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Ce cinquième chapitre permet de mettre en évidence les liens singuliers à établir entre les résultats obtenus auprès des participantes et les connaissances rassemblées sur le sujet grâce à l’éclairage intersectionnel socioconstructionniste.

Le passage à l’âge adulte des femmes expérimentant l’itinérance est un sujet peu abordé dans les études portant sur la jeunesse ou sur l’instabilité résidentielle, malgré les singularités reconnues de leur vécu (Barker, 2016; Bellot (dir.), 2018; Côté et al., 2013; Deering et al., 2011; Ferguson et al., 2016; Flynn et al., 2015; Huey, 2016; Kidd et al., 2016; Oliver et Cheff, 2012, 2014; Watson, 2011). Pour mieux cerner ce phénomène, il était ainsi nécessaire d’approfondir le sujet. La présente recherche a été une occasion de comprendre les singularités du récit de vie de cinq jeunes femmes en leur permettant de se raconter. Pour ce faire, elles ont pu mettre en lumière leur propre description de leur passage à l’âge adulte.

Malgré la taille réduite du corpus empirique employé pour ce mémoire, les résultats obtenus illustrent une diversité importante de vécus, en cohérence avec l’une des propositions du cadre intersectionnel. L’expérience des femmes s’analyse en tenant compte de la complexité et de l’aspect construit de leur emplacement à l’intersection des nombreuses catégories sociales qui leur sont attribuées (Harper, 2012).

Comme c’est le cas dans plusieurs études consultées, toutes les participantes à la présente recherche expriment à leur façon l’inadéquation entre leur milieu d’origine et leurs besoins. Certaines parlent du climat de tension qui y règne ou du contrôle excessif exercé sur elles qui, dans tous les cas, nuit à leur épanouissement dans la période de développement cruciale qu’est le passage à la vie adulte. Les cinq participantes entretiennent des liens inconsistants avec les membres de leur famille, plus spécifiquement leurs parents, puisque ceux-ci ne font pas figure de référence en cas de besoin et ont, pour certaines, fait preuve d’une grande indifférence quant à leur bien-être. Cela a contribué fortement aux difficultés qu’elles ont rencontrées. Les figures parentales seraient en effet souvent associées à la négligence, aux abus et à l’instabilité émotionnelle pour de nombreuses jeunes femmes adultes expérimentant l’itinérance (Oliver et Cheff, 2014).

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Le besoin de s’échapper de leur milieu d’origine se fait sentir de façon prononcée peu avant le tournant de la majorité pour toutes les participantes. Considérant que leur entourage ne leur apporte pas l’appui dont elles ont besoin, elles sont confrontées à la nécessité de s’en libérer pour avancer. Tel que relevé dans la recension des écrits, le parcours d’itinérance des femmes serait en effet influencé par les traumas vécus dans le milieu d’origine (Phipps et al., 2019). On constate dans le cas présent que les jeunes femmes ont débuté leur parcours d’instabilité en fuyant pour la plupart leur foyer. Elles se retrouvent ainsi à la rue, qui ne leur apparaît pas nécessairement plus dangereuse que leur contexte antérieur de vie (Gauthier, Lacasse et Girard, 2011).

Pour certaines, le manque de figures significatives pour les appuyer est associé à une prise en charge par les services de protection de la jeunesse. Deux des cinq participantes rapportent avoir vécu un placement, ce qui est éloquent vu la petite taille du corpus. Avec le recul, deux autres jeunes femmes ont mentionné lors de leur entrevue qu’elles auraient pu, ou auraient dû, être retirées de leur foyer considérant les problématiques au sein de celui-ci. À cet égard, il a été souligné dans la recension des écrits qu’une proportion importante des jeunes adultes en situation d’itinérance avait vécu un placement (Nichols, 2013) et que cette prise en charge rendait l’arrivée des responsabilités liées à la majorité ardue (Pagé, 2015), particulièrement pour les jeunes femmes (Goyette et Turcotte, 2011). Les résultats illustrent ces constats, puisque les deux participantes directement concernées évoquent spécifiquement les problématiques au sein de leur milieu familial respectif et le manque cruel d’appui de leurs parents.

