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3. Adolescents et cyclomoteurs, une association risquée

3.6. Vers une approche psycho-sociale des adolescents scootéristes

3.6.2 Une relation particulière au risque

Partant d’entretiens semi directifs, Njå et Nesvåg (2007) dégagent une absence de

sentiment de vulnérabilité chez les jeunes scootéristes. Ils n’expriment pas de craintes ou

n’évoquent que peu les risques en matière de circulation. Ces sujets Norvègiens déclarent très

majoritairement par exemple que les accidents dans lesquels ils ont été impliqués n’auraient

pas pu connaître d’autres issues et qu’ils n’auraient rien pu faire pour les éviter. Njå et Nesvåg

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(2007) pointent ainsi la nécessité de familiariser les conducteurs novices à l’identification du

risque et de les faire réfléchir sur leurs propres comportements de conduite.

Ces travaux font, nous semble-t-il, écho à ce que nous avons pu observer lors d’une

étude sur les échanges entre jeunes sur les réseaux sociaux au sujet du scooter (Gaymard,

Bessin, Bordarie & Leguen, 2012). En effet, ces derniers, à l’image de ce que l’on peut

observer chez les motards se distinguent ou s’opposent aux autres usagers, notamment par un

discours véhément à l’égard des automobilistes. Les jeunes, au fil de leurs discours, évoquent

en quelque sorte leur absence de responsabilité dans les accidents. Les fautifs se trouvant

toujours être les automobilistes, tantôt agressifs, tantôt irrespectueux du code et de la place

des petits que sont les deux-roues. Plus tard, grâce à des entretiens et des questionnaires

(Gaymard, Bessin, Bordarie, PDASR 2012) nous avons pu confirmer ces enjeux identitaires

chez les jeunes scootéristes, ainsi qu’une tendance forte à faire des attributions externes

concernant les causes et responsabilités d’accidents.

Il est intéressant de constater que la plupart des travaux se focalisant sur les conduites à

risque concluent insistent sur la recherche de sensations qui serait le trait de personnal ité́

impliqué dans ces conduites (Zuckerman & Kuhlman, 2000). Assailly (1992) établit un

modèle explicatif des prises de risques et suppose que, chez les jeunes, il en existerait 5

types ; 1. Le risque catharsis qui consisterait en une extériorisation du stress est un risque

dont la motivation est avant tout thérapeutique. 2. Le risque autonomie relèverait de la

volonté d’acquérir une forme d’indépendance, un développement de la mobilité, qui exprime

la volonté de contrôle sur son comportement et son environnement ; il s’agirait d’un risque

adaptatif. 3. Assailly énonce également un risque stimulation qui agirait comme une

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de sensations et de nouveautés visibles notamment dans des comportements d’alcoolisme, de

conduite dangereuse, et la participation à des sports dangereux. Cette tendance de prise de

risque connaitrait un pic aux abords de 16/19 ans. 4. Le risque prestance qui correspond à un

risque identitaire serait avant tout une manière de conforter son image propre (ce qu’on pense

de soi) mais aussi son image sociale (ce qu’on croit que les autres pensent de nous). Il

apparaît ainsi, qu’au sein d’un groupe, la prise de risque est un facteur de popularité

permettant l’acquisition ou le maintien d’un statut (i .e. pour des champions automobiles, le

risque a une fonction de prestige). 5. Enfin, il existerait le risque pratique qui permettrait

avant tout de résoudre un problème pratique (par exemple, la vitesse si on est en retard ; le

non respect de la signalisation pour conduire avec plus de commodité). Ce modèle de la prise

de risque concerne toutefois l’ensemble de la population des conducteurs et non seulement les

jeunes cyclomotoristes.

Partant de ce cadre, Depeau, Ramadier & Colbeau-Justin (2005), étudient les prises de

risque chez les jeunes conducteurs de scooters. Ils confirment l’existence de ces différents

types de risque et ajoutent que les jeunes conducteurs de scooter ont tendance à prendre des

risques de type pratique, adaptatif ou identitaire. Ce qui signifie que les jeunes, en dehors des

risques pratiques que tout le monde peut prendre, cherchent avant tout à se sentir libre et

indépendant, en quête d’un certain contrôle sur leurs comportements et leurs environnements,

mais cherchent aussi à conforter une certaine image d’eux-mêmes, à la fois celle qu’ils ont

d’eux-mêmes et celles qu’ils croient que les autres ont d’eux. En quête de liberté et

d’autonomie, les jeunes conducteurs de scooters sont aussi en quête d’une certaine popularité

et d’un statut qu’ils cherchent à maintenir notamment par la prise de risque.

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En Autriche, Brandau, Daghofer, Hofmann et Spitzer (2011) vont dans ce sens et

émettent l’hypothèse que de nombreux comportements transgressifs constatés chez les jeunes,

comme conduire sans permis, ont pour but de combler un désir adolescent de démontrer sa

maturité et d’ainsi gagner l’approbation d’un groupe de pairs. D’autres travaux vont

également dans ce sens, notamment en Italie, où Bina, Graziano et Bonino (2006) se sont

proposés d’évaluer chez des sujets âgés de 14 à 17 ans, l’association entre conduite risquée

(sur la route) et le style de vie des sujets, défini par les comportements de santé à risque

(tabagisme, consommation d’alcool, de drogue etc.), les loisirs et activités. Les résultats de

Bina et al (2006) montrent que les sujets qui prennent le plus de risques sur la route sont aussi

ceux qui sont le plus enclins à adopter des comportements anti-sociaux, à consommer de

l’alcool, à fumer, et ce sont en particulier, ceux qui déclarent passer le plus de temps avec

leurs amis.

Au vu de cet exposé théorique, il nous apparaît nettement que l’enjeu identitaire

d’appartenance au groupe constitue un point essentiel dans la problématique des deux-roues

chez les jeunes. Alors que nous nous proposons d’investiguer la représentation sociale du

deux roues chez les adolescents, il nous semble dès lors pertinent, en considérant la

représentation sociale comme un système normatif tel que l’a définit Flament (1996b),

d’envisager la question sous l’angle des modèles normatifs en dégageant à l’instar de

Gaymard (2003) des instances de référence normative.

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