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Chapitre 4 : Résultats obtenus

4.4 Éclairage sur les stratégies de résistance mises en œuvre dans le quotidien

4.4.2 Recourir à du soutien

Quatre des cinq participantes parlent dans leur récit du soutien que leurs liens d’amitié leur ont apporté. Elles mettent de l’avant la proximité qu’elles vivent avec leur réseau amical, surtout lorsqu’elles se retrouvent dans un contexte de vie semblable (par exemple un voyage cycliste ou la maternité). Leur présence ou le fait de les contacter s’intègre à leur routine. Cela comprend plusieurs points positifs, comme l’indique Bianca :

Bin t'sais j'suis comme plus proche avec eux que mettons les amis.es que j'avais avant. Fait que t'sais j'peux pas dire que j'ai genre dix meilleurs.es amis.es, mais t'sais c'comme genre un cercle fermé. T'sais on s'parle à toutes les jours, t'sais…

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Si t'as pas de nouvelles d'une personne une journée, c'parce que la personne a va pas bin pis… T'sais même juste un p'tit ‘Salut, ça va ? Bonne journée !’ T'sais si tu vois que la personne a le voit pis a te répond, t'sais ça va bien.

L’appui du réseau amical se distingue aussi dans les situations difficiles. Aux dires des participantes, la simple présence de proches dans les situations difficiles de maladie, de blessure ou de deuil peut faire toute la différence. Jasmine l’explique en parlant du décès de son père, survenu deux jours avant une activité de groupe organisée avec les Narcotiques Anonymes, à laquelle elle a tout de même décidé de participer :

Pis j'ai dit ‘De toute façon j'vais être entourée de 30 à 100 membres, j'peux pas être mieux entourée là.’ J'étais avec mes trois meilleurs amis, qui étaient mon parrain (des Narcotiques Anonymes) à c'moment-là, c'est resté un ami, mais c'est plus mon parrain depuis deux s'maines, son conjoint à c'moment-là, pis Éric.

La qualité des liens amicaux se révèle plus significative que la quantité pour les participantes et, en ce sens, plusieurs leur démontrent une grande loyauté. Jasmine explique le dévouement de son amie très proche avec qui elle a gardé contact pendant qu’elle vivait dans la rue.

Mon amie qui m'avait donné la bague justement, elle, a courait à grandeur d'la ville pour pouvoir donner de mes nouvelles à mes parents. Parce que moi j'appelais à peine aux deux, trois s'maines.

(étudiante-chercheuse)‘Tu continuais à la voir dans l'fond?’ Oui.

Elle exprime plus tard dans son récit qu’un des aspects positifs de se stabiliser au domicile familial après cette expérience d’instabilité était de pouvoir retrouver cette amie.

Pour certaines participantes, les relations intimes et conjugales sont une source de réconfort dans les situations difficiles. C’est le cas pour trois d’entre elles, qui mentionnent qu’un partenaire amoureux les a soutenues en contexte d’exclusion ou a été la seule personne à leur côté face à certains événements critiques. Sophie, qui en parle plus significativement, met en lumière les aspects positifs de sa relation de couple. Elle explique comment l’élaboration d’un projet avec son partenaire a adouci leur quotidien austère :

J'ai quand même été heureuse, parce que même si j'avais pas grand-chose, on était bien tous les deux. Pis on avait un projet. T'sais quand t'as un projet qui te

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guide là, t'as un rêve, pis tu sais pourquoi tu travailles dur pis tu sais où tu t'en vas.

Elle raconte qu’une fois leur voyage entrepris, ils ont appris ensemble à apprivoiser leur nouveau mode de vie nomade, comprenant de nombreux déplacements et défis physiques, comme elle le raconte :

Donc on avait quand même un beau système, on s'parlait beaucoup. Pis c'est dans des voyages comme ça, y'a beaucoup d'couples qui reviennent tout seuls. Bin y r'viennent pas, y cassent en cours de route. Donc tous ces premiers mois ont permis d'nous installer, pis de… D'avoir une dynamique saine.

En trouvant leur propre équilibre, leur relation de couple les aurait aidés à poursuivre leur objectif. Jasmine illustre de son côté à quel point son ancien conjoint, qui est également le père de ses enfants, a occupé une place importante dans sa vie et que leur séparation ne les empêche pas de rester en bons termes.

On est en super de bons termes, c'est mon meilleur ami. Pis y'aura jamais personne qui va m'connaître mieux que c'que ce gars-là peut m'connaître. J'veux dire, on a été 7 ans ensemble, on a passé au travers de mes deux grossesses où c'que j't'ais pas endurable. T'sais… C'est mon meilleur ami pis ce l'sera toujours.

