• Aucun résultat trouvé

II.3 La subduction de reliefs océaniques

II.3.3 Relation entre un relief et le couplage interplaque

Le couplage interplaque se décompose en une composante normale au plan interplaque et une compo-sante tangentielle. Un surépaississement local crustal de type basaltique ou une rugosité accrue du plancher océanique, vont perturber localement le couplage interplaque.

II.3.3.1 Flottabilité

Les hauts bathymétriques d’origine océanique (plateaux, chaîne de volcans éteints ou monts sous-marins) sont formés par un surépaississement crustal de type basaltique, dont l’épaisseur varie d’une struc-ture à l’autre. Ce surépaississement basaltique, moins dense que la péridotite lithosphérique, a donc pour effet d’augmenter la flottabilité de ces structures vis à vis de la lithosphère océanique les portant [Cloos, 1993]. La flottabilité des structures, que l’on peut quantifier par le contraste de densité entre la lithosphère avec relief et l’asthénosphère, dépend de divers paramètres tels que l’âge de la plaque océanique, l’éten-due géographique du relief, ainsi que l’épaisseur crustale. Un fort surépaississement (de l’ordre de 18 km) signifie un fort taux de fusion partielle dans le manteau sous-jacent et donc la perte pour ce dernier de cer-tains éléments constitutifs denses dont le grenat et le fer. Cette perte s’accompagne par conséquent d’une diminution de sa densité [Cloos, 1993].

On a vu précédemment que l’entrée en subduction de discontinuités topographiques perturbait locale-ment le régime tectonique de la marge. Cette modification peut être attribuée à l’auglocale-mentation du couplage interplaque du fait de la flottabilité de ces structures, qui augmente l’intensité de la contrainte normale à l’interface, dû à sa résistance à l’enfoncement [Scholz and Small, 1997]. Cette contrainte normale est de

FIGURE II.14 – Modèle géodynamique proposé pour expliquer l’évolution du contexte tectonique de la

subduc-tion antillaise. Les auteurs distinguent la subducsubduc-tion d’un ride dite "flottante" engendrant un saut de subduction par détachement complet de la plaque plongeante, d’une ride "non-flottante" (ride de Barracuda actuelle), n’affectant que localement la marge (d’après Bouysse and Westercamp [1990]).

plus accentuée par la topographie de la structure en subduction, qui augmente d’une part la surface de contact entre les deux plaques et d’autre part la rugosité de l’interface. Ainsi, plus la flottabilité d’une por-tion de lithosphère sera grande, plus sa résistance à l’enfoncement sera forte et donc, plus l’intensité de la contrainte normale au contact interplaque sera conséquente [Shemenda, 1993, Tang, 2000]. En ne considé-rant que les effets isostatiques, un mont sous-marin n’influencera que la zone avant-arc, alors qu’un plateau océanique aura des conséquences d’ordre lithosphérique [Cloos, 1993].

II.3.3.2 Friction interplaque

On a vu précédemment que les reliefs océaniques pouvaient être anormalement riches en fluides, du fait de leur grande fracturation. Le relâchement de ces fluides lors de l’enfoncement de la structure a pour conséquence d’entraîner une modification des propriétés physiques de l’interface entre les plaques plongeante et chevauchante. Les observations de terrain semblent en effet révéler une forte activité hy-drothermale à l’aplomb des reliefs en subduction [Henry et al., 1989, 1996], indiquant l’existence d’une zone saturée en fluides. Or, d’après des expériences analogiques, Dominguez et al. [2000] montrent que la surface de décollement le long de laquelle s’effectue le glissement de la plaque plongeante, épouse la forme du relief en subduction (fig.II.15). Ces observations suggèrent par conséquent que les fluides sub-duits, libérés sous l’action des surpressions qu’ils subissent, vont préférentiellement être collectés dans la zone soulevée du décollement, c’est-à-dire au toit du relief. Il a donc été proposé que la friction efficace au toit du relief subduit était plus faible que celle de sa zone périphérique [Lallemand, 1999]. Cependant, la plus forte perméabilité de la surface de décollement au regard de celle du prisme d’accrétion (1013m2et 10−17m2, respectivement [Henry, 2000]), suggère que la forte teneur en eau se localise en base du prisme et peut donc être rapidement évacuée vers la surface par les nombreux réseaux de failles et fractures gé-nérés au sein du prisme par la subduction d’un relief. L’effet réel de cette concentration en fluides sur la friction à l’interface reste donc très difficile à estimer.

