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Le regroupement controversé au sein d’un méga -régulateur du numérique

Section 2. Le choix d’une architecture intégrée de l’autorité de régulation

A. Le regroupement controversé au sein d’un méga -régulateur du numérique

L‟option d‟une fusion des régulations des communications électroniques (le contenant) et de l‟audiovisuel (le contenu) naît du constat selon lequel il est naturel de penser que les activités caractérisées par un degré élevé d‟interactions doivent être régulées par la même autorité de régulation381. Leurs interactions fréquentes et complexes seraient ainsi gérées en interne au niveau des positions de travail de cette autorité et non pas par des réunions formelles entre différentes institutions. Dans l‟Union européenne, la majorité des Etats conservent toutefois une régulation sectorielle en opérant une distinction entre les secteurs des communications électroniques et de l‟audiovisuel382. D‟autres ont fait à l‟inverse le choix de fusionner les contrôles de ces deux secteurs au sein d‟un régulateur unique383, la porosité des frontières et l‟évolution de ces secteurs justifiant leur régulation commune au sein d‟une même entité. Ces choix nécessitent de réfléchir à la forme que doit prendre la régulation du numérique (1). En France, la création d‟un unique régulateur prônée par de nombreux rapports parlementaires révèle toutefois des difficultés qui peuvent naitre d‟une fusion s‟appuyant sur les objets plutôt que sur les finalités de la régulation, lorsque celles-ci diffèrent d‟un secteur à l‟autre (2).

1. La convergence des régulations dans le secteur du numérique

La convergence numérique appelle une régulation de tous les contenants et une régulation de tous les contenus. Le rapprochement des objets de ces deux régulation peut pousser à envisager une régulation commune des contenants et des contenus au sein d‟une seule autorité de régulation.

381La Communauté européenne abordait déjà en 1997 l‟opportunité de construire un cadre réglementaire global adapté à l‟évolution des technologies de l‟information. Voir Communication de la Commission du 3 décembre 1997, Livre vert La convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l'information, et les implications pour la réglementation - Vers une approche pour la société de l'information, COM(97) 623 final.

382 Cas de la Bulgarie, de Chypre, de la Croatie, du Danemark, de la France, de la Grèce, de l‟Irlande, de la Lettonie, de la Lituanie, du Luxembourg, de Malte, des Pays-Bas, de la Pologne, du Portugal, de la République Tchèque, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Suède.

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a. La régulation des contenants et des contenus de l‟audiovisuel et d‟Internet

La convergence des secteurs de l‟audiovisuel et d‟Internet nécessite d‟abord de réfléchir à une régulation commune de tous les contenants puis à une régulation commune de tous les contenus.

Le premier élément concret en faveur d‟une convergence des régulations de l‟audiovisuel et d‟Internet vise à corriger les asymétries réglementaires entre les différents « contenants ». Les chaînes de TV, les opérateurs de télécom et les sociétés de l‟Internet utilisent en effet les mêmes réseaux Internet, fixes et mobiles, pour diffuser leurs contenus sur les mêmes supports (PC, tablettes, smartphones et téléviseurs connectés)384. Or le traitement réservé aux différents acteurs diffère sensiblement : en France, les chaînes de TV utilisent par exemple des fréquences gratuitement en échange d‟investissement dans la production audiovisuelle, les opérateurs de télécommunication paient les fréquences pour le développement de l‟internet mobile, et les grands groupes de commerce électronique ne paient rien du tout en utilisant les réseaux pour vendre leurs contenus vidéos. Les acteurs classiques de l‟audiovisuel arguent ainsi d‟une différence significative de traitement entre eux et les diffuseurs de contenu sur les téléviseurs connectés. Alors que les chaînes de TV historiques sont soumises à une régulation stricte, les chaînes de TV accessibles uniquement par internet (GoogleTV, AppleTV, Netflix, etc.) ne sont par exemple pas soumises aux mêmes contraintes tout en exerçant les mêmes activités, entrainant une concurrence déloyale à l‟égard des premières. Cette difficulté qui n‟est pas franco-française fût à l‟origine d‟un Colloque organisé par le CSA courant 2011 au cours duquel les différents professionnels concernés ont pu échanger leurs points de vue385 : « tout oppose le monde de l‟Internet et le monde de la télévision, que ce soit en matière de protection des enfants, de pluralisme, de droits d‟auteur, d‟information, de véracité, d‟authenticité des informations qui sont diffusées, tout nous