À certains moments de leurs récits, trois des participantes mentionnent avoir obtenu un certain soutien des membres de leur famille, principalement de leurs parents. Souhaitant qu’elles améliorent leurs conditions de vie, il arrive que leurs proches expriment leur espoir qu’elles s’en sortent, qu’ils leur offrent de les accompagner lorsqu’elles font face à un problème et, plus exceptionnellement, qu’ils leur viennent concrètement en aide. Jasmine raconte qu’elle a téléphoné à ses parents pour rentrer chez elle lorsqu’elle était en fugue :

J'ai parlé à mon père à c'moment-là, j'ai dit ‘Papa, viens m'chercher. Viens m'chercher là’. Y dit ‘C'est beau, t'es où ? Qu'essé qui s'passe ?’. J'ai dit ‘Pose pas d'questions. J'ai l'bras dans une attelle, j'ai la clavicule pétée, viens juste me chercher. J'te raconterai tout ça dans l'char. Mais là j'veux m'en aller’. Une demi-heure (de trajet), mes parents étaient là pis j'm'en retournais (dans ma ville natale), chez mes parents. Ouin, ça s'est soldé comme ça.

Pour l’ensemble des participantes, les figures parentales tout comme les autres membres de leur famille, ne sont toutefois pas les personnes qui les ont soutenues le plus au courant leur de transition vers la vie adulte.

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Quatre des cinq participantes relatent aussi l’aide qu’elles ont obtenue par le biais de relations formelles, au sein d’organismes ou d’institutions publiques. Les personnes qui y travaillent servent de référence pour les conseiller, les écouter et les accompagner dans les épreuves qu’elles vivent, qu’il s’agisse de problèmes de santé mentale, d’un deuil ou d’une interruption volontaire de grossesse, ou encore pour avoir accès à des ressources alimentaires ou d’hébergement. Ces intervenants sont parfois le dernier lien auquel s’accrocher lorsque les participantes sentent qu’elles s’enlisent dans leurs difficultés. Faisant face à une très grande précarité résidentielle et financière, Maxime raconte avoir utilisé les services d’une ressource d’urgence :

Moi dans ma tête j'm'en allais dans un bar aller triper toute la nuit, pis j'sais pas qu'est-ce que j'serais aujourd'hui. Pis là comme j'ai croisé une fille qui est ici, pis elle m'a emmené à (organisme d’aide) dans l'fond. Pis là j'ai rencontré c'te ressource-là, depuis ce temps-là je suis ici.

Les organismes d’aide sont également des lieux de répit où les jeunes femmes ont pu s’impliquer et socialiser avec d’autres personnes vivant des situations semblables. Charlotte met d’ailleurs de l’avant à quel point les contacts positifs avec d’autres personnes au sein d’organismes qu’elle fréquente peuvent être apaisant :

Pis, c'est tu vraiment des gros projets qu'on a besoin des fois ? On est fatigué, ça nous tente pas, on est brûlé. C'est p't'être plus juste de rencontrer quelqu'un, y parler, échanger, apprendre des choses. Être juste en compagnie de des gens, p't'être c'est les besoins de base, t'sais aussi qui faut pas oublier.

L’utilisation de ces services a parfois été l’occasion pour elles d’apprendre à se connaître ou de confirmer certaines de leurs aptitudes. Jasmine explique à quel point elle appréciait les moments passés dans un centre de jour du centre-ville lorsqu’elle n’avait pas de toit :

Eux y'étaient merveilleux, c'tait mes p’tits moments d'répit ça.

(étudiante-chercheuse) ‘Ah ouais ? Qu'est-ce que tu faisais à cet endroit-là ?’ Du bricolage, j'jouais au pool, j'allais faire mon lavage. Y'avait d'l'aide alimentaire aussi que j'bénéficiais. Leur infirmière quand j'en avais d'besoin. Pis aussi jaser avec les intervenants, qui étaient complètement merveilleux…

Pour deux des participantes plus particulièrement, ces liens formels ont été une source de soutien sans pareil qui s’est poursuivi en dehors du cadre normalement prescrit. Les représentants des institutions ont pu faire la différence dans des moments cruciaux de leur

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parcours, en faisant preuve de compréhension à leur égard, en servant de sécurité lors d’une transition ou en acceptant de déroger des procédures pour les aider. Bianca l’illustre, en expliquant une rencontre qu’elle a eue avec une agente de l’aide gouvernementale de dernier recours. L’agente lui expliquait qu’en raison d’embûches administratives, elle ne pouvait pas lui remettre son chèque mensuel. Bianca raconte lui avoir alors expliqué tout ce qu’elle avait vécu jusqu’ici :

Fait que là est allé pogner un chèque de dépannage. Pis a m'a dit ‘Moi j'te laisse pas dormir dans rue à soir. Au pire, je sais pas j'vais te trouver une place, mais j'te laisse pas dormir dans rue à soir.’ Fait que là a l'a appelé à plein d'places, y'ont rien trouvé.

Finalement, j'ai une de mes amies qui avait accepté c'te nuit-là de me loger. A m'avait dit ‘Là j'te donne un chèque de dépannage maintenant. Reviens m'voir demain, tu vas avoir un chèque’. A l'a été, ça été un amour, pis en plus quand j'ai déménagé j'l'ai perdu. Mais là, depuis un mois j'l'ai retrouvé pis j'la r'mercie tout l'temps, parce que a m'a vraiment beaucoup aidé c'te femme-là.

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