 𝐾𝑍𝑛= 3,085 𝑀𝑃𝑎 et 𝐾𝐶𝑢 = 12,431 𝑀𝑃𝑎 pour le magnésium, zinc et cuivre composant les alliages 7### par Dixit, Mishra et Shankaran [100]. Un facteur global 𝐾𝑠𝑠 est parfois utilisé, les concentrations atomique sont alors sommées, il vaut 840 MPa dans le cas des alliages Al-Zn-Mg [101].

À noter également les travaux de Mahon et Marshall [102] qui ont étudié l’effet d’éléments en solution solide, tel que le Fe, Cu, Mn, Ti et Si, notamment sur des alliages binaires comme le montre la Figure 1. 15.

Figure 1. 15 : Effet de différents solutés sur (a) la résistance à la traction (Rm = UTS) et sur (b) limite d’élasticité à 0,2% pour des alliages d’aluminium binaires.

La contribution à la résistance de la solution solide va ensuite diminuer lors d’un durcissement structural car une partie des atomes de solutés va former des amas puis des précipités qui ont une contribution différente de la solution solide.

Durcissement structural

Les précipités peuvent interagir de différentes façons avec les dislocations selon leur taille, leur densité numérique et leur type de cohérence à la matrice comme expliqué dans la partie I.A.1.

Ce durcissement par précipitation a d’abord été découvert grâce à Wilm [103] par l’observation d’une augmentation, avec le temps, de la dureté d’un alliage d’aluminium contenant du cuivre, du magnésium, du silicium et du fer stocké à température ambiante. C’est Merica et al. [104] qui relie ensuite la précipitation au durcissement, cependant ce n’est qu’en 1934 que la notion de dislocations est introduite par Orowan [105], Taylor [106] et Polanyi [107] suivis de Mott et Nabarro [108]. En 1948, l’équation d’Orowan relie la limite élastique d’un alliage contenant des particules au module de cisaillement des dislocations 𝜇 et à l’espacement moyen entre particules [6]. Cette équation sera ensuite modifiée par Kocks [5,109] par l’augmentation de 15% de la distance inter-précipités le long de la dislocation (car il a démontré que la dislocation n’est pas parfaitement flexible), la contribution des particules contournables par les dislocations s’exprime alors par :

𝜎

𝑝/𝑐𝑜𝑛

= 0.6𝑀

𝑇

µ𝑏√𝑓

𝑣

𝑅

(1.19)

où 𝑀𝑇est le facteur de Taylor, 𝜇 le module de cisaillement, 𝑏 le vecteur de Burgers, 𝑓𝑣 la fraction volumique de précipités et 𝑅 le rayon moyen des précipités. Lorsque les précipités ne sont pas sphériques il est nécessaire d’estimer L la distance moyenne entre précipités et d’en déduire le durcissement par une formule du type 𝜇𝑏

Cependant lorsque la taille des précipités est inférieure au rayon critique 𝑅𝑐 , il est plus aisé pour les dislocations de les cisailler (I.A.1). La limite d’élasticité est alors supérieure à celle du contournement (

𝜎

𝑝/𝑐𝑜𝑛) et peut s’exprimer par :

𝜎

𝑝/𝑐𝑖

= √

3

4𝜋𝛽

𝑘𝑝3/2𝑀𝜇

√𝑏

(𝑓

𝑣

𝑅)

1/2 (1.20)

(𝛽 = 0,43 et 𝑘𝑝 = 0,07 [101]) si l’on considère que la force de l’obstacle est proportionnelle au rayon du précipité (𝐹𝑚 = 𝛼 𝜇 𝑅 𝑏), que la répartition de ces précipités est aléatoire [2–5,101] et que la tension de la ligne de dislocation vaut environ 1

2𝜇𝑏2.

Enfin, le maximum de durcissement atteignable par les précipités est donné par [8] :

𝜎

𝑝/𝑚𝑎𝑥

= 0,66 𝛼 𝜇 𝑓

𝑣1/2 (1.21)

Même si les précipités et la solution solide permettent une augmentation de la limite d’élasticité, les contributions ne se limitent cependant pas aux éléments étrangers à la matrice. La taille des grains et la densité de dislocations y contribuent également.

Contribution de la taille de grains à la limite

d’élasticité

La taille de grains est un des facteurs les plus importants. En effet, les joints de grains sont des obstacles difficiles à traverser pour les dislocations. Une relation permet de lier la taille des grains à la limite d’élasticité grâce aux travaux de Hall et Petch [110,111] :

𝜎

𝐺𝐵

= 𝜎

0

+

𝑘

√𝐷 (1.22)

Où 𝜎0 est le frottement du réseau cristallin (10MPa pour Al), k est une constante et D est la taille moyenne des grains. Cette relation montre que, plus la taille de grains est petite, et plus la contribution des joints de grains à la limite élastique est importante. De nombreuses études ont été menées pour vérifier le domaine de validité de cette relation et en particulier les limites pour les tailles de grains nanométriques. La constante k dépend du matériau, elle est relativement faible pour l’aluminium et vaut 0,04 MPa√𝑚 [112,113], 0,16 MPa√𝑚 pour le nickel [114] et 0,14 MPa√𝑚 pour le cuivre [115,116].

Cependant certains travaux ont montré que, pour un même matériau, la valeur de k pouvait varier, un exemple est présenté dans la Figure 1. 16 (a). Dans cet exemple c’est le procédé d’affinement des grains qui semble être à l’origine du changement du facteur k apparent. Le laminage du nickel à surement introduit des dislocations, des sous joints de grains, de la texture et une morphologie particulière des grains dans la microstructure contribuant eux-aussi à l’augmentation de la limite élastique.

