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Le destin des pulsions agressives au sein du fonctionnement limite et du fonctionnement

1.1 La désintrication pulsionnelle

Elle est commune aux deux fonctionnements avec son cortège de passages à l’acte auto ou hétéro-agressifs. Nous l’avons vu, la nécessité de la décharge des pulsions agressives se retrouve au sein des deux fonctionnements. Et même si les voies de décharge ne sont pas les mêmes, elles s’appuient toutes deux sur un défaut de mentalisation.

Cette mise en acte de l’agressivité survient lorsque le fantasme ne tient plus sa

fonction de scène d’expression interne des pulsions agressives. Pour WINNICOTT (1994),

« un nourrisson est tout à fait capable de destruction, il est tout à fait capable également de protéger ce qu’il aime de sa propre destructivité et l’essentiel de la destruction doit se produire dans ses fantasmes », p.19. En ce qui concerne les deux fonctionnements, il apparaît effectivement un échec de la fonction du fantasme :

o Chez le sujet limite il est débridé, abrasé et la réparation dans le réel consécutive au fantasme n’a pas lieu, le fantasme se joue du coup sur la scène externe.

o Chez le sujet somatisant, l’accès au fantasme est barré, empêché par l’organisation défensive, voire n’a pas pu se mettre en place du fait des répressions parentales portant sur la pensée propre de l’enfant.

1.2 Le masochisme moral

La part du masochisme dans les deux fonctionnements est de type moral comme un besoin de punition, d’autopunition. Ainsi le sujet « trouve le moyen de souffrir et du même coup exprime son agressivité, se fait punir, ce qui le décharge de sa culpabilité », WINNICOTT (1994), p.24.

Le retournement des motions agressives contre soi-même ou contre son propre corps se pose comme un mouvement pour faire face à la haine, la colère envers l’objet décevant, frustrant.

1.3 L’alexithymie :

Cette incapacité à « sentir » est retrouvée aussi chez les borderline nous dit SMADJA (2001) : « il existe même quelques cas, dit border-lines ( cas limites) de patients que la terreur paralyse tant qu’ils ne savent pas ce que c’est que de « sentir », une condition que l’on appelle aujourd’hui « alexithymie » », p.64. Il est vrai que bien souvent l’émotion est confondue avec la sensation, les affects décrits sont basiques « angoisse, peur, haine », sans possibilité d’affiner, de décrire, de raconter leur ressenti et même de se centrer dessus. Ou alors ils sont décrits en excès, avec cette incapacité à les relier avec les événements, avec les autres états internes, à associer autour de leur ressenti d’angoisse vif et sidérant, si ce n’est l’agir, le jouer sur la scène de la mise en acte et se focaliser sur l’objet extérieur, sur la réalité concrète et externe.

D’ailleurs, LUMLEY et al. (2007) le distinguent très bien lorsqu’ils décrivent deux types d’alexithymie, même si ces deux descriptions restent des hypothèses théoriques dont il faudrait affiner les indicateurs, dans d’éventuelles futures recherches. Le premier semble correspondre aux sujets somatisants : «the type 1 alexithymia refers to the prototypic or classic alexithymic person who has little experience or display of emotion, minimal emotional awareness and verbalization, and a pronounced external orientation », p.240, (l'alexithymie de type 1 se réfère à la personne alexithymique type ou classique qui a peu d'expérience ou , une conscience et une verbalisation émotionnelle minimum et une orientée vers l'extérieur de façon prononcée). Le deuxième nous paraît correspondre aux sujets limites dans leur description : « the type-2 alexithymic person experiences and expresses heigthened levels of negative emotion but has difficulty identifying and labeling his or her own feelings and is

confused, overhelmed, feels numb, or act out when aroused », p.240, (la personne alexithymique de type-2 vit et exprime de hauts niveaux d'émotion négative mais a des difficultés à identifier et à nommer ses propres sentiments et est confuse, débordée, se sent paralysée et passe à l'acte quand elle est excitée ).

