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II.3 La subduction de reliefs océaniques

II.3.2 Effets de la subduction d’un relief sur la déformation de la marge

II.3.2.1 Mont sous-marin et mouvements verticaux de la marge

On a observé dans plusieurs zones de subduction la formation d’un rentrant dans la marge, au front des reliefs en subduction. Cette cicatrice est généralement interprétée comme le poinçonnement de la marge par le haut bathymétrique [Collot and Fischer, 1989]. Dans son étude, Vogt et al. [1976] a même proposé que ces reliefs seraient responsables des variations locales de courbure des fosses (voir chapitre précédent). Depuis, de nombreuses campagnes océanographiques ont permis d’observer à la surface de certains prismes d’accrétion, comme sur la marge costaricaine [von Huene and Flh, 1994], le sillage des édifices subduits. Ces observations confirment ainsi le rôle de la subduction des reliefs sur la géométrie concaves des prismes d’accrétions, en fonction de la dimension des édifices. Ce phénomène a été reproduit avec succès par Dominguez et al. [1998, 2000] en modélisation analogique et les résultats obtenus ont permis de comprendre les mécanismes de déformations d’un prisme d’accrétion sédimentaire (fig.II.11). On remarque cependant que les sillages laissés par le relief sont restreints à la zone du prisme d’accrétion actif facilement déformable, mais aucune trace morphologique n’a été observée au niveau de la marge surplombant le backstop.

Lors de leur passage en subduction, ces irrégularités bathymétriques induisent des mouvements verti-caux dans la marge, qui peuvent être quantifiés par des taux de surrection/subsidence. Suite à l’étude de la subduction du mont Kashima dans la fosse du Japon, Lallemand and Le Pichon [1987] proposent ainsi un modèle d’évolution structurale de la marge basé sur la théorie du prisme de Coulomb (fig.II.12). Ce modèle

prédit des variations de pente de la marge à la recherche d’un profil d’équilibre, ainsi que l’érosion du front de la marge se traduisant par un retrait de la fosse. Des surrections de l’ordre de 1 à 2 km sont aujourd’hui mesurées par exemple dans le domaine avant-arc de l’arc des Vanuatu au front de la ride d’Entrecasteaux [Taylor et al., 2005, Lagabrielle et al., 2003] ou encore dans la péninsule d’Ossa sur la marge du Costa-Rica [Gardner et al., 1992]. Dans ces deux régions ainsi que le long de la marge tongienne au front de Louisville Seamount Chain (LSC), ces soulèvements d’avant-arc s’accompagnent d’une régime extensif à l’aplomb du relief subduit [Ruellan et al., 2003, Zellmer and Taylor, 2001].

1 2 3 a) b) c)

FIGURE II.11 – Effets sur le prisme de la subduction d’un mont sous-marin. a) bathymétrie de la marge du

Costa-Rica [Lallemand, 1999] ; b) modélisation analogique en trois dimensions de la subduction d’un mont-sous-marin et c) schéma interprétatif du résultat de la simulation (d’après Dominguez et al. [1998].

FIGUREII.12 – Schéma illustrant le profil de la marge du Japon avant et après la subduction du volcan sous-marin

II.3.2.2 Mécanisme d’érosion de la marge

Le retrait de la fosse est généralement observé après le passage d’une aspérité (fig.II.12), indiquant ainsi le rôle érosif d’une irrégularité bathymétrique en subduction [Lallemand and Le Pichon, 1987, Ballance et al., 1989, Collot and Davy, 1998].

On attribue cette érosion à deux phénomènes :

(1) La subduction d’un haut bathymétrique induit des mouvements verticaux dans la marge (fig.II.13a), qui pourront être accommodés par des réseaux de fractures. Cela aura pour conséquence d’affaiblir mécani-quement la marge, qui pourra alors être érodée plus facilement. De plus, les nombreuses fractures affectant le haut bathymétrique et le plancher océanique peuvent également rejouer sous le prisme d’accrétion, fragi-lisant de nouveau la marge sus-jacente et favorisant son démentèlement [Lallemand and Le Pichon, 1987, Ballance et al., 1989].

