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Le rôle du pouvoir politique dans la diffusion du modèle de régulation financière par objectifs

Section 2. Le choix d’une architecture intégrée de l’autorité de régulation

B. Le rôle du pouvoir politique dans la diffusion du modèle de régulation financière par objectifs

Du point de vue de l‟efficacité juridique et économique, le recours au modèle de supervision par objectifs semble actuellement une solution aux problématiques rencontrées lors de la crise débutée en 2007. Le secteur financier n‟en demeure pas moins un secteur particulier dont l‟impact d‟une mauvaise gestion se répercute aisément sur l‟économie au quotidien, ce qui en fait un secteur tout particulièrement « surveillé » par la classe politique. Pour cette raison, l‟évolution de la régulation financière vers un modèle par objectifs peut se faire de manière pragmatique (1), le législateur jugeant qu‟il devient nécessaire d‟adapter la régulation aux contraintes de la réalité. A l‟inverse, des indécisions politiques peuvent être un frein à toute modification de la structure de la supervision financière (2).

1. Le pragmatisme et la consultation comme préludes à une réforme structurelle de la supervision financière

Les constats tirés en Europe de la crise de 2007 ont poussé certains Etats pourtant ancrés dans un système de supervision financière à modifier substantiellement l‟architecture de celui-ci. La tendance générale observée est un abandon des architectures traditionnelles que sont les systèmes sectoriel et intégré au profit de l‟approche par objectifs.

a. L‟abandon du modèle sectoriel au profit du modèle par objectifs en France et en Italie

Initialement organisés selon des modèles sectoriels, plusieurs systèmes de supervision européens ont connu de profondes mutations au cours des quinze dernières années, illustrant ce mouvement global selon lequel le modèle par objectifs s‟impose au modèle sectoriel.

620 B.S. BERNANKE, Central Banking and Bank Supervision in the United States, Remarks before the Allied Social Science Association Annual Meeting, Chicago, Illinois , January 5, 2007 : « without involvement in microprudential oversight of banks, its monetary policy would suffer and it would be less able to manage the full range of crises from bank failures ».

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Malgré plusieurs propositions de rationalisation621, le système de supervision français était jusque récemment marqué sectoriellement et fonctionnellement, constituant l‟un des systèmes les plus diffus et les plus complexes d‟Europe au sein duquel pas moins de dix entités exerçaient des activités de supervision : la Commission des Opérations de Bourse (COB), le Conseil des Marchés Financiers (CMF), le Conseil de Discipline de la Gestion Financière (CDGF), la Commission Bancaire, le Comité des Etablissements de Crédit et des Entreprises d‟Investissement (CECEI), le Comité de la Réglementation Bancaire et Financière (CRBF), la Commission de Contrôle des Assurances, des Mutuelles et des Institutions de Prévoyance (CCAMIP), la Commission de Contrôle des Assurances (CCA), le Comité des Entreprises d‟Assurance (CEA) et la Banque de France. La réforme initiée en 2003622 posa les prémisses d‟un système marqué par une grande dichotomie que l‟ordonnance du 21 janvier 2010 finalisera avec la création de l‟ACPR623. La lettre de mission signée par la ministre de l‟économie et des finances en 2008 à destination de Bruno Deletré résume l‟objectif de cette réforme. Elle avait notamment « comme objectif l‟efficacité et la compétitivité [du] système de supervision et de contrôle624 » au « regard de la crise financière subie depuis l‟été 2007 ». La mission, qui s‟appuya sur de nombreuses auditions et consultations625, devait notamment envisager « les rapprochements entre autorités, pour augmenter la visibilité et l‟efficacité [du] dispositif et favoriser les synergies entre autorités, notamment prudentielles ». Depuis 2010, le premier pôle dédié à la régulation des marchés financiers chargé de l‟objectif commercial est assuré par l‟AMF, autorité indépendante issue de la fusion de la COB, du CMF et du CDGF. Chapeautant l‟ensemble de la supervision financière, la Banque de France est responsable du « bon fonctionnement et [de] la sécurité des systèmes de paiement626 ». N‟exerçant pas de contrôle direct sur les institutions financières, c‟est surtout par l‟intermédiaire de l‟ACPR, chargée de l‟agrément et du contrôle des établissements bancaires et des organismes d‟assurance que la Banque de France manifeste désormais son influence.