Du point de vue opératoire, il s'avère aussi qu'il existerait un tronc commun entre les deux fonctionnements limite et psychosomatique. En effet, SMADJA, (2001), classe les états limites comme des névroses à mentalisation mauvaise ou incertaine9 s’appuyant sur des éléments cliniques suivants : « morcellement des représentations, des affects et de la pensée, la prévalence du comportement et la tendance aux somatisations», p.114. Il les rapproche même des états de démentalisation tant pour lui la clinique les montre semblables du point de vue de l'angoisse qualifiée de « détresse», de la dépression caractérisée d'essentielle, « du morcellement des réseaux de représentations, d'affect, et de pensée, un trouble du discours et du jugement et une qualité particulière de narcissisme définie par A. GREEN comme un narcissisme d'emprunt et que, à la suite de M. FAIN, je reconnais comme un narcissisme de comportement.», p. 115.

Effectivement, nous avons bien souligné jusque là à quel point le sujet limite et le sujet somatisant étaient dépendants du regard de l'autre, et de sa présence effective, soit pour exister, soit pour consolider un narcissisme défaillant et fragilisé, en cherchant à se conformer au socius, en offrant l'estime d'eux-mêmes au regard de l'autre, extérieur et non intériorisé;

entraînant alors chez l'un comme l'autre une tendance à l'agir, et la construction d'un faux-self.

C'est avec l'installation de cet état opératoire que se distingue ces deux fonctionnements car à ce moment-là, le vide psychique s'impose chez le sujet somatisant contrairement au sujet limite qui continue de livrer une bataille contre ses représentations et ses affects débordants, contre une vie fantasmatique non contenue et débridée.

SMADJA (2001) souligne que pour le premier, «la pulsion de mort agirait par des mécanismes de négativation, de neutralisation et d'exctinction, processus qui se rapprocherait de la répression que nous avons décrite. Alors que pour le deuxième, le clivage continue d'opérer sa fracture entre le monde des représentations et les affects comme si « la pulsion de mort agi(ssait) par des mécanismes disjonctifs de coupure, de rupture des liens entre toutes sortes de représentances», p.116.

9MARTYP., Essai de classification psychosomatique de quelques malades somatiques graves, Paris : Psychiatrie française, 1985, n°5, vol.16,, p.27-37.

1.4 La dépression essentielle

La dépression essentielle décrite par le courant psychosomatique comme une dépression sans expression, repérable par son absence d'expression symptomatologique et constituant le début et la fin du processus de somatique dans une sorte de mouvement circulaire, peut aussi, selon SMADJA (2001), se révéler de façon bruyante.

En effet, il semble en exister deux versants. Le premier se rapporte à une disparition des affects, une chute du tonus vital sur le plan psychique amenant les manifestations psychiques à disparaitre progressivement. Elle est précédée d'angoisse diffuses semblables à un état de détresse archaïque où l'appareil psychique est débordé dans ses capacités d'élaboration et de traitement. Il s'apparente à ce que nous pourrions relever chez le sujet somatisant.

L'autre versant se traduit par son contraire, c'est-à-dire par une expression affective bruyante, extériorisée, d'angoisse ou de douleur. Il s'apparente à ce que nous pourrions repérer chez le sujet limite.

Mais dans les deux cas de figure, nous retrouvons, nous dit SMADJA (2001) en référence au concept de complexe de la mère morte (GREEN 1983), une « défense par la réalité, comme si le sujet éprouvait le besoin de s'accrocher à la présence du perçu comme réel indemne de projection, c'est-à-dire qu'on assiste à la négation de la réalité psychique », p.69.

Au final, tout ceci a fait dire à SAMDJA (2001) après une comparaison pointue entre les différentes dépressions et « entités dépressives voisines » que la dépression essentielle serait probablement à relier à « des événements psychiques précoces qui (auraient) entraîné l'assimilation d'une perte objectale avec une perte narcissique », du fait de l'immaturité des moyens d'individuation du sujet avec l'objet, p.87.