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2. Approche conceptuelle

2.2. L’approche structurale des représentations sociales

Considérer qu’une représentation possède une structure, revient à dire que les éléments

qui la composent sont mutuellement dépendants. C’est cette dépendance même qui établit la

cohérence de la représentation que met en œuvre un groupe social donné et non une «

transcendance du sens » (Rouquette, 1994a). En d’autres termes, une représentation sociale se

définit par deux composantes : ses éléments constitutifs d’une part, et son organisation,

c’est-à-dire les relations qu’entretiennent ces éléments, d’autre part. On considère ainsi qu’une

représentation sociale ne peut se réduire à la somme des significations de chacun de ses

éléments pris isolément.

Il apparaît alors essentiel d’identifier le type de relations qu’entretiennent les éléments

d’une représentation. Flament (1981) considère qu’une représentation est un ensemble de

cognèmes, organisé par de multiples relations pouvant être orientées (implication, causalité,

hiérarchie…) ou symétriques (équivalence, ressemblance, antagonisme…). Il considère

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toutefois que tout ces cognèmes entretiennent une relation qu’il désigne de « similitude »

(Flament, 1981) et qu’en quelque sorte, un cognème en appelle toujours en autre où y renvoie.

En d’autres termes, les éléments constitutifs d’une représentation sont « hiérarchisés et

entretiennent des relations qui en déterminent à la fois la signification et la place qu’ils

occupent dans le système représentationnel » (Rouquette et Rateau, 1998. p. 31).

Afin de rendre compte de cette organisation interne, Abric (1976, 1987) a élaboré la

théorie dite du noyau central des représentations sociales. Celle-ci postule que l’organisation

d’une représentation présente une caractéristique invariante : non seulement les éléments de la

représentation sont hiérarchisés, mais toute représentation est organisée autour d’un noyau

central, constitué d’un ou de quelques éléments qui donnent à la représentation toutes ses

propriétés significatives.

2.2.1 Le noyau central

Pour Abric (1997b), l’organisation d’une représentation présente une modalité

particulière, spécifique. Non seulement les éléments de la représentation sont hiérarchisés

mais, par ailleurs, toute représentation est organisée autour d’un noyau central,

constitué d’un ou de plusieurs éléments qui donnent à la représentation sa signification.

« Ce noyau central est l’élément fondamental de la représentation car c’est lui qui détermine

à la fois la signification et l’organisation de la représentation » (Abric, 1997b, p.21).

Voulant donner une définition globale d’une représentation en termes de structure et de

système, Flament (2001a, p.60) précise qu’une représentation sociale « est en système dans

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du système, c’est-à-dire de la partie périphérique ». Il faut entendre ici, que si un élément du

noyau central change, toute la structure de la représentation change.

Ce noyau central, que Abric qualifie aussi de « noyau structurant », assure deux

fonctions essentielles :

Ø Une fonction génératrice : « il est l’élément par lequel se créent ou se

transforment les autres éléments constitutifs de la représentation. Il est ce par quoi

ces éléments prennent un sens, une valeur ».

Ø Une fonction organisatrice : « c’est le noyau central qui détermine la nature des

liens qui unissent entre eux les éléments de la représentation. Il est, en ce sens,

l’élément stabilisateur et unificateur de la représentation » ( Abric, 1997b, p.21 et

22).

Le noyau central a par ailleurs une autre propriété: il constitue l’élément le plus stable

de la représentation, « celui qui en assure la pérennité dans des contextes mouvants et

évolutifs ». Il sera, dans la représentation, l’élément qui va le plus résister au changement. En

effet, toute transformation du noyau central entraîne une transformation complète de la

représentation. Flament ajoute (2001a, p.58) que deux représentation sont différentes « si, et

seulement si, elles n’ont pas le même noyau central ».

