• Aucun résultat trouvé

2.3. Le volet médical de la procédure d’instruction des demandes apparaît mal maîtrisé et génère de

2.3.3. Dénuement documentaire

Pour les M.ARS, l’exercice de cette mission confiée par la loi se heurte à deux difficultés essentielles.

2.3.3.1. La fréquente inconsistance des rapports médicaux transmis au M.ARS Dans la mesure où le M.ARS n’examine pas et ne rencontre pas la personne demandeuse, la qualité du rapport médical rédigé par le médecin agréé ou le praticien hospitalier est un élément déterminant du dispositif. Plusieurs médecins d’ARS ont fait valoir à la mission que les documents qui leur étaient transmis pouvaient s’apparenter à un simple certificat médical dans lequel ils ne retrouvaient pas les informations permettant de statuer.

Dans d’autres cas, ils recevaient un rapport médical en bonne et due forme.

Mais il est incontestable qu'une dose de méfiance s'installe entre médecins agréés et praticiens hospitaliers (PH), d'une part, et certains M.ARS, d'autre part. En réaction à des rédactions incomplètes de rapports médicaux, certains M.ARS se sont interrogés sur l’opportunité de choisir les médecins agréés parmi une liste de médecins ayant passé un diplôme de type D.U d’éthique ou d’expertise (région PACA, Alsace) comme facteur sécurisant pour leur propre démarche. Concernant plus spécifiquement le milieu hospitalier, plusieurs M.ARS rencontrés par la mission déplorent le fait que les rapports médicaux soient parfois établis par des médecins non habilités (assistants, internes, attachés...), ne disposant pas de l'expérience professionnelle requise, qu'ils soumettent à un PH référent qui se contente de les signer.

Autre source de méfiance (DT 77, DT 94, préfecture de police de Paris, région PACA), les M.ARS déplorent que leurs relances auprès des médecins agréés ou des PH pour obtenir plus de précisions, suite à des rapports incomplets ou lorsqu'un doute apparaît quant à l'identité de l'intéressé,57 restent lettres mortes (l'absence de réponse à la relance diminue d'ailleurs les chances de l'étranger de se voir accorder le statut d’étranger malade car le M.ARS n'est pas en mesure de formuler un avis au préfet qui statue alors défavorablement).

S’ajoutent à cela des éléments qui peuvent s’apparenter à de la fraude ou à de l’indifférence, comme les rapports stéréotypés ou rédigés sur des papiers à en-tête volés.

2.3.3.2. La pauvreté des informations mises à disposition des M.ARS sur la situation sanitaire dans le pays de renvoi

L'une des problématiques les plus sensibles à cet égard réside dans la modicité, sinon l'absence d'informations, sur les conditions de prise en charge dans le domaine sanitaire au sein des différents pays d'origine. Pour obtenir en effet la décision la plus juste possible en

57 A Paris, il existe ainsi une procédure sécurisée pour les examens et analyses de laboratoire intégrant les préoccupations

"d'identitovigilance", mais c'est le seul exemple rencontré par la mission.

matière d'attribution du statut d'étranger malade, il est nécessaire de disposer des informations les plus précises possibles dans les deux domaines suivants :

la connaissance de l'état de santé réel de la personne qui sollicite le bénéfice de ce statut ; les conditions dans lesquelles elle pourra être prise en charge en cas de retour dans son pays d'origine de manière à assurer la continuité des soins et lui éviter des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Or, dans les faits, les médecins des ARS (ou, à Paris, le médecin-chef de la préfecture de police, mais l'argument est nettement atténué en ce qui le concerne, cf. infra) appelés à formuler un avis dans ce domaine ne disposent que d’informations lacunaires sur le deuxième point et d'informations partielles sur le premier point (cf. supra, sur les rapports médicaux).

Un jeu de 30 « fiches pays », élaborées pour partie par l’ex-DPM – direction des populations et des migrations- avait été mis à disposition des médecins en 2006 et constituait une banque de données, certes partielle et imparfaite, sur les systèmes de santé des principaux pays de renvoi. Mais ces fiches-pays étaient critiquées, en particulier par les associations, et la DGS a cessé de s'y référer (ainsi, elles n'apparaissent plus sur le site intranet du ministère en charge de la santé).58 La DGS n’a pas souhaité actualiser ces documents, et ce malgré une enquête d'avril 2008 du même ministère soulignant qu’elles donnaient des informations intéressantes, par exemple par pathologie, sur l'offre de soins dans le pays d'origine.

