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Chapitre 3 : Fragmentation des particules et épinglage de Zener

II. Influence de la déformation sur la microstructure

Taille de grains en fonction du taux de déformation

Des grains ultrafins avec une taille moyenne inférieure au micromètre sont clairement mis en évidence sur les cartographies d’orientation ASTAR (Figure 3. 3(a), (b) et (c)).

Figure 3. 3 : Cartographies d’orientation ASTAR pour les échantillons déformés à (a) γ ≈ 200, (b) γ ≈ 2000 et (c) γ ≈ 22000. (d) Distribution de la taille des grains en fonction du taux de déformation.

Après γ ≈ 200 par HPT la taille de grains atteinte est déjà submicrométrique (305±45nm) ce qui est en accord avec les travaux de la littérature sur des alliages similaires [7,8], mais significativement inférieur à la taille moyenne obtenue sur de l’aluminium pur à des taux de déformation similaires (800nm) [3]. Ceci s’explique par la présence d’une seconde phase pouvant induire une contrainte locale supérieure près des particules et ainsi aider à l’affinement de la taille de grains [9]. Elle continue de décroitre pour γ ≈ 2000 pour atteindre une taille moyenne de 154±16nm. Après une déformation à γ ≈ 22000, la taille de grains (142±40nm) n’a pas beaucoup évolué par rapport à l’échantillon déformé à 100 tours, cependant un changement significatif de leur morphologie apparait clairement. Les grains deviennent allongés avec un rapport d’aspect compris entre 3 et 4. Les distributions de taille de grains sont représentées et comparées dans la Figure 3. 3(d).

Influence de la déformation plastique intense sur les

particules intermétalliques

Fragmentation des particules intermétalliques

Les images en STEM-HAADF de la Figure 3. 4 permettent d’observer l’impact de la déformation sur les particules intermétalliques Al6Fe.

Figure 3. 4 : Images STEM-DF (a, b, c) et STEM-HAADF (d, e, f, g, h, i) des échantillons après déformation par HPT avec γ ≈ 200 (a, d, g), γ ≈ 2000 (b, e, h) et γ ≈ 22000 (c, f, i).

Après γ ≈ 200, les particules passent d’une taille moyenne de 240 nm (brut de coulée) à 130nm : Figure 3. 4(d)), et aucune particule allongée comme dans la Figure 2. 2(b) (page 66 du chapitre 2) n’est retrouvée. La structure eutectique initiale est donc complètement transformée en une microstructure à grains ultrafins (UFG) équiaxe.

À plus fort grandissement, la fragmentation des particules est observable (flèches sur la Figure 3. 4(g)). Les particules allongées dans l’état brut de coulée se sont toutes fragmentées, ne laissant que des particules équiaxes. Après γ ≈ 2000 (Figure 3. 4(e)), nombre de ces particules se retrouvent elles-mêmes fragmentées augmentant alors leur densité numérique (Figure 3. 4(h)). La taille moyenne des particules atteint alors 70nm mais leur distribution dans la matrice reste très inhomogène. Après γ ≈ 22000, quasiment toutes les particules de départ sont fragmentées, la taille moyenne atteinte est alors de 40nm. De plus leur distribution est homogène dans la matrice (Figure 3. 4(i, f)).

L’évolution de la distribution de taille des particules et de la fraction volumique relative mesurée grâce aux images STEM-HAADF et présentée en Figure 3. 5. Ceux-ci montrent qu’une déformation élevée (ici γ=22000) est nécessaire afin d’obtenir une fragmentation des particules intermétalliques sous forme nanométrique avec une distribution homogène dans la matrice.

Figure 3. 5 : Distributions de (a) la taille des particules et (b) la fraction volumique des particules après γ ≈ 200, γ ≈ 2000 et γ ≈ 22000 par HPT.

L’identification de clichés de diffraction en MET ainsi que des analyses EDS sur de nombreuses particules fragmentées ont permis de montrer que la déformation n’induit pas de changement de phase et que leur structure est toujours Al6Fe.

La mesure de la fraction volumique des particules intermétalliques à partir des images STEM-HAADF a seulement pu être effectuée pour l’échantillon déformé à γ ≈ 22000 (seul état où elles sont réparties de façon homogène dans la matrice). En supposant que les particules sont sphériques et en utilisant la distribution de taille de la Figure 3. 5(a), la fraction volumique d’intermétalliques Al6Fe est estimée entre 1,43 et 3,34% (pour des épaisseurs de lames MET comprises entre 30 et 70nm). Cette fraction est significativement inférieure à celle de l’échantillon brut de coulée : 7,14±0,51%. Ceci suggère une dissolution partielle des particules intermétalliques induite par la déformation (cf. Chapitre 1). Notons cependant qu’aucun contraste pouvant être attribué à la ségrégation du fer au niveau des joints de grains sur les images STEM-HAADF n’a pu être observé. Ceci suggère donc la formation d’une solution solide sursaturée de fer.

