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II – 1 La relation incompatible : cas de la résistance gène pour gène

II – 1 – 1 Résistance dominante gène pour gène, avec mise en place de réaction hypersensible

C’est Flor, dans les années 1940 qui met à jour le système gène pour gène : « à chaque gène qui conditionne la résistance de la plante hôte, correspond chez le parasite un gène qui conditionne la virulence » donc le caractère de l’agent pathogène. Cet énoncé sera maintes fois controversé, mais nous savons aujourd’hui que cette résistance gène pour gène est une forme de résistance spécifique qui a lieu lorsque le produit d’un gène de résistance (R) de la plante hôte reconnaît le produit d’un gène d’avirulence (Avr) de l’agent pathogène correspondant. Nous sommes dans le cas d’une réaction dite incompatible qui va se traduire, dans la plupart des cas, par l’apparition d’une nécrose limitée au point d’infection et la mise en place de toute une batterie de défenses par la plante. C’est la réponse hypersensible (H.R.), grâce à laquelle l’agent pathogène va être stoppé dans sa course contre le végétal. Cette forme de résistance, dite qualitative, est également qualifiée de résistance verticale ; elle est mono- ou oligogénique, et on l’oppose volontiers à la résistance horizontale, ou tolérance, de nature polygénique. Les termes « vertical » et « horizontal », définis par Vanderplank (1968), ont pour origine l’allure des graphiques obtenus quand l’on confronte diverses variétés de pomme de terre à une collection de pathotypes de Mildiou (fig.1).

0 2 4 S < -- -- -- -- -- > R 1 2 3 4 Races Variété A Résistance horizontale Résistance verticale 0 2 4 S < -- -- -- -- -- > R 1 2 3 4 Races Variété B Résistance horizontale Résistance verticale

Figure 1 : Niveaux de résistance horizontale et verticale de deux variétés de plante face à 4 races d’un agent pathogène. Les plantes possèdent un certain niveau de résistance effectif vis à vis des agents pathogènes. Si ce niveau de résistance reste le même pour une variété confrontée à différentes races d’un agent pathogène, et qu’il varie d’une variété à une autre, on parle de résistance horizontale. Dans le cas de la résistance verticale, une variété peut être résistante à quelques races d’un agent pathogène et sensible à d’autres races de ce même agent pathogène. S : sensibilité, R : résistance.

Depuis Flor, dans les années 40, jusqu’au début de ce millénaire, les découvertes sur la résistance des plantes aux maladies ont beaucoup progressé. Nous savons maintenant que la résistance gène pour gène peut être dominante ou récessive, avec, ou non, mise en place de H.R.

II – 1 – 2 Résistance dominante gène pour gène, sans mise en place de réaction hypersensible

A ce jour, seuls quelques cas de résistance gène pour gène non médiée par une H.R. ont été rapportés. Pour exemple, des plantes d’Arabidopsis thaliana mutées au

contre une souche avirulente de Pseudomonas syringae pv glycinea (comme l’expression des gènes de protéines P.R et une restriction sévère de la croissance de l’agent pathogène), sans pourtant présenter de mort cellulaire de type H.R. Ces mutants exhibent un niveau constitutif d’acide salicylique (Yu et al, 1998).

II – 1 – 3 Résistance récessive gène pour gène

Plusieurs résistances à des agents pathogènes incluant champignons, bactéries et virus, sont conférées par des gènes récessifs. La mutation récessive mlo chez le blé confère une résistance élevée à de nombreux isolats du champignon Erysiphe graminis f. sp. hordei. Le gène MLO code pour une nouvelle classe de protéines membranaires ancrées dans la membrane par sept domaines transmembranaires (Büschges, et al., 1997 ; Devoto et al., 1999). MLO serait un régulateur négatif des réponses de défense et/ou de mort cellulaire. Un allèle nul Mlo engendrerait une résistance en permettant la mise en place anormale de réponses de défense à la fois spontanément et durant une infection par un agent pathogène. Chez Arabidopsis, le mutant récessif edr1 présente un niveau élevé de résistance à certains agents pathogènes fongiques et bactériens (Frye et Innes, 1998). Le gène EDR1 code pour une protéine MAPKKK (mitogen-activated protein kinase kinase kinase) qui pourrait également fonctionner comme un régulateur négatif de résistance aux maladies (Frye et al., 2001). Ces deux exemples illustrent les mutations récessives qui peuvent affecter le contrôle des réponses de défense et/ou la mort cellulaire. D’autres mutants comme les mutants pmr d’Arabidopsis thaliana, ne supportent pas la croissance d’Erysiphe cichoracearum, un champignon phytopathogène. Ces mutants sont probablement altérés dans des gènes requis pour la reproduction et la croissance des agents pathogènes. Dans ce cas, la résistance n’est pas causée par une activation constitutive des voies de défense connues (Vogel et Somerville, 2000).