621 J-J. DAIGRE, « La complexité de l‟architecture institutionnelle du secteur financier en France », op. cit., p. 60 ; N. DECOOPMAN, « La nouvelle architecture des autorités financières. Le volet institutionnel de la loi de sécurité financière », JCP. G, 2003, n°42, p. 1817.

622 Loi de sécurité financière n°2003-706 du 1er aout 2003, JO n°177 du 2 août 2003

623 Ordonnance n°2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d‟agrément et de contrôle de la banque et de l‟assurance, JO n°0018 du 22 janvier 2010.

624Lettre de mission, Ministère de l‟économie, de l‟industrie et de l‟emploi,30 juillet 2008.

625 Voir Annexe I : Liste des personnes rencontrées par la mission, in B. DELETRE, Rapport sur la mission de réflexion et de propositions sur l‟organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France, op.cit, pp. 97 et s.

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Ce nouveau système met ainsi fin à « une architecture complexe héritée du passé »627, illustrant une « régulation insuffisamment efficace face aux mutations des activités financières »628. Le nouveau système bipolaire français se rapproche ainsi du modèle Twin Peaks australien629, qui présente la particularité d‟organiser la supervision prudentielle par une autorité distincte de la Banque centrale, bien que lui étant adossée. Elle est en outre marquée par une spécificité, l‟AMF se cantonnant à l‟épargne et l‟ACP ne traitant pas des questions relatives aux valeurs mobilières.

Bien que n‟étant pas marqué d‟une telle empreinte fonctionnelle, le système de régulation financière italien s‟est depuis longtemps organisé autour de quatre autorités sectorielles : la Banca d‟Italia, créée en 1893, la Commissione nazionale per le società e la Borsa630 (CONSOB), l‟Istituto per la vigilanza sulle assicurazioni private631 (ISVAP) et la

Commissione di vigilanza sui fondi pensione632 (COVIP). Fin 2003, les scandales financiers de la société Parmalat et de la banque Capitalia633 conduisirent le gouvernement italien à procéder à une profonde réévaluation du fonctionnement du système financier. Le projet du ministre de l‟économie Giulio Tremonti, présenté au conseil des ministres le 3 février 2004634

puis déposé devant les parlementaires635, envisageait la création d‟une autorité de supervision intégrée calquée sur la FSA britannique, l‟Autorità per la tutela del risparmio (Autorité pour la protection de l‟épargne). La réforme aboutit finalement en 2005636 à un renforcement de la CONSOB comme autorité des marchés financiers637 et l‟exercice de la surveillance

627 Cour des comptes, « Les autorités de contrôle et de régulation du secteur financier », in Rapport public annuel 2009 de la Cour des comptes, 2009, p. 389

628 Ibid, p. 397.

629B. DELETRE, Rapport sur la mission de réflexion et de propositions sur l‟organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France, op.cit, p. 75.

630 Loi n° 216 du 7 juin 1974, Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 8 aprile 1974, n. 95, recante disposizioni relative al mercato mobiliare ed al trattamento fiscale dei titoli azionari, G.U n°149, 8/06/1974.

631 Loi n° 576 du 12 aout 1982, Riforma della vigilanza sulle assicurazioni, G.U n°229, 20/08/1982.

632 Décret-loi n° 124 du 21avril 1993, G.U n°40, 27/04/1993.

633 A. NUZZO, « Parmalat, Alitalia e simili: occupazione, risparmio e via italiana nella gestione delle crisi d'impresa », Analisi Giuridica dell‟Economia, 1-2009, giugno 2009, p. 105. Voir également : B. MARX, « Parmalat. C‟est arrivé près de chez vous », La lettre de Confrontations Europe, n°66, février-mars 2004, p. 4.