La notion de noyau permet aussi l’identification d’un individu à un groupe social : «

partager les mêmes représentations, c’est donc, pour les membres d’un groupe, partager un

ensemble de croyances organisées autour d’un noyau commun. En ce sens, le noyau a bien

une fonction consensuelle » (Moliner, 1994. p.45). Abric (1994) écrit pour sa part que « c’est

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2.2.2. Propriétés et Caractéristiques du noyau central

Pour Abric, un élément central doit avoir une valence plus importante que celle des

éléments périphériques. La valence nous dit-il (Abric, 1994b, p.22) « la propriétés d’un item

d’entrer dans un nombre plus ou moins grand de relations d’induction ». Moliner, ajoute

qu’une cognition centrale doit être plus « connexe » qu’une cognition périphérique : « d’un

point de vue quantitatif, les éléments centraux se distinguent donc des autres par une plus

grande connexité et donc par une certaine saillance » (1996, p.63). Si connexité ou saillance

sont des caractéristiques fondamentales d’un élément central, Abric et Moliner précisent

l’importance fondamentale de la dimension qualitative rattachée au caractère « non

négociable » des éléments centraux. Ceux-ci font figure « de prescriptions absolues ». Abric

(2001), définit cette caractéristique indiquant qu’une remise en cause d’un élément central

« entraîne automatiquement la transformation ou l’abandon de la représentation »

(2001,p.83). Moliner (1996) évoque quant à lui une déstructuration de la représentation dans

le cas d’une remise en cause d’un élément central et montre que la stabilité de la

représentation est assurée par un processus de réfutation : « chaque fois que des individus

seront confrontés à des contradictions portant sur une commission centrale, il réfuteront,

d’une manière ou d’une autre, l’information qui leur aura été proposée » (Moliner,

1996.p.65).

Toujours selon Moliner (1996, p.64) une cognition « est centrale parce qu’elle

entretient un lien privilégié avec l’objet de la représentation ». Il poursuit en indiquant que

ce lien résulterait « des conditions historiques et sociales qui ont présidé à la naissance de la

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Flament confirme cette position privilégiée qu’occupe le noyau central dans la

représentation en filant la métaphore du noyau d’un fruit (en l’occurrence une pêche) : « sans

noyau il n’y aurait pas de pêche » (Flament, 2001, p.56).

Abric (1994b,p.23) rappelant que le noyau central est déterminé par la nature de l’objet,

la relation du sujet ou du groupe avec celui-ci, indique que le noyau peut avoir deux

dimensions différentes selon nature de l’objet et la finalité de la situation :

Ø Une dimension fonctionnelle : dans des situations à finalité opératoire (ex :

réalisation d’une tâche ou représentation de la ville).

Ø Une dimension normative : quand interviennent des dimensions socio-affectives,

sociales ou idéologiques (ex : représentation de l’argent par Vergès, 1992).

Selon Abric (1994b, p.79), les dimensions socio-affectives, sociales ou idéologiques

seraient souvent présentes lorsqu’on se penche sur des objets sociaux ayant des enjeux et

donnant lieu à des pratiques communes et des communications collectives intensives. Dès lors

il précise que « le noyau central est essentiellement normatif ».

2.2.3. Le système périphérique

Autour du noyau central s’organisent des éléments périphériques. Ils sont en relation

directe avec lui, c'est-à-dire que leur présence, leur valeur et leur fonction sont déterminées

par le noyau. Selon Abric (1997b), « ils constituent l’essentiel du contenu de la

représentation, sa partie la plus accessible, mais aussi la plus vivante et la plus concrète »

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Pour Flament (1994), c’est dans la périphérie que se vit une représentation sociale au

quotidien. Par ailleurs, « le fonctionnement du noyau ne se comprend qu’en dialectique

continuelle avec la périphérie » (p. 85).

Les éléments périphériques constituent ainsi l’interface entre le noyau central et la

situation concrète dans laquelle opère la représentation et ils répondent à trois fonctions

essentielles :

Ø Une fonction de concrétisation : « directement dépendants du contexte, ils

résultent de l’ancrage de la représentation dans la réalité et permettent son

habillage en des termes concrets, immédiatement compréhensibles et

transmissibles » (Abric, 1997b, p.26).