L’argumentaire avancé auprès de la mission par la DGS fait état de données sur l’offre de soins, notamment pour les pays qualifiés d’intermédiaires (Europe de l’Est par exemple), évolutives, et issues de sources variées qui justifieraient l’organisation d’une veille permanente. En l'absence d'un tel dispositif, la DGS a préféré supprimer la référence aux fiches, considérant que celles-ci constituent des outils manquant de souplesse pour apprécier pleinement la notion de traitement approprié à une personne donnée.

Le site intranet du ministère en charge de la santé (direction générale de la santé) comporte une partie D dite « Foire aux questions 'étranger malade' ». On y trouve des informations d’ordre réglementaire, comme l'explication de la différence entre un rapport médical et un certificat médical, l’utilisation selon les situations d’une prise en charge relevant de la CMU et CMUc, ou de l’Aide Médicale d’Etat (AME), des éléments portant sur la santé mentale ou un rappel de l’annexe II de l’Instruction DGS du 10 novembre2011 relative aux recommandations pour émettre les avis médicaux concernant les étrangers malades atteints de pathologies graves.

L’instruction ministérielle déjà évoquée fait état dans son annexe II d'« outils d’aide à la décision pour les médecins en charge des dossiers » parmi lesquels figure le site internet de l’OMS, qui ne présente que des informations d'ordre macroéconomique et sociologique ne permettant en rien de statuer sur une situation individuelle (indice de développement humain, éléments géographiques et économiques continentaux ou régionaux, peu opérants pour une lecture par pays). Plus précises sont les informations qui émanent du site ONUSIDA, ou du GIP ESTHER, pour les patients atteints du VIH.

58 On notera qu'en revanche celles-ci sont toujours accessibles sur l'intranet du SGII à l'adresse suivante : http://intranet.immigration.gouv.fr/L-accessibilité-effective.aux. Voir en annexe 7 un exemple de fiche disponible.

Il en va de même en ce qui concerne les hépatites B et C, même lorsqu’il n’y a pas d’indication thérapeutique et que la situation clinique ne le justifie pas au moment de l’examen.

Un raccourci audacieux est proposé consistant à se baser sur l’approche VIH pour formuler une grille d’interprétation « pour toute pathologie lourde et/ou chronique »..

Puis sont cités pêle-mêle : l’INPES, ainsi que des structures pilotées par deux associations spécialisées dans ce domaine.

Ces outils d’aide à la décision font la quasi-unanimité des M.ARS quant à leur faible valeur opérationnelle.

Ce dénuement des M.ARS en ressources documentaires est pourtant paradoxal car de nombreuses données fiables existent et sont largement accessibles.

A ce stade, la mission s’interroge, eu égard à la rédaction de la loi, sur le fait qu’en 2007, et a fortiori en 2011, un dictionnaire médical « Vidal Afrique » bien documenté et riche en informations sur les traitements était disponible, incluant un index de la répartition géographique des spécialités et des produits pour les pays d’Afrique noire francophone (voir pièce jointe). Il en va de même pour l'Algérie qui dispose de son propre dictionnaire Vidal, très documenté lui aussi.

Absence de coopération interministérielle ou simple omission, il n’est fait référence nulle part dans cette instruction ministérielle à la possibilité de faire appel aux conseillers régionaux (CSR) du MAEE59. De même, n'est-il pas mentionné la possibilité de mobiliser les médecins conseils présents dans nos consulats.

De nombreux sites précis sont disponibles sur internet et incluent des fiches pays comme « Information on Return and Reintegration in Countries of Origin » (IRRICO 2, site néerlandais facilement accessible), le site du CIMED (Comité d’Information Médicale, d’initiative française et financé par le ministère des Affaires étrangères) qui édite des fiches santé-sur plus de 220 villes dans le monde, et décline la liste des hôpitaux et médecins joignables par pays, le programme Suisse "Return Information Fund" de l’Office international de migrations (OIM) existant depuis 2002 et basé à Berne qui répond à toute demande d’enquête médicale et sociale aux représentants-pays, etc.60

Aucun lien ne serait-ce qu’avec l’un d’entre eux n’est cité dans l’instruction de la DGS.

Ces éléments seront développés dans la troisième partie du présent rapport concernant la mise en place d’une politique publique plus opérationnelle.

59 Ces conseillers sont présents sur 5 régions d’Afrique Francophone, 4 zones d’Afrique de l’Est, la Caraïbe anglophone, Haïti, Cuba et le Suriname, l’Asie du Sud-est et les autres pays de l’ASEAN, ainsi que dans des pays du Moyen-Orient.

60 On trouvera en annexe 5 une liste de ces centres de ressources d'information avec, le cas échéant, l'adresse de leur site Internet.