634 Conseil des ministres, Disposizioni per la tutela del risparmio e la disciplina dei mercati finanziari, 03/02/2004.

635 Projet de loi n° 4747 du 25 février 2004, Istituzione del Sistema di Tutela del Risparmio.

636 Loi n° 262 du 28 décembre 2005, Disposizioni per la tutela del risparmio e la disciplina dei mercati finanziari, G.U no 301, 28/12/2005.

637 G. PAROLA et M. POTO, « La Consob : l'AMF italienne ? Création, développement et réformes de l'Autorité italienne des marchés financiers », Gaz. Pal., 22 septembre 2007, n° 265, p. 11.

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prudentielle par la Banca d‟Italia (banque), l‟ISVAP (assurance) et la COVIP (fonds de

pension). Depuis quelques années, la coexistence de ces empreintes sectorielles du système italien tend définitivement à s‟effacer suite aux réformes engagées après la crise de 2008. Celles-ci se traduisent par le renforcement d‟un cadre bipolaire similaire à celui choisi en France : depuis le décret-loi du 7 août 2012638, l‟autorité administrative indépendante chargée de la surveillance du secteur de l‟assurance, l‟ISVAP, est remplacée par l‟Instituto per la vigilanza sulle assicurazioni (IVASS), nouvelle autorité exerçant la supervision prudentielle de ce dernier sous l‟autorité de la Banque d‟Italie. Depuis le 30 avril 2014, le projet de modifier le statut de la COVIP pour adosser également celle-ci à la Banque centrale fut ouvert à consultation publique639 et est désormais à l‟étude par le gouvernement Renzi640. Le souhait de simplification de la structure institutionnelle en Italie sera ainsi exaucé par la constitution d‟un grand pôle de supervision prudentielle au sein de la Banque d‟Italie.

b. L‟abandon du modèle intégré au profit du modèle par objectifs au Roвaume-Uni

Laissant longtemps une grande liberté aux institutions privées du secteur financier afin de les laisser réguler leurs activités, le système britannique était traditionnellement marqué par l‟autodiscipline de ses propres acteurs641. Ce n‟est qu‟à la fin des années 1990642

que le gouvernement britannique emprunta le chemin vers un modèle de régulation intégré organisé autour d‟une agence unique, la Financial Services Authority (FSA)643. Depuis lors, la FSA supervisait la quasi-totalité des activités financières, la Bank of England (BoE) ne

638 Décret-loi n° 135 du 7 aout 2012, G.U n°189, 14/8/2012.

639 Les résultats de la consultation publique sont publics sur le site http://www.funzionepubblica.gov.it. Le point n°19 traite de l‟intégration de la COVIP dans la Banca d‟Italia. En France, une consultation publique sur les propositions du rapport de la mission de Bruno Deletré sur la commercialisation des produits financiers et le respect des obligations des banques vis-à-vis de leur clientèle avait également été lancée par C. Lagarde du 1er novembre au 31 décembre 2009.

640 Voir : C. GIURO, « Renzi intende trasferire le competenze della Covip alla Banca d‟Italia », Pensione & Walfare italia, 6 maggio 2014 ; C. LINGUELLA, « Risoppressa la Covip, Previdenza Complementare », P r evidenza complementa r e, 5 maggio 2014 ; C. GIURO, « Ma Renzi fa bene a rispolverare l‟abolizione della Covip? », Milano Finanza, 10 maggio 2014.

641 F. PERIER, « L‟Organisation Internationale des Commission de Valeurs (OICV) et le rôle des régulateurs boursiers dans l‟internationalisation des marchés », REF, Vol. 33, n° 2, 1995, pp. 124 et s.