Une autre limite à cette formule est présentée dans la Figure 1. 16 (b), c’est la taille des grains. En effet à partir d’une certaine taille de grain (∅ < 100𝑛𝑚), les mécanismes changent [117] et on observe une saturation de l’effet de durcissement.

Figure 1. 16 : (a) Relation entre la contrainte d’écoulement et la taille de grain à température ambiante pour un Ni polycristallin [114] et pour un Ni laminé à froid [118], l’espace entre les joints de grain correspondant à la taille de grain pour le Ni polycrsitallin et à l’espace entres des lignes aléatoires pour le Ni laminé à froid [117]. (b) Schémas de la variation de la limite d’élasticité en fonction de la taille de grain pour les alliages et métaux micro-cristallins (>1µm),

cristallins ultrafins (100nm-1000nm) et nanocristallins (<100nm).

De même que pour le nickel, il a été montré que le facteur k de l’aluminium peut varier en fonction de la taille de grains mais également en fonction du procédé d’affinement de la taille de grains et des éléments d’alliages. Les facteurs k mesurés dans différents travaux sont répertoriés dans le Tableau 1. 3 ci-dessous :

Materials k (𝑴𝑷𝒂 √𝒎) σ0 (MPa) Reference

Nanocristalline Al 0,06 30 [119]

Dispersion strengthened (Ni, Fe) Al 0,07 15,7 [120]

Cryomilled Al 0,09 250 [121]

Cryomilled AA 5083 0,28 375 [122]

Bulk Al-4Cu 0,13 170

[123] Bulk Al-4Cu (only grain size) 0,08 17

Bulk Al-4Cu, SQ Al-4Cu and NC Al (only grain size) 0,08 29

Tableau 1. 3 : Récapitulatif des constantes utilisées dans la relation de Hall et Petch pour différents alliages d’aluminium [123].

Écrouissage

La contribution des dislocations à la limite d’élasticité, si elles sont distribuées de manière homogène, est fonction de leur densité 𝜌 mais également de 𝑀𝑇 le facteur de Taylor, χ une constante liée à la cristallographie du matériau, 𝐺 le module de cisaillement et 𝑏 le vecteur de Burgers, d’après Taylor, Ashby, Bailey et Hirsch [124–126] :

𝜎

𝑑𝑖𝑠

= 𝑀

𝑇

𝜒𝐺𝑏𝜌

12 (1.23)

Les travaux de Starink [127] ont montré qu’il existait une relation entre la densité de dislocations et la taille de grains. En effet, si le travail mécanique (celui non dissipé sous forme de chaleur) de la déformation est traduit en énergie créant et étant stockée dans les défauts (dislocations et joints de grains, si celle des mâcles, des lacunes et des fractures sont négligeables) alors, un état d’équilibre peut être atteint, où la densité de défauts est stable. Le modèle de Starink montre qu’il y a alors une forte corrélation entre la densité de dislocations et la taille de grains, cependant seulement pour les matériaux fortement déformés et purs. Cette étude montre que la contribution à la résistance des dislocations est une fonction linéaire de la racine carrée de la taille de grains.

Addition des contributions à la limite d’élasticité

Figure 1. 17 : Comparaison des microduretés obtenues par addition des différentes contributions à partir de l’observation de la microstructure et par mesures expérimentales sur un alliage Al-Zn-Mg-Cu déformé par High

Pressure Torsion (HPT). Par Yidong Zhang [128]

Généralement, les différentes contributions au durcissement sont simplement additionnées, un exemple est donné avec la Figure 1. 17, mais il a été montré que lorsque plusieurs paramètres contribuent au durcissement, une simple additivité ne peut pas toujours être considérée.

L’addition linéaire a d’abord été proposée par Kocks, Argon, Ashby et Ardell [129,130] pour des contributions qui s’opèrent à des échelles différentes, d’au moins un ordre de grandeur :

𝜎

𝑡𝑜𝑡

= ∑ 𝜎

𝑖

𝑖

(1.24) Celle-ci s’applique, par exemple, pour additionner les contributions de la solution solide et des joints de grains.

Mais lorsque la différence entre les échelles est réduite comme entre les précipités et les dislocations, et que les forces d’obstacles de ces contributions sont similaires mais avec des densités différentes, la statistique de Friedel conduit à additionner les contraintes au carré [131] :

𝜎

𝑡𝑜𝑡

= √𝜎

12

+ 𝜎

22 (1.25)

Si la différence entre les échelles, les densités et les forces d’obstacles est très réduite entre deux contributions, on obtient alors une additivité en puissance selon les travaux de Labusch [132]:

𝜎

𝑡𝑜𝑡

= (𝜎

1 3 2

+ 𝜎

2 3 2

)

2 3 (1.26)

Ces différentes façons d’additionner les contributions à la limite d’élasticité ont donné naissance à différents modèles de durcissement, notamment celui utilisé par Deschamps [101] :

𝜎

𝑡𝑜𝑡

= 𝜎

𝐺𝐵

+ 𝜎

𝑆𝑆

+ √𝜎

𝑑𝑖𝑠2

+ 𝜎

𝑝2 (1.27)

avec 𝜎0 la contribution correspondant aux frottements du réseau et donc dépendant du type de matériau. Il additionne trois composantes aux durcissements d’échelles différentes, la troisième composante prenant en compte la contribution des dislocations et des précipités comme calculé dans l’équation (1.25).

Ces modèles permettent alors de déterminer les paramètres contrôlent la résistance des matériaux à partir de l’étude de leur microstructure et des mesures expérimentales. Cependant certains problèmes ne sont pas traités ici, comme l’influence de la distribution en tailles d’une famille d’obstacle ou l’hétérogénéité de leur distribution (la précipitation hétérogène par exemple).

IV. Déformation plastique intense (severe plastic