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IV. Remodelage de la chromatine par des complexes ATP-dépendants

IV.4. Modes d'action possibles

IV.4.2. Recrutements des machineries de remodelage

B. Cairns a proposé quatre modèles différents de recrutement des activités de remodelage de la chromatine (Cairns, 1998). Ces modèles sont transposables dans le cas d’une répression de la transcription.

Dans le premier modèle, les activateurs de la transcription ne peuvent pas se fixer à leur séquence si l'affinité pour leur site de liaison est trop faible. Ces activateurs interagiraient avec les machineries de remodelage pour affaiblir les

contacts histones-ADN. Ceci permettrait la liaison de l'activateur sur son site. Ce modèle est concordant avec le fait que certains activateurs ont en effet la capacité de se fixer à leur site même sur des matrices nucléosomales ou si leur affinité pour leur site est forte (Burns and Peterson, 1997).

Dans le second modèle, le processus commence par la fixation de l'activateur sur son site, suivi du recrutement de l'activité de remodelage. Certains activateurs comme Gal4 sont capables de se fixer sur une matrice chromatinienne (Workman and Kingston, 1992). Le remodelage de la région promotrice permettrait le recrutement et d'autres facteurs et l'activation de la transcription.

Dans le troisième modèle, les facteurs de remodelage interviennent au hasard permettant de libérer aléatoirement les sites de liaison des activateurs et facteurs de transcription. Bien que possible, ce modèle implique néanmoins une forte dépense énergétique.

Dans le dernier modèle, l'action des machineries de remodelage est inhibée par la présence sur la matrice de répresseurs transcriptionnels. Une première étape de suppression de l'interaction entre le répresseur et les nucléosomes permet de libérer la matrice. Les machineries de remodelage interviennent alors et facilitent la liaison des facteurs de transcription.

Des arguments indiquent cependant que ces complexes n'agissent pas au hasard dans le génome, mais seraient bien ciblés vers des régions chromatiniennes particulières (revue dans Kingston and Narlikar, 1999). Ceci ne permet pas d'exclure un mode d'action aléatoire. Des interactions génétiques ou physiques entre des activateurs ou des répresseurs de la transcription et des complexes de remodelage ont été établies. Ceci va dans le sens d’un recrutement ciblé. Les complexes de remodelage pourraient alors exercer spécifiquement à certains loci des effets positifs ou négatifs sur la transcription. Un exemple est fourni par les protéines Hir1 et Hir2. Ces dernières sont impliquées dans l'extinction de la transcription des gènes

d’histone HTA1 et HTB1. Ces deux gènes sont transcrits à partir d'un promoteur divergent. Les protéines Hir 1 et Hir2 se fixent sur le promoteur de ces gènes au niveau d'un site répresseur. Une co-immunoprécipitation entre Hir1 et Hir2 et trois protéines de SWI/SNF a été observée (Dimova et al., 1999). Ces mêmes auteurs ont également montré par immunoprécipitation de chromatine que SWI/SNF est recruté par Hir1 et Hir2. La délétion des gènes correspondants entraîne une dérépression de la transcription des gènes HTA1 et HTB1. De même, lorsque le site de fixation des protéines Hir1 et Hir1 au promoteur est délété, SWI/SNF n'est plus nécessaire à l'activation de la transcription des gènes d'histones. Il semble que SWI/SNF soit nécessaire pour lever la répression imposée par Hir1 et Hir2 à ce locus. Plusieurs études montrent que RSC est également présent aux niveaux des promoteurs des gènes d’histones et qu’il participe à la régulation de la transcription de ces gènes d'histones (Damelin et al., 2002 ; Ng et al., 2002). De même que pour le complexe SWI/SNF, l’occupation du promoteur par RSC est dépendante de la présence des protéines Hir1 et Hir2 mais est négativement corrélée à l'activité transcriptionnelle (Ng et al., 2002). Il semble donc que SWI/SNF et RSC aient des effets antagonistes au niveau du promoteur des gènes HTA1/HTB1. Ceci montre également que bien que présentant de nombreuses analogies, ces complexes ne sont pas redondants et assurent des fonctions bien distinctes.