642 Le Financial Services and Markets Act de 2000, entré en vigueur en décembre 2001 en abrogeant le Banking Act (1982), le Financial Services Act (1986) et l‟Insurance Companies Act (1982), institue par la loi la FSA comme régulateur unique.

643 C. BRIAULT, « The Rationale for a Single National Financial Regulator », FSA Occasional Paper n°2, London, FSA, 1999 ; E. FERRAN, « Examining the United Kingdom‟s experience in adopting the single financial regulator model », Brooklyn Journal of International Law, Vol 28, n°2, 2003, pp. 260 et s.

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conservant qu‟une responsabilité générale de stabilité sur l‟ensemble du secteur644.

Longtemps considérée comme un modèle – on parlait de « modèle FSA » pour qualifier un

système de supervision unifié – l‟architecture intégrée de la FSA fut toutefois récemment remise en cause par la crise financière débutée en 2007. Celle-ci n‟épargna pas le Royaume-Uni et affecta largement le système banquier britannique, entrainant notamment l‟intervention de l‟Etat auprès de plusieurs grandes banques afin d‟en éviter les faillites645. C‟est dans ce contexte qu‟une réflexion sur une réforme institutionnelle du système de supervision financière vit le jour.

Cette réflexion sur l‟évolution de la régulation financière fût entamée par différents acteurs dès 2008. Le premier est Lord Jonathan Adair Turner, ancien président de la FSA nommé en 2008 au sortir de la crise. Dans une intervention publique dans le magazine

Prospect646 et dans un discours à la Mansion House le 22 septembre 2009647, Turner pointe du doigt les défaillances de la FSA en matière de contrôle prudentiel, le défaut de transmissions d‟informations à la BoE et l‟absence de communication et d‟échange entre les deux autorités648. Pour Lord Turner, c‟est l‟approche globale de la régulation au Royaume-Uni qu‟il convient de modifier : « we need radical change. Regulators must design radically changed regulations and supervisory approaches, but we also need to challenge our entire past philosophy of regulation »649. Le second est George Osborne, Chancelier de l‟Echiquier depuis 2010. S‟appuyant sur les remarques formulées par Lord Turner, celui-ci décide dès 2010 de réformer en profondeur le système britannique et lance une consultation de grande ampleur au mois d‟août de la même année à la suite d‟un premier rapport établissant les grands axes de la réforme650. Ces phases de consultations aboutirent à deux nouveaux rapports aux titres explicites, en février651 et juin 2011652. Ils soulignent l‟échec de l‟organisation

644 R. BISMUTH, La coopération internationale des autorités de régulation du secteur financier et le droit international public, op.cit, p. 88.

645 Nationalisation totale des banques Northern Rock et Royal Bank of Scotland, nationalisation partielle du Lloyds banking group.

646 Lord J.A. TURNER, « How to tame global finance ? », P r ospect Ma ga zine, August 27, 2009.

647 Lord J.A. TURNER, Mansion House Speech, The City Banquet, September 22, 2009, The Mansion House, London. Consultable sur le site www.fsa.gov.uk.

648Cette dernière critique fit d‟ailleurs l‟objet d‟une analyse menée par Alistair Darling, Chancelier de l‟Echiquier de 2007 à 2010 dans ses mémoires publiées en 2011. Voir : A. DARLING, Back from the Brink: 1000 Days at Number 11, Hardcover edition, 2011.

649 Lord J.A. TURNER, Mansion House Speech, op. cit.

650 HM Treasury, A new approach to financial regulation: judgement, focus and stability, Cm 7874, July 2010.

651 HM Treasury, A new approach to financial regulation: building a stronger system, Cm 8012, February 2011.

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tripartite de la supervision financière entre le HMT, la BoE et la FSA, qui n‟a pas permis d‟identifier et de prévenir l‟instabilité des banques et l‟augmentation rapide et insoutenable de la dette au Royaume-Uni653. Le constat est sévère : la défaillance du système de supervision britannique dans la prévention et la gestion de la crise est complète ; La régulation légère et limitée voulue par Gordon Brown en 2005654 doit faire place à une régulation plus stricte655.

