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Il est utilisé pour éviter les ingérences pulsionnelles ou pallier le vide interne selon De TYCHEY (1994). Le sujet limite se tourne donc vers l’extérieur pour trouver appui à son fonctionnement.

Pour CHABERT (2006), ce contre-investissement massif par la réalité externe vise à lutter contre une réalité interne chargée d’une fantasmatique débordante, débridée, insuffisamment contenue par les digues psychiques ( SURMOI), parce que non intériorisées de manière stable, et censées canaliser la double valence libidinale et agressive du complexe d’œdipe. Il s’en suit alors « un vide fantasmatique, correspondant à un travail de sape de l’activité fantasmatique, celle qui produit des représentations et des affects et qui nourrit les processus de pensée », p.102.

Au final, la visée de ces défenses caractérisées de maniaques, c’est de lutter contre la réalité psychique. Elles entrent en jeu, en effet, pour contrer la culpabilité insupportable d’avoir détruit l’objet par ses attaques. Et, comme l’élaboration de cette culpabilité est impossible, inaccessible au sujet limite, il n’a d’autres choix que d’utiliser ces défenses pour éviter d’être submergé par l’angoisse, à la fois d’avoir endommagé l’objet, mais aussi de dépendre de cet objet et du coup risquer de le perdre par sa faute.

En guise de synthèse :

Le monde de l'état limite est donc un monde très manichéen à l'image de son fonctionnement de base narcissique : « lui ou moi » renvoyant à cette violence fondamentale,

« bon ou mauvais » renvoyant à son impasse vis-à-vis du développement psychique caractérisé par le clivage, « grands ou petits » renvoyant à la question des places et à l'échec de la triangulation œdipienne.

L’absence d’élaboration fantasmatique, de par l’échec de ses capacités de réparation symbolique de l’objet, bloque toute intériorisation des expériences. C’est ainsi que tout est extériorisé, mis en scène au dehors dans une recherche de réparation magique, pour rendre à l’objet ses qualités détruites par ses propres attaques. Et l’affect doit alors être déchargé immédiatement car il n’existe aucune possibilité de temporisation de l’expression pulsionnelle.

En effet, chez le sujet limite, selon MARCELLI (1981), « le fantasme revêt la forme d’une attaque interne où représentations du soi et de l’objet se confondent dans une expérience d’une forme menaçante destructrice interne », p.41. Le fantasme n’est alors plus le lieu d’expression des conflits, de traitement des conflits. Tout se joue à l’extérieur pour fuir le conflit, le sujet n’ayant pas accès à l’ambivalence, et allant alors jusqu’à emprunter des mécanismes archaïques pour créer et maintenir son équilibre. Mais cela n’est pas sans conséquence sur sa relation à l’autre qui vacille, passant de l’amour à la haine, de l’idéalisation à la dévaluation et face à laquelle le sujet peut se défendre par la protection par le vide, équivalant « à une mise à distance somme toute préférable à cette désintrication des pulsions et des affects », (op.cit., p.35).

Et au final, l’absence de reconnaissance de ses sentiments de haine et d’amour, de ses pulsions agressives permet au sujet limite d’empêcher l’effondrement narcissique et dépressif s’il était confronté à son image de soi négative. Tous les mécanismes de défense déployés servent alors, écrit KERNBERG (1980), à « protéger [le sujet limite] d’une ambivalence intense et d’une redoutable contamination et détérioration de toutes les relations d’amour par la haine », p.230, c’est-à-dire lui évite le vécu douloureux et dépressif de l’expérience du conflit mental.

CHABERT (1986) développe largement le lien existant entre ces mécanismes de défenses et le fonctionnement narcissique des sujets limites.

En effet, c'est le narcissisme qui est responsable de la mise en place de cette organisation comme le retrait de l'investissement libidinal, la quête d'une image de soi idéale, la lutte contre la menace permanente sur le sentiment de continuité d'exister, p.80.