384 L‟évolution du droit de l‟audiovisuel s‟illustre notamment par les nombreux débats relatifs à l‟élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. Si, en France, plusieurs amendements déposés lors de l‟examen du projet de loi de finance pour 2013 (amendements n°I-360 et I-387 du 22 septembre 2013 relatifs à l‟élargissement de la redevance audiovisuelle aux ordinateurs privés de loisir connectés à internet) ont été retirés, en Allemagne, le juge a par exemple estimé que ce type de redevance était justifié ; Voir Cour fédérale administrative allemande, 17 aout 2011, Aff. 6 C 15.10, 45.10 et 20.11 et Cour constitutionnelle allemande, 22 aout 2012, Aff. 1 BvR 199/11.

385Le colloque sur les téléviseurs connectés fut l‟occasion de mieux comprendre les points de vue radicalement opposés de ces deux types de diffuseurs audiovisuels. Le vif échange entre Nonce Paolini, PDG de TF1 et Martin Rogard, DG de Dailymotion (site web proposant un service d'hébergement, de partage et de visionnage de vidéo en ligne, désormais accessible par les téléviseurs connectés) est significatif des tensions nées du développement de la TV connectée.

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oppose et dans un univers où il n‟y a aucune règle, l‟univers de l‟Internet, il y a à côté un univers qui est très régulé particulièrement en France qui est celui de la télévision. Or, les deux vont se trouver en compétition sur [le même] écran » 386. L‟intervention de diffuseurs audiovisuels étrangers dont les programmes sont désormais accessibles sur les téléviseurs connectés entraine en outre un transfert de valeur du territoire français vers l‟étranger via essentiellement des acteurs nord-américains. Comme le note Jérémie Magnine, ce transfert de valeur n‟est pas contrôlé, n‟est pas taxé et se produit en dehors de toute régulation ou presque. Plus grave, il se fait au détriment de la capacité d‟investissement local des entreprises françaises : il dévient primordial de « redonner un équilibre et une chance d‟exister aux acteurs français vis-à-vis d‟autres acteurs agissant depuis l‟étranger dans un mode d‟extra-territorialité, qui leur donne un avantage majeur »387.

La convergence des différents secteurs entraine par ailleurs une convergence des missions des autorités contrôlant le « contenu ». Compte tenu de la concurrence exercée par les sites de streaming à l‟égard des chaînes de télévision classiques, la mission de lutte contre les atteintes au droit d‟auteur portées par les sites de streaming illégaux se meut progressivement dans le champ de compétence des autorités de régulation de l‟audiovisuel. En France, alors que l‟HADOPI est une institution dédiée spécifiquement à la protection des droits sur internet, il s‟avère que cette protection des droits d‟auteur peut légitimement être considérée comme une activité de nature économique388 se chevauchant en grande partie aujourd‟hui avec l‟activité du CSA, laquelle consiste depuis 2013 à lutter contre les sites de

streaming qui proposent des contenus audiovisuels piratés389. En effet, de par leurs contenus illégaux, ces sites de streaming portent à la fois atteinte au droit d‟auteur et à la concurrence des programmes audiovisuels classiques. Pour ces raisons, il existe une communauté d‟objectifs entre l‟HADOPI et le CSA dans la mesure où « le développement de l‟offre légale en ligne fait écho à la mission de soutien à la qualité et à la diversité des programmes et la protection des droits d‟auteur participe à une politique de développement de la protection et

386N. PAOLINI, Actes du colloque sur les téléviseurs connectés, Les colloques du CSA, Juin 2011, p. 43.

387 J. MAGNINE, Actes du colloque sur les téléviseurs connectés, Les colloques du CSA, Juin 2011, p. 49.

388 Le récent code de droit économique belge traite ainsi à ses Titres IX et X de la propriété intellectuelle et de la protection des droits d‟auteur. En pratique, bien que veillant à la protection des droits, l‟action de l‟HADOPI vise en effet essentiellement à lutter contre la concurrence des sites proposant illégalement des contenus audiovisuels.