La nouvelle architecture du système de supervision financière décidée en 2013 rompt radicalement avec les choix opérés jusqu‟alors. Désormais, la Banque centrale est responsable de la surveillance prudentielle par l‟intermédiaire de deux entités qui lui sont adossées : le

Financial Policy Committee (FPC) chargé de la prévention du risque systémique et la

Prudential Regulation Authority (PRA) pour la supervision micro-prudentielle des institutions financières prises individuellement. A leur coté, une autre autorité est créée, la Financial Conduct Authority (FCA), destinée à réguler la « conduct of business » des secteurs de la banque, de l‟assurance et des fonds d‟investissement et chargée de la protection des consommateurs. S‟appuyant sur des « balanced statutory objectives » 656, cette architecture se rapproche ainsi du système néerlandais de type Twin Peaks.

L‟objectif de rationalisation envisagé depuis les années 2000 par les gouvernements français, italien et britannique n‟a toutefois pas été atteint dans tous les Etats membres de l‟Union européenne, comme les Etats scandinaves et l‟Allemagne.

2. L‟indécision politique comme frein р une réforme structurelle de la supervision financière

Contrairement aux exemples précédents, un certain nombre d‟Etats de l‟Union européenne n‟analysent pas les différents modèles de supervision du système financier en fonction de leur seule efficacité mais également au regard de l‟agenda électoral. Ce fut le cas dans une certaine mesure au Royaume-Uni avec la FSA et son modèle intégré soutenu par les travaillistes pendant de nombreuses années et rejeté récemment par les Tories. C‟est le cas

653 G. OSBORNE, Mansion House Speech, Lord Mayor‟s dinner for bankers and merchants of the City of London, June 16, 2010, Mansion House, London. Consultable sur le site www.gov.uk.

654 Voir : E. ENGELEN, I. ERTÜRK, J. FROUD, S. JOHAL, A. LEAVER, M. MORAN, and K. WILLIAMS,

« Misrule of experts? The financial crisis as elite debacle », Economy and Society, Vol. 41, Issue 3, 2012, p. 360.

655 G. OSBORNE, Mansion House Speech, op. cit.

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encore actuellement en Allemagne où la question du choix de recourir ou non à l‟Agence fédérale de contrôle des services financiers (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht - BaFin) dépasse le strict cadre de l‟avantage d‟un système unifié de supervision sur un autre en vue d‟un meilleur contrôle, pour illustrer essentiellement des conflits entre la CDU et le SPD, de telle sorte que le choix opéré est fortement marqué du sceau du pouvoir politique.

a. La remise en cause progressive du modèle intégré de supervision financière en Allemagne

Le choix d‟un modèle intégré de supervision financière en Allemagne naît en 2002 par le vote au Bundestag de la Finanzdienstleistungsaufsichtsgesetz (FinDAG), qui fusionne l'Office fédéral de surveillance bancaire (Bundesaufsichtsamt für das Kreditwesen - BAKred), l'Office fédéral de surveillance des valeurs mobilières (Bundesaufsichtsamt für den Wertpapierhandel - BAWe) et l'Office fédéral des assurances de surveillance (Bundesaufsichtsamt für das Versicherungswesen - BAV) au sein d‟une seule autorité, la BaFin657. Calquée sur le Allfinanz-Konzept658 du modèle britannique de la FSA tout en conservant certaines spécificités sectorielles659, la BaFin ne fut pas épargnée par la crise des

