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Les essais réalisés nous ont permis de mettre en exergue plusieurs points :

• la scopolétine et l’ayapine, deux phytoalexines du tournesol, ont un effet inhibiteur sur la germination de P. macdonaldii. Nous avons pu déterminer la concentration inhibant 50% de la germination des spores (CI 50) : elle est de 0.15 mmole.l-1 pour l’ayapine et de 0.13 mmole.l-1

pour la scopolétine sur la souche MP6.

• l’ayapine inhibe la croissance de P. macdonaldii, avec une CI50 observée de 0.44 mmole.l-1 ; nous n’avons pu observer d’effet

inhibiteur de la scopolétine sur la croissance du champignon après 24h d’incubation.

• les essais réalisés avec les acides chlorogénique et caféique n’ont produit aucun effet sur la germination et la croissance du champignon, laissant penser que l’effet inhibiteur est bien spécifique à la scopolétine et à l’ayapine et n’est pas attribuable aux composés phénoliques en général.

• Enfin, un bioessai nous a permis de suivre la synthèse et l’accumulation de la scopolétine in planta, et ce, chez deux génotypes de tournesol de sensibilités opposées à P. macdonaldii. Les dosages nous ont permis de démontrer que la quantité de scopolétine est jusqu’à deux fois plus élevée chez le génotype tolérant par rapport au génotype sensible, et ce dès 72 heures.

Cette étude démontre donc que la scopolétine et l’ayapine produisent le même effet inhibiteur sur la germination de Phoma macdonaldii, les CI50 obtenues étant très proches. Cependant, un essai préliminaire réalisé au laboratoire avait permis d’obtenir une CI50 de 0.61 mmole.l-1 sur la souche T32A142, souche

polyspore agressive prélevée dans le département du Gers, alors qu’elle n’est que de 0,13 mmole.l-1 sur la souche MP6. L’effet obtenu pour la scopolétine peut donc

varier d’une souche de Phoma à une autre. Ces concentrations demeurent très faibles, et laissent penser que la synthèse de ces phytoalexines pourraient jouer un rôle dans la résistance partielle du tournesol à Phoma macdonaldii.

L’effet inhibiteur sur la croissance du champignon n’a pu être obtenu que pour l’ayapine ; pour la scopolétine, il semblerait en effet que la molécule stimule la croissance du champignon. Le champignon pourrait donc dégrader la scopolétine comme l’ont décrit Tal et Robeson (Tal et Robeson, 1986b) et utiliser les produits de dégradation. Ces auteurs proposent en effet que les champignons pathogènes du tournesol auraient pu, durant l’évolution, mettre au point des enzymes capables de dégrader efficacement de tels métabolites.

Pour l’ayapine, au contraire de la scopolétine, la CI50 calculée par Urdangarin pour Sclerotinia sclerotiorum a été extrapolée à 0,16 mmole.l-1 , ce qui est inférieur à

celle que nous avons obtenue pour P. macdonaldii. Si le Phoma semble donc demeurer moins sensible à l’ayapine que S. Sclerotiorum, il n’en reste pas moins que cette molécule reste active sur la croissance du champignon. Il reste à noter que les concentrations de dérivés coumariniques inhibant la germination et la croissance de P. macdonaldii décrites ici, sont tout à fait en accord avec des données rapportant des activités antifongiques de l’ordre de 0,1 à 1 mM pour d’autres champignons comme Helminthosporium carbonum ou encore Alternaria helianthi (Tal et Robeson, 1986a)

En dernier point, les dosages in vivo ont permis de démontrer que la quantité de scopolétine est jusqu’à deux fois plus élevée chez le génotype tolérant par rapport au génotype sensible, et ce dès 72 heures après contamination par le

champignon. Il est de ce fait envisageable que la synthèse et l’accumulation de scopolétine soient impliquées dans la tolérance du tournesol au Phoma.

Un moyen de vérifier l’implication de l’ayapine et la scopolétine dans la tolérance du tournesol au Phoma serait la sélection de variants naturels de Phoma macdonaldii tolérants aux phytoalexines, ou encore l’utilisation de souches résistantes aux phytoalexines produites par mutagenèse, qui pourraient nous permettre d’établir une relation entre la toxicité des composés coumariniques sur le pathogène in vitro, le niveau de phytoalexines in planta, et la contribution des phytoalexines dans la défense du tournesol contre le Phoma.