(2) Les reliefs océaniques sont des zones de faiblesse, car ils sont généralement affectés par une forte fracturation provenant soit de structures héritées, soit d’une déformation tardive, comme par exemple une fracturation à l’extrados liée au ploiement de la plaque lithosphérique [Ranero et al., 2003, Ranero and Sallares, 2004, Weinberger and Brown, 2006]. Ces reliefs sont donc affectés par de l’hydrothermalisme : les reliefs seront donc anormalement riches en fluides. Les fluides libérés en début de subduction vont percoler à travers la marge et diminuer fortement la résistance mécanique des roches la constituant. Cela contribuera ainsi au processus d’érosion tectonique de la marge par hydrofracturation (fig.II.13b). Ce phé-nomène pourra être amplifié par la déshydratation des sédiments océaniques accumulés de part et d’autre du relief.

FIGURE II.13 – Coupes schématiques montrant l’effet de la subduction de discontinuités géométriques sur les

pro-cessus d’érosion de la marge [Lallemand et al., 1994].

II.3.2.3 Micro-collision : implications géodynamiques

La subduction de plateaux ou de rides océaniques se traduit par des réorganisations tectoniques ma-jeures au sein de la plaque chevauchante. Citons par exemple la marge équatorienne où trois terrains

océa-niques allochtones se sont accrétés, suite à des sauts de subduction successifs datés vers 140-130 Ma, 80-70 Ma et 40-35 Ma [Reynaud et al., 1999, Hauff et al., 2000, Jaillard et al., 2002, Hughes and Pilatasig, 2002, Mamberti et al., 2003].

L’entrée en subduction du plus vaste plateau océanique connu, le plateau d’Ontong Java, d’environ 40 km d’épaisseur, a provoqué une réorganisation complète du système convergent du SW Pacifique. La sub-duction qui s’étend actuellement de la Nouvelle Guinée aux Nouvelles Hébrides résulte d’une inversion provoquée par le blocage de la fosse Mélanésienne par l’arrivée du plateau d’Ontong Java [Petterson et al., 1999, Korenaga, 2005, Taira et al., 2004, Mann and Taira, 2004].

L’entrée en subduction de telles structures entraîne la déformation de la plaque océanique en amont de la fosse, car elle est soumise à un différentiel de vitesse important entre la zone bloquée par la subduction du corps résistant à l’enfoncement et le reste de la plaque qui s’enfonce librement. Par exemple, on observe aujourd’hui un flambage significatif de la plaque indienne, qui est d’une part bloquée par la subduction continentale himalayienne lente et d’autre part, qui est subduite librement sous l’arc de la Sonde [Neproch-nov et al., 1988, Krishna et al., 1998, Chamot-Rooke et al., 1993]. La subduction de la ride de Zenisu dans la fosse de Nankaï est un autre exemple d’un futur saut de subduction. En effet, les données de ter-rain et les modélisations mettent en évidence un plan de chevauchement naissant dans la plaque océanique [Lallemant et al., 1989, Chamot-Rooke and Le Pichon, 1989].

Néanmoins, ces phénomènes sont peu répandus le long des marges actives et des études portant sur la flottabilité de la lithosphère océanique [Cloos, 1993] révèlent qu’une épaisseur minimale de 15 km pour une ride océanique et d’environ 30 km pour un plateau basaltique sont nécessaires pour engendrer de telles perturbations. Citons par exemple le cas de la subduction des Antilles, où Bouysse and Westercamp [1990] ont proposés deux comportements différents de rides océaniques : les rides dites "flottantes", provoquant un saut de subduction et les rides dites "non flottantes", pouvant subduire sans entraîner de modification de la limite de plaques (fig.II.14).