Les études de transcription par puces à ADN montrent que le complexe SWI/SNF de levure interviennent dans la répression de la transcription (Holstege et

al., 1998 ; Sudarsanam et al., 2000). De même, Les complexes SWI/SNF contenant

l'ATPase Brg1 semblent impliqués dans la répression transcriptionnelle par la protéine Rb (pour revue, voir Zhang and Dean, 2001). Dans le cas des complexes de type ISWI, le recrutement du complexe ISW2 de levure par le répresseur transcriptionnel Ume6 a été démontré (Goldmark et al., 2000). Le complexe histone déacétylase Sin3-Rpd3 interagit également avec la protéine Ume6 (Fazzio et al., 2001). L’holoenzyme pol II est un autre modèle permettant de rendre compte du ciblage des complexes de remodelage. Les activateurs spécifiques recruteraient la

forme holoenzyme de la pol II, entraînant avec elle les activités de remodelage nécessaires. Les complexes SWI/SNF humains et de levure ont été purifiés avec l'holoenzyme pol II (Wilson et al., 1996 ; Cho et al., 1998 ; Neish et al., 1998). De même, des histone acétyltransférases ont été co-purifiées avec l'enzyme humaine (Cho et al., 1998 ; Neish et al., 1998). Cependant, d'autres purifications n'ont pas isolé ce type de complexe parmi les composants de l'holoenzyme (Cairns et al., 1996), ce qui suggère que d'autres modes de recrutement doivent exister.

Ces complexes ne paraissent pas exercer d’effet sur de grands domaines chromatiniens. Aucun argument en faveur d'un rôle global de SWI/SNF n'a été rapporté. Au contraire, il semble que l'intervention transcriptionnelle de SWI/SNF se fasse au niveau de gènes individuels et non sur des domaines chromosomiques (Holstege et al., 1998 ; Sudarsanam et al., 2000). Des expériences de colocalisation par immunofluorescence ne montrent pas de superposition étendue des signaux d'Iswi et de la pol II dans les cellules de glandes salivaires de larves de drosophile (Deuring et

al., 2000). Ceci suggère que les complexes ISWI n’interviennent que ponctuellement

dans la transcription. Cependant, cela n’exclut pas que les effets du remodelage se répercutent sur de grands fragments. En effet, les complexes de remodelage de la famille ISWI pourraient également agir au niveau de grands domaines chromatiniens voire au niveau de chromosomes complets. Ces facteur sont impliqués in vivo dans la maintenance de structures d'ordre supérieur. En effet, des mutations dans l’ATPase Iswi provoquent chez la drosophile une très forte altération de la structure du chromosome X chez les mâles (Deuring et al., 2000). Chez cette espèce, contrairement à ce qui ce produit chez les mammifères, c'est le chromosome X du mâle qui fait l'objet de régulations liées au sexe. Ce chromosome est transcriptionnellement hyperactif de façon à rejoindre le taux de transcription observé chez la femelle. Un autre argument en faveur d'un rôle global des complexes de remodelage de la famille ISWI vient de l'étude des clonages par transplantation de noyau. Ce type de clonage fait apparaître de nombreuses modifications des noyaux des cellules somatiques implantés. La transplantation du noyau provoque une décondensation de la

chromatine et la dissociation de la TBP de l'ADN. Ces modifications permettent de "dédifférencier" le noyau et de retourner à un état basal de transcription. Cette dédifférenciation peut être reproduite in vitro. Kikyo et collaborateurs ont montré que cet effet requiert la présence d'ATP et fait intervenir un complexe contenant la protéine ISWI (Kikyo et al., 2000).

IV.5. Modifications covalentes et remodelage, des mécanismes interdépendants.