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Redéfinir par la loi le critère lié à l’existence du traitement approprié dans le pays d’origine

3.1. Garantir l’équité de traitement des étrangers demandeurs d’une admission au séjour pour motif

3.1.1. Redéfinir par la loi le critère lié à l’existence du traitement approprié dans le pays d’origine

La loi du 16 juin 2011 a entendu substituer au critère tiré de l’absence de bénéfice

« effectif » du traitement approprié, celui de l’absence matérielle d’un tel traitement dans le pays d’origine. La mission s’est donc légitimement interrogée, dans le cadre de l’évaluation de l’application de ce texte, sur la portée réelle de cette modification et l’opportunité d’un retour au cadre législatif antérieur (3-1-1-1), avant de proposer une rédaction alternative préservant le cadre objectif d’examen à la charge des autorités publiques (3-1-1-2).

3.1.1.1. La mission n’est pas favorable à un retour à la rédaction antérieure de l’article L.311-11- 11° du CESEDA

Force est de rappeler, en premier lieu, que même dans sa rédaction en vigueur, le code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile constitue la législation vraisemblablement la plus ouverte et généreuse en Europe –voire dans le monde- pour l’admission au séjour des étrangers malades. De même, le recollement statistique opéré par la mission démontre que la loi adoptée en juin 2011 n’a pas eu d’impact significatif sur le volume global des admissions au séjour prononcées en France pour motif de santé, qui poursuit une progression lente et régulière. Les avis favorables délivrés par l’autorité médicale, même appréciés sur une longue période, sont remarquablement stables (autour de 70% à 75% d’avis favorables par an depuis 1999) et quasi-systématiquement suivis par les services préfectoraux. Enfin, aucune situation individuelle dramatique n’a été portée à la connaissance de la mission, liée à un retour forcé en dépit d’un état de santé qui, dans l’état du droit antérieur, aurait pu –ou aurait dû- donner lieu à un droit au séjour.

Dans ces conditions, la mission est très réservée sur la pertinence d’une abrogation pure et simple de l’article 26 de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, dans le seul but de revenir à la rédaction antérieure du texte.

En effet, une telle abrogation remettrait en vigueur, par voie de conséquence, l’interprétation prétorienne qui a été faite de l’ancienne législation par les décisions de la section du contentieux du Conseil d’Etat du 7 avril 2010. Dans ces affaires, la haute juridiction a déduit de l’adverbe « effectivement » la possibilité pour l’étranger de contester la possibilité pour lui de bénéficier d’un traitement effectif dans son pays de retour, eu égard à ses moyens financiers propres ou à son éloignement géographique du centre médical indispensable au suivi de ses soins.

Or, ces critères tirés des ressources personnelles ou du choix de résidence dans le pays de retour ne sont susceptibles d’aucune appréciation objectivable pour l’administration et compliquent singulièrement la tâche de celle-ci, alors même qu'elle se heurte déjà en l'état actuel du droit à des difficultés importantes en termes de recherche d'information sur l'offre de soins dans les pays de retour. Faut-il rappeler que le Conseil constitutionnel lui-même, à l’occasion de la saisine dont il a fait l’objet sur la loi de 2011 admettait que le législateur avait, à bon droit, entendu « mettre fin aux incertitudes et différences d'interprétation nées de l'appréciation des conditions socio-économiques dans lesquelles l'intéressé pouvait

" effectivement bénéficier " d'un traitement approprié dans ce pays »68.

En effet, comment l'administration peut-elle apprécier la réalité des ressources dont disposera l’étranger dans son pays de retour, compte tenu de son âge, de ses aptitudes à occuper un emploi, du marché du travail local, du marché public et privé des assurances sociales et médicales, de l’existence de liens familiaux proches susceptibles de le prendre en charge, etc. ?

De même, comment les services préfectoraux pourront-ils apprécier objectivement les difficultés d’accès au traitement dans le pays de retour, en lien avec des considérations géographiques, sans une connaissance fine de la cartographie de chaque région de ces pays, de son réseau de communication et de transports, et surtout de la part de choix personnel de l’étranger, en dépit de son état de santé, de vivre éloigné de la –ou des- structure(s) de soin susceptible de le prendre en charge dans son pays ?

Certes, il pourrait être partiellement répondu, à l’instar des conclusions du rapporteur public dans les affaires précitées jugées par le Conseil d’Etat, que la charge de la preuve de l’impossibilité d’accès effectif aux soins reviendrait alors à l’étranger. Mais une telle charge de la preuve demeure tout à la fois difficile à « objectiver » -c’est une preuve négative qui serait alors exigée de l’étranger - et encore plus délicate à apprécier ensuite par l’administration sans une large part de subjectivité.

C’est pourquoi la mission préconise une voie alternative tant au maintien du statu quo qu’au retour pur et simple à la rédaction antérieure de la loi.

3.1.1.2. La mission privilégie une rédaction nouvelle de l’article L.311-11 11° du CESEDA faisant référence à la capacité globale du système de santé du pays d’origine à garantir un traitement approprié à l’état du patient La mission souligne tout d’abord l’apport déterminant de la doctrine d’emploi de la loi en vigueur à destination du corps médical à travers l’instruction de la DGS de novembre 2011. Cette instruction invite à apprécier, au-delà de la seule question de l’existence et de la disponibilité matérielle d’un traitement, la capacité objective de la structure sanitaire du pays d’origine à le mettre en œuvre efficacement.

Cette orientation administrative, dont le contenu avait fait l’objet d’une consultation préalable du ministère de l’Intérieur, procède d’un constat justifié selon la mission : l’existence avérée d’un médicament indispensable au traitement du patient dans le pays d’origine ne suffit pas toujours. Encore faut-il s’assurer également que la structure sanitaire –

68 Conseil constitutionnel n°2011-631 DC, 9 juin 2011, Journal officiel du 17 juin 2011, p. 10306, texte n°2 Rectificatif : Journal officiel du 26 juillet 2011, p. 12706, cons. 34 à 36.

appréciée à l’échelle nationale- sera en mesure d’en faire respecter la posologie, aura la capacité logistique d’en assurer l’administration régulière au patient puis d’assurer le suivi constant de celui-ci, et, le cas échéant, de prendre en charge efficacement les phases aiguës ou les complications liées à ce traitement.

Cette approche doit être privilégiée et valorisée par voie législative, en introduisant une référence explicite à la qualité du système de santé du pays d’origine comme condition de nature à garantir un traitement approprié effectif.

Ce critère, plus général, permettra – tout en demeurant objectivable - de prendre en considération, tant l’existence et la disponibilité du traitement nécessaire à l’étranger malade, que la capacité globale des structures de soins nationales du pays d’origine à le prendre efficacement en charge à son retour.

La rédaction proposée par la mission conduit également à faire disparaître de l’article la référence – redondante et inappliquée (cf. supra, 1.2.4.) - aux circonstances humanitaires exceptionnelles, étant entendu que les dispositions de l’article L.313-14 du CESEDA relatives à l’admission exceptionnelle au séjour comportent d’ores et déjà parmi ses motifs explicites de régularisation, celui tiré des considérations « humanitaires ».

1ER ALINÉA DE l’ARTICLE L.311-11 11° CESEDA

Rédaction suggérée termes suivants : « A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. Le titre de séjour est délivré sous réserve que le système de santé du pays dont il est originaire ne soit pas en capacité de lui faire bénéficier d’un traitement approprié. »

3.1.2. Préciser la notion « d’exceptionnelle gravité » prévue par l’article L.313-11