Ø Une fonction de régulation : « plus souples que les éléments centraux, les éléments

périphériques jouent un rôle essentiel dans l’adaptation de la représentation aux

évolutions du contexte. Peuvent alors êtres intégrées dans la périphérie de la

représentation, telles ou telles transformations de l’environnement » (Abric,

1997b, p.28).

Ø Une fonction de défense : le noyau central d’une représentation résiste au

changement car sa transformation entraînerait un bouleversement complet: « dès

lors, le système périphérique fonctionne comme le système de défense de la

représentation ».

Selon Abric, les deux composantes des représentations sociales (noyau central et

périphérie) fonctionnent comme deux entités complémentaires. En effet, il y a un système

central (le noyau central), dont la détermination est essentiellement sociale, lié aux conditions

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historiques, sociologiques et idéologiques, puis un système périphérique. Ce dernier est

composé d’éléments permettant l’ancrage de la représentation dans la réalité du moment et

dont la détermination est plus individualisée et contextualisée. « Ce système périphérique

permet une adaptation, une différenciation en fonction du vécu, une intégration des

expériences quotidiennes. Il permet des modulations personnelles vis-à-vis du noyau central

commun, générant des représentations sociales individualisées » (Abric, 1997b, p.28).

Partant du principe que la périphérie est conditionnelle et que le noyau est constitué

d’éléments non-négociables, certains auteurs considèrent que l’ensemble constitue un système

normatif, au sein duquel une conduite minoritaire peut être justifiée par le système

conditionnel.

Il existe cependant des hypothèses alternatives à celles du noyau central. La

contradiction porte notamment sur la question de la nature consensuelle des représentations

sociales.

2.2.4. Les principes organisateurs: une hypothèse alternative à celle du

noyau central.

L’approche structurale des représentations sociales, à travers les travaux d’Abric

(1994,1997) notamment se base sur la théorie du noyau central. Celui ci s'appuie sur un

consensus d'opinions des individus d'un groupe social concernant un objet. Pour Doise,

Clémence et Lorenzi-Cioldi (1993), à la suite du processus d'objectivation, par lequel

l'information abstraite se transforme en connaissances concrètes, un élément devient partagé,

mais pas nécessairement consensuel pour un groupe donné. Cela signifie que les membres de

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la communauté possèdent le même cadre de référence, mais dans ce même cadre, ils peuvent

occuper des positions différentes. Par conséquent, les chercheurs tels que Doise et al. (1993),

supposent que les connaissances partagées par des individus, pour un même objet social,

contiennent différentes facettes et contrastes. Cette théorie s’oppose à celle d’Abric, dans

laquelle le contenu de la représentation sociale est organisé autour d'un noyau central

commun et absolu.

Doise (1986, 1990) postule que les représentations sociales sont des principes

organisateurs qui génèrent des prises de position. Les représentations sociales sont alors

décrites comme « des principes organisateurs générateurs de prises de position liées à des

insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux et organisant les processus

symboliques intervenant dans ces rapports. » (Doise, 1986, p. 85).

Pour Moliner (1995) ces principes organisateurs permettent des différences

individuelles car si d'une part les représentations donnent aux individus des points de

référence communs « dans le même mouvement ces points de référence deviennent des enjeux

à propos desquels se noueront les divergences individuelles. Si les représentations permettent

de définir l'objet du débat, elles organisent aussi ce débat en suggérant les questions qu'il faut

poser. » (Moliner,1995, p. 47). Il existe ainsi des croyances communes partagées par les

membres d’un groupe au sujet d'un objet social donné, mais elles sont caractérisées par des

modulations individuelles. Ces croyances communes constituent le cadre de référence ou la

base commune de la représentation sociale et sont identifiées par Abric comme le « noyau

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Pour Moliner (1995, p.50), le désaccord constaté entre les deux approches n'en esy pas

véritablement un dans la mesure où il porte sur deux phénomènes distincts. En effet, la théorie

du noyau central porterait sur un consensus fondé sur la signification de la représentation

quand la théorie des principes organisateurs porterait sur des divergences interindiduelles qui

se fondent sur une dimension évaluative.

2.3. Les pratiques sociales comme facteur de transformation des

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