Dissolution des particules intermétalliques lors de la

déformation intense

Il a en effet été suggéré, sur la base de données DRX, que dans les alliages Al-Fe, les particules intermétalliques pouvaient se dissoudre pendant la déformation plastique intense et créer une solution solide sursaturée [7,10–16]. Notons que la solubilité du fer dans l’aluminium étant extrêmement faible (entre 0,025 et 0,052 %at. pour des températures de 655 à 660°C [17–19]). Des analyses en SAT ont été effectuées afin de révéler la distribution des atomes de fer dans l’échantillon après déformation (γ ≈ 22000 par HPT) : un des volumes analysés est présenté sur la Figure 3. 6. Il montre plusieurs particules riches en fer (Figure 3. 6 (1, 2, 3, 4, 5)) et une ségrégation le long d’une ligne (Figure 3. 6, flèches).

Figure 3. 6 : (a) Reconstruction d'un volume 3D (67*64*165 nm3) analysé par SAT d’un échantillon déformé à γ ≈ 22000. (b) Même volume tourné de 90° le long de l’axe vertical. Les données ont été filtrées (Chapitre 2) afin de faire ressortir cinq particules riches en fer (1, 2, 3, 4, 5) et une ségrégation de fer le long d’une ligne (flèches). L’aluminium

est représenté en bleu.

La concentration moyenne en fer des cinq particules de la Figure 3. 6 est de 12,30 ± 0,14 %at., proche de la stœchiométrie de la phase Al6Fe. Le filtrage a également permis de mettre en évidence un enrichissement local en fer le long d’une ligne. Il pourrait s’agir d’une ségrégation de fer le long d’une dislocation.

La concentration en fer dans la matrice (hors particules et ségrégation) a été mesurée dans plusieurs zones, elle est comprise entre 0,62 et 0,82 %at., ce qui est dix fois supérieur à la solubilité d’équilibre à 660°C. Ces mesures semblent donc confirmer la dissolution partielle de la phase Al6Fe lors de la déformation intense. Cette mesure est comparée aux analyses des images MET (avec l’hypothèse que l’épaisseur de la lame MET fait entre 30 et 70nm). La fraction volumique estimée de la phase Al6Fe après γ ≈ 22000 par HPT va de 1,43% à 3,34%, elle est donc inférieure à celle de l’alliage brut de coulé qui est de 7,14±0,51%. Par conséquent, une fraction de 4,75±1,47% de particules Al6Fe est dissoute dans la matrice correspondant à une concentration de fer en solution solide de 0,47 à 0,89%at. Cette concentration est proche de celle trouvée en SAT.

Afin d’essayer de mettre en relation le taux de particules dissoutes avec le taux de déformation, les échantillons déformés à γ ≈ 200 et γ ≈ 2000 ont également été analysés. Cependant, très peu de volumes ont été obtenus et l’hétérogénéité de la microstructure à ces étapes rendent les résultats peu fiables statistiquement. Néanmoins la concentration en fer obtenue pour γ ≈ 200 (deux volumes) : 0,72±0,01%at. et 0,67±0,02%at., et pour γ ≈ 2000 (un volume) : 1,01±0,01%at. montrent que dès γ ≈ 200 du fer se trouve déjà en solution solide.

Figure 3. 7 : Schémas de la fragmentation des particules intermétalliques lors de la déformation plastique intense. Étape 2 inspiré de [20].

Les particules intermétalliques commenceraient donc par se fragmenter dans la longueur (étape 1 Figure 3. 7) puis les fragments se fragmenteraient à leur tour jusqu’à atteindre une taille de quelques nanomètres (étape 2 Figure 3. 7). Simultanément, ces particules commenceraient à se dissoudre dans la matrice formant une solution solide sursaturée qui s’homogénéiserait avec la déformation. Il pourrait également y avoir une forte interaction entre le fer et les dislocations (ligne sur Figure 3. 6). Les dislocations pourraient, en effet, cisailler les particules intermétalliques et entraîner des atomes de fer hors des particules et ainsi aider progressivement à leur dissolution [21, 22].

Figure 3. 8 : Schéma de l'influence de la déformation plastique intense par HPT sur la microstructure de l’alliage Al-Fe.

Ainsi une déformation élevée conduit à la fragmentation, la dispersion et la dissolution partielle des particules métastables Al6Fe dans la matrice d’aluminium, ainsi qu’à une diminution de la taille des grains (Figure 3. 8). La suite porte sur la stabilité thermique de ces structures à grains ultrafins, et donc la stabilité des particules intermétalliques et de la solution solide ainsi que l’évolution de la taille de grains.