389 Loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l‟indépendance de l‟audiovisuel public, JORF n°0266 du 16 novembre 2013. Le CSA est depuis 2013 considéré comme un véritable régulateur économique.

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de la création audiovisuelle nationale »390. Une fusion des deux autorités permettrait alors de simplifier la régulation des mesures techniques de protection (MTP)391 aujourd‟hui partagées entre l‟HADOPI, qui en a la compétence principale, et le CSA, qui veille à ce que les MTP mises en place par les éditeurs ou les distributeurs ne privent pas le public du droit à la copie privée. L‟expérience de plusieurs Etats membres de l‟Union parle également pour cette fusion. Au Royaume-Uni, le vote du Digital economic Act392 a donné à l‟Ofcom les moyens de sanctionner la violation des droits d‟auteurs, et en Italie, le processus législatif initié en 2003393 permet depuis peu à l‟AGCOM de protéger les droits d‟auteur sur les réseaux de communications électroniques394. Pour cette raison, « il serait logique de confier cette régulation, aujourd‟hui exercée par la Haute autorité pour la protection des œuvres et des droits sur Internet, au CSA, en cohérence avec la compétence de régulation de l‟offre légale »395. Alors que la présidente de l‟HADOPI affirme que celle-ci « n‟est pas une porte d‟entrée à la régulation des contenus sur internet »396, il semble pourtant, dans le cadre de la lutte contre les sites diffusant des contenus audiovisuels illégaux, qu‟une telle fusion ne soit pas dénuée d‟intérêts397.

b. La convergence supposée des objets de la régulation des communications et de l‟audiovisuel

Plusieurs arguments sont régulièrement avancés pour justifier une régulation commune des communications électroniques et de l‟audiovisuel. Ces deux secteurs du numérique connaissant depuis quelques années des évolutions technologiques sans précédent, l‟idée se développe ainsi qu‟il faudrait les appréhender comme un tout, et non plus comme

390 Audition d‟Olivier Schrameck, Président du Conseil supérieur de l‟audiovisuel, Table ronde La régulation dans le domaine des technologies de l‟information, Ibid. Pour le président du CSA, « le projet de confier les missions de l‟HADOPI au CSA présente à [ses] yeux une pertinence certaine »

391 Les mesures techniques de protection ont pour objectif la gestion des droits numériques (en anglais digital rights management - DRM), c‟est à dire le contrôle de l'utilisation qui est faite des œuvres numériques, contrôle qui s‟applique à tous les types de supports de transmission (TV, Internet, etc.).

392 Digital economic Act, 12 avril 2010.

393 Decret-loi n°70, du 9 avril 2003, Attuazione della direttiva 2000/31/CE relativa a taluni aspetti giuridici dei servizi della società dell'informazione nel mercato interno, con particolare riferimento al commercio elettronico, G.U. n°87, 14/04/2003.

394 AGCOM, Delibera n°452/13/CONS, 25/07/2013.

395 P. LESCURE, Mission « Acte II de l‟exception culturelle ». Contribution aux politiques culturelles р l‟ère numérique, Tome 1, Mai 2013, p. 17. L‟auteur propose également « de confier au CSA la mission d'observation des pratiques culturelles en ligne aujourd‟hui assumée par l‟HADOPI », p. 151.

396 Audition de Marie-Françoise Marais, Présidente de la Haute autorité pour la protection des œuvres et des droits sur Internet, Table ronde La régulation dans le domaine des technologies de l‟information, Ibid.

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plusieurs secteurs à réguler. Dans le domaine du numérique, la concrétisation de cette convergence s‟illustre avec les triple play et les quadruple play, offres commerciales par lesquels les opérateurs proposent à leur abonnés un ensemble de trois ou quatre services dans le cadre d‟un contrat unique : accès à internet, télévision, et téléphonie fixe voire mobile, avec le plus souvent un service de vidéos à la demande. La substitution de la diffusion analogique par une diffusion numérique pose ainsi la question des liens croissants entre des marchés autrefois distincts mais désormais réunis, comme c‟est le cas « des acteurs convergents » qui sont à la fois des fournisseurs d‟accès à Internet (FAI) et des diffuseurs de contenus en ligne. A l‟heure de la prise unique pour le téléphone, la télévision et l‟Internet, une séparation entre les instances de régulation ne semblerait plus un gage d'efficacité398. Pour cette raison, la convergence numérique serait à l‟origine d‟une convergence des régulations. En France, l‟élargissement des compétences du CSA en matière de régulation économique399 et la possibilité de contrôler les « services audiovisuels numériques »400, indiquent par exemple les nouveaux enjeux qui s‟imposent à l‟autorité de régulation de l‟audiovisuel en matière de personnel expert, ce que possède l‟ARCEP. Une fusion des régulateurs de l‟audiovisuel et des télécommunications créerait alors un guichet unique pour le consommateur et un bon moyen pour celui-ci, en qualité de « citoyen connecté », de bénéficier d‟un interlocuteur unique pour des marchés pour lesquels le consommateur ne fait plus de distinction.