Par ailleurs, dans les deux génotypes, nous notons une nette diminution de la quantité de scopolétine accumulée dans les tissus infectés, à partir de 96 h après inoculation. Deux hypothèses peuvent permettre d’expliquer ce phénomène : la dégradation de la scopolétine par le champignon, ou encore la biosynthèse d’ayapine à partir de scopolétine. Les structures de la scopolétine et de l’ayapine suggère que la première molécule puisse être un précurseur immédiat de la seconde, ce qui a été confirmé par Tal et Robeson grâce à un marquage de la scopolétine au C14

(Tal et Robeson, 1986a). Il serait donc intéressant, pour confirmer ou infirmer la dernière hypothèse, d’établir une cinétique d’accumulation de l’ayapine dans les tissus infectés par P. macdonaldii.

Nombre d’études ont permis de mettre en évidence l’implication des phytoalexines dans la résistance des végétaux face aux agents pathogènes. L’un des derniers exemples cité dans la littérature est celui du concombre chez lequel il a été observé une perte de la résistance induite contre le champignon phytopathogène

Podosphaera xanthii (responsable de l’oïdium du concombre) par disruption de la voie

menant à la synthèse de phytoalexines (Fofana et al., 2005). Mais plus intéressant encore est le rôle que pourraient jouer les phytoalexines dans la résistance des plantes contre les agents pathogènes nécrotrophes. Si nous nous référons à la littérature, il apparaît en effet que les différentes voies de défense des plantes, telles

que la voie de l’acide salicylique, celle du jasmonate ou encore de l’éthylène, diffèrent dans leur efficacité à contrôler des groupes distincts d’agents pathogènes. Ainsi, d’une façon générale, il semble que les réponses de défense des plantes aux agents pathogènes biotrophes, tels que Erysiphe orontii, Peronospora parasitica ou encore Pseudomonas syringae, soient dépendantes de la voie de l’acide salicylique (Cao et al., 1994 et 1997 ; Delaney et al., 1994 ; Reuber et al., 1998). Et si les réponses de défense dépendantes de l’acide jasmonique sont efficaces contre les agents pathogènes nécrotrophes comme Botrytis cinerea, Erwinia carotovora ou Pythium spp. (Norman- Setterblad et al., 2000 ; Staswick et al., 1998 ; Thomma et al., 1998 ; Vijayan et al., 1998), il apparaît que le rôle des phytoalexines est primordial dans certaines interactions hôte-parasite nécrotrophe. Pour exemple, il a été mis en évidence que la synthèse de camalexine est requise pour la résistance totale aux champignons nécrotrophes Alternaria brassicicola (Thomma et al., 1999) et Plectosphaerella cucumerina (Thomma, résultats non publiés). Enfin, Bohman et al. (2004), ont pu mettre en évidence que la résistance d’Arabidopsis thaliana contre le champignon Leptosphaeria maculans (forme sexuée de Phoma lingam), est indépendante des voies de l’acide salicylique, de l’acide jasmonique et de l’éthylène, et requiert la synthèse de camalexine.

Ces dernières remarques, couplées aux résultats que nous avons obtenus, nous laissent penser que les dérivés coumariniques étudiés pourraient être impliquées dans la résistance multigénique du tournesol à Phoma macdonaldii. Ceci devrait ainsi encourager à des études plus poussées en vue de leur intégration dans des programmes de sélection : ils pourraient en effet être utilisés comme marqueurs moléculaires, dans le but d’obtenir des variétés plus résistantes, étant donné que leur synthèse et accumulation semblent être plus importantes chez un génotype tolérant que chez un génotype sensible. Il peut être également envisageable de les inclure dans des programmes de transformation génétique, en surexprimant, de façon contrôlée, les gènes impliqués dans leur biosynthèse. Sachant enfin que ces

(Gutierrez-Mellado et al., 1996), une alternative pourrait être une lutte contre le Phoma, ou d’autres agents pathogènes du tournesol, à l’aide d’éliciteurs exogènes « écologiquement corrects ».

ETUDE DE L’INTERACTION TOURNESOL / PHOMA