FIGURE II.15 – Schéma basé sur les résultats de simulations analogiques illustrant un plan de décollement

II.3.3.3 Aspérité sismologique, relief et couplage interplaque

On associe souvent les reliefs océaniques à des aspérités sismologiques. Ces dernières correspondent à des irrégularités géométriques sur le plan de faille, augmentant localement la résistance au cisaillement, c’est-à-dire bloquant localement le glissement [Lay et al., 1980]. Les grosses aspérités sismologiques sont généralement à l’origine de lacune de sismicité dans les fosses et lors de la rupture, la libération d’énergie accumulée génère de séismes de forte magnitude. Le fait que des lacunes de sismicité soient générale-ment observées au front de reliefs en subduction, e.g. ride de Louisville dans la fosse des Tonga, plateau d’Ogasawara dans la fosse d’Izu-Bonin, la corrélation entre reliefs océaniques et aspérités sismologiques a souvent été faite [Kelleher and McCann, 1976, Habermann et al., 1986]. De plus, un relief en subduction est un lieu préférentiel pour l’existence d’irrégularité géométrique, du fait de la rugosité de l’interface qu’il induit. Le modèle de couplage sismique proposé par Pacheco et al. [1993] montre d’une part que lors de la subduction d’un relief, la zone la plus fortement couplée se localise préférentiellement à son toit et d’autre part, que le relief induit un couplage interplaque au-delà des limites de la zone sismogène (fig.II.16).

Sédiments Zone sismogène Zone de transition Butoir Limite inférieure

Déformation cassante Déformation ductile

Mont sous-marin Champ instable Stable transitoire Champ stable Déformation ductile Déformation plastique

FIGURE II.16 – Variation spatiale de l’intensité du couplage interplaque. Le champ stable est ca-ractérisé par un couplage sismiqueχ = 0 ; dans

le champ transitoire0 < χ < 1 ; le champ

in-stable est une zone bloquée avec χ = 1. (a)

Zone interplaque d’une zone de subduction "clas-sique" ; (b) Zone interplaque caractérisée par la présence d’un mont sous-marin ; (c) Zone in-terplaque caractérisée par la présence d’un axe d’accrétion actif (modifié d’après Pacheco et al. [1993]).

La zone interplaque est constituée de zones stables, où de nombreux petits séismes se produisent pour une éner-gie totale faible et de zones instables, où une forte résis-tance au cisaillement permet l’accumulation importante d’énergie. La zone peut alors être rompue par de très forts séismes [Scholz, 1998]. Puisque le couplage sismique dé-pend de l’intensité de la contrainte normale au plan de frottement [Scholz and Campos, 1995] et que cette contrainte est augmentée lors de la subduction d’un corps flottant [Scholz and Small, 1997], on en déduit que dans le cas d’une zone initialement faiblement couplée dans un ré-gime stable, la subduction d’un relief permettra la rup-ture immédiate de la zone. A l’inverse dans le cas d’une zone initialement fortement couplée et dans un régime in-stable, l’augmentation de la contrainte normale due à la subduction d’un même relief, induira une augmentation de la contrainte cisaillante. L’activité sismique sera donc plus faible mais les séismes seront de plus forte magni-tude [Scholz and Campos, 1995, Scholz and Small, 1997]. Des modèles intermédiaires ont été proposé selon lesquels la présence d’un chenal de subduction pourrait lubrifier l’interface grâce aux sédiments et ainsi faciliter la subduc-tion d’un relief océanique. Ce modèle prédit alors qu’une subduction de type Mariannes ne sera pas affectée par la subduction d’un relief, puisque le chenal inhiberait la nu-cléation des forts séismes [Cloos and Shreve, 1996]. Cette hypothèse ne supporte pas les observations faites au front de la ride de Louisville ou du plateau d’Ogasawara, où la-cune de sismicité et forts séismes leur ont été associés [Kelleher and McCann, 1976, Habermann et al., 1986, Christensen and Lay, 1988, Lundgren and Okal, 1988].