Un autre argument avancé pour expliquer l‟intérêt d‟une fusion des deux types de régulations est celui du besoin de coopération renforcée entre les deux types de régulateurs, coopération aujourd‟hui devenue inefficace401. Afin de réguler le contenu, les régulateurs de l‟audiovisuel semblent ainsi dépendants d‟une action menée sur le contenant. A la suite de l‟échec des procédures de contrainte lancées contre les moteurs de recherche402 et des

398 N. SONNAC et P. WILHELM, Fusion CSA-ARCEP-Hadopi : le temps de l‟action est venu, Le Cercle Les Echos, 24 septembre 2012.

399 L. FRANCESCHINI, « Les points clés de la loi du 15 novembre 2013 relative à l‟indépendance de l‟audiovisuel public », RLDI 2014/101.

400 CSA, rapport annuel 2013, proposition n°1, p. 20.

401 Pour certains auteurs, « mettre en place un système de coopération entre régulateurs est long et inefficace » ; D. LESCOP, « Numérique et marchés : vers la régulation ou la dérégulation ? » in « Ateliers du Numérique », Le cercle des échos, 23 mai 2012. Pour l‟auteur, docteur en économie et ancien expert de l‟ARCEP, « l‟architecture institutionnelle de régulation de la société de l‟information est aujourd‟hui complètement éclatée, inefficace et requiert une réforme en profondeur ». Il propose ainsi de « réformer le système actuel de régulation par la création d‟une Autorité de régulation pour la société de l‟information ».

402 Voir notamment à propos de la responsabilité du moteur de recherche Yahoo ! en Italie : Tribunal de Rome IX sezione civile, sezione specializzata in material di Proprietà Intellettuale, Sentenza Ya hoo!, 16 juin 2011. La section de la cour d‟appel italienne chargée des affaires relevant de la propriété intellectuelle a

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sanctions prononcées à l‟égard des internautes403, il semble qu‟actuellement, seul le blocage des sites illégaux soit susceptible de lutter efficacement contre les téléchargements illicites404. Afin de bloquer un site de téléchargement illégal sur internet le plus souvent basé en dehors des frontières européennes, le seul moyen dont dispose le régulateur est de demander l‟interdiction de l‟accès aux sites concernés en imposant aux différents FAI de bloquer cet accès. Cette pratique longtemps considérée comme contraire aux dispositions de l‟Union européenne405 et qui est récemment admise par la CJUE406 est utilisée par les juges nationaux sur requête des régulateurs de l‟audiovisuel. Au Royaume-Uni, sur demande de l‟Ofcom, la Haute Cour a notamment ordonné en 2013 à six fournisseurs d‟accès internet de premier plan (représentant 94 % des internautes britanniques) de bloquer l‟accès à trois sites de partage de fichiers en peer-to-peer407. Quant aux sites de streaming et de téléchargement, plusieurs juges

annulé la décision prise par le tribunal de Rome le 20 mars 2011 dans l‟affaire Yahoo ! relative à la suppression des liens qui violent le droit d‟auteur. Yahoo! était accusé d'avoir laissé les liens vers des sites pirates, un site P2P et des sites de diffusion en flux continu. Selon la cour d‟appel, la responsabilité de Yahoo ! pour complicité de contrefaçon ne peut être engagée et Yahoo ! n‟a aucune obligation d‟effectuer un contrôle préventif.