Tous ces éléments vont se retrouver au niveau du rorschach au travers de différents indicateurs, comme notamment « la centration sur l'éprouvé subjectif » renvoyant alors, comme le souligne CHABERT (1986), à la nécessité pour le sujet de s'étayer sur le regard de l'autre tout en niant ce même regard, marquant ainsi à la fois le besoin de l'autre et le refus de

cette dépendance.

Ce mouvement narcissique va se retrouver aussi au travers « de la négation des mouvements pulsionnels dans les représentations de relations », p.84. Ceci se traduira au sein des planches II et III mettant à l'épreuve les capacités de mise en scène relationnelle du sujet.

Cette négation correspond alors à « la tendance du sujet à figer le mouvement pulsionnel en en déniant la dimension sexuelle et agressive », (op.cit., p.84). Ainsi l'idéalisation prendra le relais de ce refus du pulsionnel. Le devenir de ce refus du pulsionnel agressif à

« composante orale » tellement virulent et tenace va alors entraîner « une paralysie apparente » car « le narcissisme tend à réduire l'excitation vers le niveau zéro (...) vidant ainsi les relations de leur charge pulsionnelle ». La conséquence en est alors le clivage du Moi et/ou des objets, qui signe, au travers des réponses qui appartiennent à l'ordre « de la coupure, de la négation du lien, de l'absence d'une dialectique », « le non accès à l'ambivalence des sentiments, qui seule autorise la libre circulation des mouvements libidinaux et agressifs dans une intrication pulsionnelle qui demeure liée », (op.cit., p.85). Ce sont ainsi les défenses narcissiques qui vont offrir « une contenance » à cette vie pulsionnelle par le biais de

« l'idéalisation, du clivage » puis par l'identification projective, sous tendue par une

« agressivité orale très intense », (op.cit., p.85), lorsque ces défenses narcissiques seront défaillantes ; le sujet n'ayant alors d'autre choix que de tenter de maîtriser l'objet.

C'est donc ce mécanisme d'identification projective, défense majeure chez les états-limites, qui va les distinguer des personnalités narcissiques qui utilisent plutôt la projection, marque d'une meilleure différenciation du sujet et de l'objet. « Lorsque l'organisation narcissique est efficace, la maîtrise poursuivie est réalisée grâce au maintien des limites Moi/

non Moi et à la préservation d'une certaine qualité de pensée qui reste dégagée d'une infiltration trop importante par les processus primaires », (op.cit., p.86), dont l'identification projective.

In fine, l'état limite met donc en place toute cette organisation défensive pour, d'un point de vue économique, tenter d'empêcher que « la dépressivité foncière ne devienne dépression ». Pour cela, il est alors fondamental pour le sujet de lutter contre la perte de l'objet, en instaurant ipso facto une relation de type anaclitique, pour que cet objet conserve son statut de réalité extérieure. Le sujet se construit pour cela un « univers où il existe de grands tout puissants qui ne peuvent qu'être soit gratifiants soit persécuteurs et des petits qui ne peuvent qu'être protégés ou persécutés », BERGERET (1999a), p.225.

Tous les mécanismes de défense utilisés par les sujets limites permettent ainsi

l’externalisation des pulsions agressives. Faute de pouvoir être traitées par la voie mentale défaillante, elles sont agies au dehors, mises hors de soi, sans élaboration. Et selon KERNBERG (1980), la charge agressive du mauvais soi et du mauvais objet est telle que leur unification avec le bon soi et le bon objet apparaît au sujet comme dangereuse et menaçante pour son intégrité psychique. Cette unification représente donc en elle-même une menace contre laquelle le sujet a mis en place les mécanismes que nous venons de voir.

Le passage à l’acte suicidaire, fréquent chez le sujet limite, pourrait alors être « une tentative de reliaison pulsionnelle », selon JEAMMET et coll. (1994), « une réactivation des pulsions de mort au service de la libido […] au point extrême que seule la mort viendrait garantir au sujet sa vie psychique », p.127.

