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CHAPITRE 2 : LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX DE L’INDUSTRIE DES

2.10 LE RECYCLAGE DES NAVIRES USÉS

La forte croissance du phénomène des croisières depuis les années 1990 (Brida et Zapata, 2010; Association des croisières du Saint-Laurent au Québec, 2016; CLIA, 2016a) crée une importante compétitivité entre les différents acteurs maritimes. Cette compétitivité force les compagnies maritimes à se démarquer, entre autres en renouvelant leur flotte et en intégrant des niches de marché. La modernisation et la spécialisation de la flotte créent une désuétude des plus vieux navires qui se retrouvent habituellement vendus à des centres de démantèlement. L’enjeu est de construire des navires à haute valeur recyclable et présentant moins de matières dangereuses. L’atteinte de ces critères permet aux opérateurs de se qualifier pour obtenir des taux de crédit avantageux, des coûts d’assurances réduits, une meilleure capitalisation boursière pour les entreprises inscrites à la bourse, une augmentation des revenus grâce aux programmes de subventions et autres incitatifs gouvernementaux, l’ouverture à de nouveaux marchés par

l’obtention de prix ou de certification « verte » et l’augmentation des possibilités d’alliances stratégiques (Comtois et Slack, 2005).

2.10.2 La problématique

Les navires de croisières sont construits à partir de plusieurs types de matériaux. Parmi ceux-ci, certains comme l’acier, la plomberie, les meubles, la machinerie et les pièces électriques ont une valeur économique justifiant le recyclage des navires (Bhattacharjee, 2009). En contrepartie, les navires de croisières sont aussi construits à partir de matériaux pouvant être dangereux et toxiques lors du démantèlement du navire (Bhattacharjee, 2009; Chang, Wang et Durak, 2010). Parmi ces matériaux on recense l’amiante, les biphényles polychlorés, les hydrocarbures incluant les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les organostanniques comprenant des composés de tributylétain, les métaux lourds (plomb, mercure, arsenic, chrome, cadmium…), les dioxines, les matériaux isolants tels que le polychlorure de vinyle, les gaz comme les CFC, l’acide sulfurique, les peintures et les produits qui réduisent la couche d’ozone (Andersen, 2001; Comtois et Slack, 2005; Hossain et Islam, 2006; Bhattacharjee, 2009; OMI, 2009; Chang, Wang et Durak, 2010; Pasha, Hasan, Rahman et Hasnat, 2012; Vuori, 2013). Étant donné la sévérité des lois environnementales et des lois relatives à la sécurité au travail dans les pays industrialisés, le recyclage des navires s’effectue majoritairement dans des pays ou les lois sont moins restrictives. Ainsi, ces substances ont un impact important sur la santé et l’environnement dans les pays du sud de l’Asie tels que l’Inde, la Chine, le Bangladesh et le Pakistan (Hayman, Dogliani, Kvale et Fet, 2000; Comtois et Slack, 2005; Chang, Wang et Durak, 2010; Gregson, Watkins et Calestani, 2013; Vuori, 2013). Premièrement, la libération de ces substances toxiques expose les travailleurs aux risques de problèmes de santés tels que des cancers, des troubles neurologiques, des perturbations endocriniennes, des suppressions du système immunitaire, des vomissements, des diarrhées, de l’arythmie cardiaque, de l’infertilité, et des troubles sur le plan de la reproduction comme la baisse du poids à la naissance et la durée de la gestation (Andersen, 2001; Hossain et Islam, 2006; Bhattacharjee, 2009; Pasha, Hasan, Rahman et Hasnat, 2012). De plus, il y a un important risque d’explosion lors du démantèlement de la coque des navires (Vuori, 2013). Deuxièmement, la libération de ces substances peut avoir des effets irréversibles sur l’environnement local en contaminant les sols, en contaminant les cours d’eau, en contaminant l’air et en contaminant les espèces marines telles que les oiseaux

marins, les mammifères marins, les poissons, les mollusques, les crustacés, les tortues et les plantes marines (Comtois et Slack, 2005; Hossain et Islam, 2006; Bhattacharjee, 2009; Vuori, 2013).

2.10.3 Les réglementations internationales

La Convention de Bâle est entrée en vigueur en 1992 et concerne le « contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination ». En plus de définir les déchets dangereux, la Convention pose trois directives concernant leur gestion. Premièrement, la réduction de la production de déchets dangereux et la promotion de la gestion écologique des déchets dangereux, peu importe l’endroit où ils sont disposés. Deuxièmement, la restriction des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux, sauf s’ils sont conformes aux principes de gestion écologique. Troisièmement, la mise en place d’un système de réglementation s’appliquant aux mouvements transfrontaliers autorisés. En 1995, la Convention ajoute le « Ban Amendment », lequel interdit l’exportation de déchets dangereux provenant d’un pays de l’OCDE vers un pays hors OCDE pour leur élimination ou leur valorisation. Ceci inclut la vente des navires pour leur démolition ou leur récupération. Cependant, cet amendement n’a pas encore reçu le nombre de signatures nécessaires pour entrer en vigueur (UNEP, 2014).

En 2009, la Convention internationale de Hong Kong pour le « recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires » a été adoptée. Les règles de la Convention portent sur la conception, la construction, l’exploitation et la préparation des navires de manière à promouvoir un recyclage sûr et écologique des navires, l’exploitation sûre et écologique des installations de recyclage des navires et la mise en place d’un mécanisme approprié d’exécution pour le recyclage des navires. La Convention oblige les navires destinés au recyclage de posséder un inventaire des matières potentiellement dangereuses. Les navires devront faire l’objet d’une visite initiale visant à vérifier l’inventaire des matières potentiellement dangereuses, de visites de renouvellement ainsi que d’une visite finale avant le recyclage. Les chantiers de recyclage des navires devront aussi fournir un plan de recyclage pour chaque navire en fonction de ses particularités et de son inventaire. En 2018, la Convention n’est toujours pas entrée en vigueur (OMI, 2009). La Convention propose également des lignes directrices concernant la mise en

d’un inventaire des matières dangereuses (OMI, 2011b) et de la mise en place d’un environnement sécuritaire et écologiquement responsable pour le recyclage des navires (OMI, 2012a).

En 2001, le Bureau maritime international a adopté des lignes directrices concernant les « pratiques de l’industrie sur le recyclage des navires ». L’objectif est d’encourager les propriétaires de navires à compiler une liste des différents matériaux potentiellement dangereux sur chacun de leur navire en plus de maximiser les efforts afin de diminuer la quantité de matériel potentiellement dangereux à bord des navires (Bureau maritime international, 2001).

2.10.4 Les recommandations de pratiques à adopter

Il existe de la littérature concernant les pratiques à adopter par les pays recyclant les navires, mais très peu d’études abordent les meilleures pratiques à adopter par les opérateurs. De plus, aucune littérature spécifique au recyclage des navires de croisières n’est disponible.

• La préparation des navires en fin de vie en les décontaminant avant de les envoyer au recyclage (Rousmaniere et Raj, 2007).

• L’étiquetage à bord et la mise en place d’un inventaire des produits dangereux avant d’envoyer le navire au recyclage (Hayman, Dogliani, Kvale et Fet, 2000; Andersen, 2001; Rousmaniere et Raj, 2007).

• La mise en place d’un inventaire et l’identification de tous les matériaux utilisés lors de la conception et la construction du navire afin d’en faciliter de démantèlement (Hayman, Dogliani, Kvale et Fet, 2000).

• La certification des navires et des matériaux utilisés lors de sa construction (ex : passeport vert) (Comtois et Slack, 2005).