403 En France, le système de réponse graduée de l‟HADOPI face aux téléchargements illégaux semble en effet peu efficace. La première sanction prononcée par un tribunal pour téléchargement illicite à la suite de cette procédure date de juin 2013 alors même que l‟HADOPI relevait en 2011 que 49% des français téléchargeaient illégalement sur internet (Hadopi, biens culturels et usages d‟internet : pratiques et perceptions des internautes français, 23 janvier 2011, p. 10).

404 Contra, voir : Cour d‟appel de La Haye, 28 janvier 2014, Ziggo & XS4ALL v. BREIN, ECLI:NL:GHDHA:2014:88. La cour a considéré que plusieurs fournisseurs d‟accès internet n‟étaient pas tenus de bloquer l‟accès de leurs abonnés au site The Pirate Bay. La cour estime que le nombre de personnes qui téléchargent illégalement a augmenté, malgré le blocage du site web The Pirate Bay et que le blocage de l‟accès au site est par conséquent inefficace dans la mesure où il n‟a pas empêché les nouveaux arrivants sur le site web de télécharger du contenu à partir d‟une source illicite. En outre, elle note que la diminution du nombre de visiteurs sur le site web n‟a pas conduit à une réduction significative du nombre de violations du droit d‟auteur commises par les abonnés des fournisseurs d‟accès en question. Par conséquent, selon la cour, le blocage du site web The Pirate Bay a été inefficace dans la prévention du téléchargement illicite.

405 Voir : CJUE, 24 novembre 2011, Sca r let Extended SA v. Société belge des a uteur s, compositeur s et éditeur s SCRL (Sa ba m), Aff. C-70/10, ECLI:EU:C:2011:771 : la Cour conclut qu‟une injonction contraignant un FAI à mettre en place un système de filtrage sur son réseau n‟est pas autorisée par la législation de l‟Union européenne ; CJUE, 16 février 2012, Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM) v Netlog NV, Aff. C-360/10, ECLI:EU:C:2012:85 : « les directives 2000/31/CE, 2001/29/CE et 2004/48/CE, lues ensemble et interprétées au regard des exigences résultant de la protection des droits fondamentaux applicables, doivent être interprétées en ce sens qu‟elles s‟opposent à une injonction faite à un prestataire de services d‟hébergement de mettre en place le système de filtrage litigieux ».

406 CJUE, 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien GmbH v. Constantin Film Verleih GmbH et Wega Filmproducktionsgesellschaft mbH, Aff. C-314/12, ECLI:EU:C:2014:192 : la cour estime que « les droits fondamentaux reconnus par le droit de l‟Union doivent être interprétés en ce sens qu‟ils ne s‟opposent pas à ce qu‟il soit fait interdiction, au moyen d‟une injonction prononcée par un juge, à un fournisseur d‟accès à Internet d‟accorder à ses clients l‟accès à un site Internet mettant en ligne des objets protégés sans l‟accord des titulaires de droits ».

407 Haute cour d'Angleterre et du pays de Galles, 28 février 2013, Emi Recor ds a nd other s v. Br itish Sky Br oa dca sting Ltd a nd other s, [ 2013] EWHC 379 .

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nationaux ont également pris des mesures à l‟encontre des FAI leur imposant le blocage de sites illégaux408. En France, le 28 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a notamment ordonné aux cinq principaux fournisseurs d‟accès à internet français le blocage de l‟accès à seize sites de streaming dits « de la galaxie Allostreaming » et leur déréférencement par quatre moteurs de recherche409. Il s‟agit donc, afin de réguler le « contenu », d‟opérer un contrôle accru sur le « contenant ».

Une difficulté similaire est rencontrée concernant la diffusion des contenus des chaînes de télévision sur Internet, comme en témoigne une récente décision de l‟autorité de régulation de l‟audiovisuel lettone relative aux restrictions de la retransmission des chaînes

NTV-Mir et Rossiya RTR sur le territoire letton410. Dans le contexte de la crise en Ukraine et en Crimée, le Conseil national des médias électroniques (Nacionālā elektronisko plašsaгiņas līdгekļu padome - NEPLP) avait été saisi de nombreuses plaintes selon lesquelles des

émissions diffusées par plusieurs chaînes de télévision russophones encourageraient la guerre et une intervention militaire, incitant à la haine et portant atteinte à l‟unité territoriale des pays concernés. Le Conseil avait par conséquent décidé le 3 avril 2014 de restreindre pour une