La fonction de ce passage à l’acte serait donc de permettre de sauvegarder une cohésion interne. Et « la violence agie devient alors la seule défense possible pour restaurer une identité menacée par un recours à la réalité externe perceptive afin de rétablir des frontières et des différences nécessaires au maintien d’une cohésion interne », p.130.

En conclusion, nous dirons que la défaillance propre du sujet limite, c’est son fonctionnement en intériorité. Nous citerons la formule de BRUSSET (2006) qui parle de

« pathologie de l’intériorité et de fonctionnement psychique en extériorité » pour désigner ce fonctionnement mental que nous venons de relater au travers du traitement des pulsions agressives chez les sujet limite. La tendance massive à l’extériorisation par le biais de la prédominance de l’utilisation de l’identification projective ne répond qu’à un but, selon CHABERT (2006), maîtriser « des parties de soi projetées sur l’autre parce que non admissibles au sein de l’espace intérieur » justement défaillant, p.89.

En effet, nous avons vu combien l’objet interne était inexistant, le sujet ayant besoin de le percevoir à l’extérieur, de s’appuyer pour exister sur sa présence extérieure. Ce sont, comme le dit CHABERT (2006), les capacités de réparation, de transformation, d’utilisation de l’objet qui sont défaillantes au sein du fonctionnement limite. SEGAL (1992) parle de réparation maniaque lorsque le sujet utilise les défenses archaïques telles que celles qu’utilise le sujet limite pour lutter contre l’angoisse. En effet, pour elle, par la mise en place et la fixation à cette organisation défensive, le sujet vise une réparation de l’objet mais de telle manière que ni la culpabilité ni la perte de l’objet ne soient jamais vécues, ni ressenties. Cela permet au sujet de « ne pas sentir ni se savoir agressif » précise JEAMMET (1995), p.33. Il évite ainsi de reconnaître que l’objet a été abîmé par lui-même. Le sujet considère alors

l’objet comme inférieur, méprisable, à contrôler et dépendant de soi . La réparation qui s’en suit déchaîne consciemment ou non le mépris et la haine pour lutter contre les angoisses dépressives. La réparation maniaque est donc inefficiente parce qu’elle cherche à réparer l’objet « sans qu’il soit lui-même pris en compte, et avant d’avoir pris conscience de la volonté haineuse de le détruire », selon JEAMMET (1995), p.32. Pour elle, d’ailleurs, les défenses maniaques vont perdurer parce que l’idéalisation et la toute puissance de la pensée liées au début de la vie psychique aux pulsions agressives, sadiques, font croire au sujet que ses tentatives de réparation échouent. Son fonctionnement se renforce, accompagné d’un

« déni d’inquiétude » qui accroît « le contrôle fantasmatique omnipotent de l’objet », p.31.

Le sujet fait, de la sorte, l’économie du sentiment de haine et de la dépression qui en découle.

Et la culpabilité inconsciente, « alimentée par l’existence des désirs agressifs refoulés ou déniés » p.33, ajoute-t-elle, va se jouer « hors de la conscience donc d’un possible contrôle : entraînant alors aussi bien des actes destructeurs de l’autre que des besoins d’autopunition, d’échec » p.33.

La réparation existe donc chez le sujet limite ainsi que la vie fantasmatique mais elles ne seraient pas liées aux pulsions libidinales : elles seraient pures expressions des pulsions agressives.

LE FONCTIONNEMENT LE FONCTIONNEMENT LE FONCTIONNEMENT LE FONCTIONNEMENT

PSYCHOSOMATIQUE PSYCHOSOMATIQUE PSYCHOSOMATIQUE PSYCHOSOMATIQUE

« Depuis que je suis malade je vais beaucoup mieux qu’autrefois »

Fritz ZORN- MARS, 1996