Résistance non-hôte et gène pour gène : quelles similitudes ?

Plusieurs réponses de défenses induites durant la résistance de type non-hôte sont similaires à celles induites durant la résistance gène pour gène. Par exemple, la H.R. est associée à ces deux types de résistance lors de l’interaction avec le champignon phytopathogène P. infestans (Vleeshouwers et al., 2000b). D’autre part, les espèces réactives d’oxygène (R.O.S.) sont produites à la fois durant la résistance gène pour gène et la résistance non-hôte, avec parfois un délai d’accumulation et des concentrations différents (Able et al., 2003). De même, La lignification des cellules épidermiques de l’hôte, qui a pour but de stopper la pénétration de l’agent pathogène, est un phénomène retrouvé dans des tissus non-hôtes et lors d’une réaction incompatible (Moerschbacher et al., 1990). De plus, contre certains agents pathogènes, la voie du signal de transduction de la résistance non-hôte serait similaire à celle de la résistance hôte. Pour preuve, Peart et al. ont récemment démontré que l’extinction du gène codant pour la protéine SGT1 (ubiquitin ligase- associated protein) affecte ces deux formes de résistance (Peart et al., 2002). De la même façon, certains mutants tels que eds1 ou nho1 sont compromis dans la résistance non-hôte et la résistance gène pour gène, suggérant que ces deux types de résistance empruntent une voie commune (Lu et al., 2001; Parker et al., 1996 ; Aarts et al., 1998). Cependant, il reste évident que des différences subsistent entre ces deux types de résistance. La résistance non-hôte médiée par les gènes PEN1 et ROR1 dans la défense contre B. graminis f.sp. hordei n’est pas indispensable pour l’immunité race- spécifique médiée par les gènes R . Si les voies de défense impliquées dans la résistance non-hôte et la résistance gène pour gène paraissent donc être différentes, il semble exister entre elles des interférences, les deux voies pourraient même converger à un temps plus tardif (Kirankumar et al., 2004).

II – 2 - La relation compatible : cas de la tolérance

Au contraire de la résistance qui exprime l’exclusion partielle ou totale d’un agent pathogène, la tolérance caractérise une variété dont les cultures assurent, en conditions normales, une production acceptable alors qu’elles sont infectées ou malades. La tolérance peut se quantifier sur le plan des symptômes (tolérance vis-à- vis du parasite), ou des dégâts subis par les cultures soumises à cet agent (tolérance vis-à-vis de la maladie) (Lepoivre, 2003).

La tolérance vis-à-vis d’un parasite peut se définir comme suit : une plante est tolérante à un parasite si malgré la présence et la multiplication de ce parasite, et en dépit de l’accumulation des éventuelles toxines et métabolites produits par l’agent pathogène, elle peut se développer sans présenter de symptômes importants de la maladie. Elle peut être évaluée par le rapport entre l’intensité des symptômes observés et la quantité de parasite présent dans les tissus de l’hôte. Comme il a été cité en introduction, différents mécanismes de défense des plantes peuvent être impliqués dans la tolérance à des champignons pathogènes : un niveau constitutif d’enzymes hydrolytiques (chitinases et β-1,3-glucanases) serait impliqué dans la tolérance de la tomate au champignon Alternaria solani (Lawrence et al., 2000), et de certaines solanacées à Phytophthora infestans (Vleeshouwers et al., 2000a); la tolérance de certains cultivars de vigne au champignon ascomycète Eutypa lata serait attribuable à leur capacité à réduire l’eutypine, toxine produite par l’agent pathogène, en eutypinol, alcool non toxique (Afifi, 2004).

La tolérance à une maladie se réfère à la capacité relative d’une plante à tolérer tous les symptômes primaires et secondaires résultants d’une invasion par un agent pathogène, sans essuyer de pertes importantes de croissance et de rendement (Clarke, 1986).

Comme il est précisé par Lepoivre (Lepoivre, 2003), les phénomènes de compensation peuvent être responsables de la tolérance à la maladie. Par exemple, chez certains cultivars dont les sommets sont soumis à des attaques d’agents

pathogènes, l’abscission de feuilles peut induire une production accrue de feuillage. Chez l’orge attaqué par l’oïdium, les zones non atteintes de la plante photosynthétisent davantage que les parties comparables d’une plante saine. De même, des variétés tolérantes à l’agent du piétin échaudage auraient un enracinement plus développé ou une capacité accrue de percement de nouvelles racines, comparé à une plante saine.

Enfin, la tolérance totale d’une plante à une infection par un parasite, sera déterminée d’une part par sa tolérance au parasite, et d’autre part par sa tolérance à la maladie provoquée par l’agent pathogène considéré. Elle peut être mesurée par le rapport entre l’accumulation de biomasse du parasite et la performance globale de la plante en terme de rendement et de croissance (Clarke, 1986).