subprimes débutée en 2007 et montra les défaillances de son système de supervision financière et notamment le défaut d‟une supervision prudentielle efficace. Prenant ses fonctions fin 2009, le Gouvernement soutenu par la coalition formée des démocrates-chrétiens de la CDU et des libéraux du FPD décida de restructurer le système allemand de surveillance des marchés financiers, la BaFin ayant été jugée défaillante et principale responsable de la crise en Allemagne660. L‟élément central de la réforme envisagée était de concentrer le contrôle des banques aux mains de la Bundesbank (BuBa)661. Selon l‟actuel article 7 de la loi bancaire fédérale (KWG), la Bundesbank et la BaFin partagent les compétences en matière de supervision bancaire. Cette réforme voulait retirer les compétences bancaires à la BaFin et lui

657 Pour une présentation de l‟architecture de la supervision financière avant 2002, voir : M. ANDENAS, J-H. BINDER, « Financial market regulation in Germany : the new institutional framework », in M. ANDENAS, Y. AVGERINOS (dir), Financial markets in Europe. Towards a single regulator?, London/New York, Kluwer Law International, 2003, p 368.

658 T. PARK, « Kapitalmarktstrafrecht: Handkommentar », Nomos, 2004, p. 28.

659 Pour une analyse des spécificités organisationnelles de la BaFin, notamment à propos de ses divisions sectorielles, voir : K.K. MWENDA, « Legal aspects of unified financial services supervision in Germany », German Law Journal, Vol 4, n°10, 2003, p. 1024s.

660 P. MÜLBERT, « Finanzmarktregulierung – Welche Regelung empfehlen sich für den deutschen und europäischen Finanzsektor? », Juristenzeitung, 65/17, 2010, p. 834.

661 Voir : Coalition Agreement, Wachstum, Bildung, Zusammenhalt, Koalitionsvertrag zwischen der CDU, CSU und FDP, 26 October 2009.

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laisser les seules taches de contrôle des secteurs de l‟assurance et des valeurs mobilières. Bien que recevant le soutien de l‟Institut de recherche économique de Cologne662, ce type de séparation ne semblait pas une réponse adéquate à la défaillance de la BaFin, la concentration du contrôle des différents secteurs financiers au sein d‟une même entité n‟étant pas a priori la principale cause de la crise. Suite aux annonces du gouvernement, le porte-parole de la politique financière de la CDU-CSU auprès du Bundestag, Leo Dautzenberg, proposa un « Holding Modell » visant à faire travailler de concert la Bundesbank, la BaFin et le fonds spécial de stabilisation des marchés financiers (Sonderfonds Finanzmarktstabilisierung - SoFFin) sous le contrôle de l‟administration et du ministère des finances663. Cette proposition fût rejetée par la Bundesbank qui voyait dans ce projet une entrave à son indépendance664. En réaction à ces propositions, le président de la Bundesbank, Axel Weber, proposa en 2010 un « Integrationsmodell » visant à transférer une partie des compétences de la BaFin à la

Bundesbank. Cette proposition rapprocherait étroitement le système de supervision financière allemand du modèle néerlandais de type Twin Peaks. En effet, Weber estima que les défaillances de la BaFin étaient dues à la confusion des activités de contrôle des conduites de commercialisation et de supervision prudentielle, la première étant privilégiée au détriment de la seconde665. En outre, le dialogue et la communication entre la BuBa et la BaFin à propos de la supervision de la stabilité des différentes institutions financières étaient défaillants666. Pour ces raisons, Weber proposa que les compétences de supervision prudentielle de tous les secteurs financiers – banques, assurances, valeurs mobilières – soient assurées par la

Bundesbank, la BaFin étant limitée à la « surveillance du marché » et à la protection du consommateur667.

662 M. HÜTHER, M. JÄGER, M. HELLWIG, T. HARTMANN-WENDELS, Arbeitsweise der Bankenaufsicht vor dem Hintergrund der Finanzmarktkrise , Institut der deutschen Wirtschaft Köln, 2009.