En convergence avec les constats réalisés dans d’autres études, le récit des périodes instables sur le plan résidentiel des participantes est associé à une multitude de déplacements, qui débutent parfois dès l’enfance. Une fois majeures, elles expliquent décider de partir en faisant preuve d’une certaine impulsivité. Ces mouvements ponctuent leur quotidien pendant une période plus ou moins longue, où défilent de nombreux modes d’habitation temporaire (Barker, 2016; Bellot (dir.), 2018; Gauthier, Lacasse et Girard, 2011; Kidd et al., 2016; Lewinson et al., 2014; MacDonald, 2013; Mayock et al., 2013). Dans certains cas, elles sont contraintes de s'en aller lorsqu’elles se font montrer la porte par leur hôte. À ce sujet, comme c’est le cas dans d’autres recherches, les participantes à la

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présente étude soulignent avoir fréquemment senti l’inhospitalité des membres de leur entourage qui acceptaient de les accueillir (Gauthier, Lacasse et Girard, 2011). Résulte de ces nombreux déplacements et des inconforts y étant associés un besoin d’avoir un chez- soi. Tout comme rapporté dans d’autres études, les participantes définissent ce besoin par celui d’éprouver un sentiment de sécurité, de contrôle et l’envie de s’y investir (Kidd et Evans, 2011). L’accès à un chez-soi est aussi explicitement associé à l’atteinte de la « normalité » par l’une des jeunes femmes, comme relevée dans l’étude menée par Karabanow et al. (2016).

Dans le cadre de la présente étude, un intérêt prononcé est porté au contexte de vie spécifique des jeunes femmes et, plus particulièrement, à la façon dont elles racontent leur quotidien, comme y encourage entre autres Harper (2012) dans sa présentation de l’approche intersectionnelle. Elles peuvent ainsi vivre des expériences semblables, par exemple lorsqu’elles partagent des conditions « objectives » de vie comparables, tout en étant distinctes puisqu’elles entretiennent un rapport « subjectif » différent à ce vécu. Chacune de leur interprétation singulière importe pour accéder aux nuances de leur parcours et, plus globalement, à une compréhension plus approfondie du passage à l’âge adulte des femmes en situation d’itinérance (Harper, 2013). Comme mentionné par d’autres auteurs de ce courant, cela est d’autant plus nécessaire puisqu’il s’agit d’une frange de la population qui peut être facilement homogénéisée, sans que les femmes concernées puissent faire entendre leur perspective compte tenu de leur manque d’accès au pouvoir (Morris et Bunjun, 2007).

Les éléments de récits rapportant la vision ou l’expérience de parentalité illustrent particulièrement bien cet enjeu. Quatre participantes abordent d’elles-mêmes la question, en ayant toutes leur propre vision de ce qu’implique le fait de devenir mère. Comme dans d’autres études, celles qui l’ont expérimenté y associent parfois des sentiments douloureux (Azim et al., 2019) ou au contraire retirent une certaine fierté de leur investissement dans leur rôle de mère (Goyette et Turcotte, 2011). Une partie des jeunes femmes rencontrées se projette dans la possibilité de devenir parent, tandis que l’autre ne vise pas cette éventualité. Il existe ainsi, au sein d’un petit corpus de recherche, de nombreuses singularités entourant le concept de maternité.

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Il en va de même pour la vie sans attache résidentielle, où se dégagent deux interprétations distinctes de ce mode de vie. Une partie des jeunes femmes rencontrées associent cette expérience à un passage choisi permettant de vivre leur jeunesse et d’acquérir une importante liberté, comme en témoignent aussi d’autres recherches (Barker, 2016; Ha et al., 2015; MacDonald, 2013). Cela est particulièrement vrai pour l’une des participantes, Sophie, ayant fait le choix de partir dans un long périple avec son amoureux et associant son vécu à l’itinérance cachée. Son expérience permet de confronter la vision généralement partagée de l’expérience d’instabilité résidentielle à la lecture subjective qu’a pu faire la jeune femme de son parcours. Certaines participantes associent en contrepartie leurs expériences de rue aux difficultés personnelles qu’elles vivaient, et vivent parfois encore, ainsi qu’à une perte de contrôle de leur existence. Cette interprétation fait écho aux recherches soulignant l’adversité associée à l’itinérance par les jeunes et les femmes (Gauthier, Lacasse, Delisle et Gagné, 2011; Karabanow et al., 2016; Kidd et Evans, 2011; Kidd et al., 2016; Lewinson et al., 2014; MacDonald, 2013). Cela soutient l’importance d’approfondir les connaissances entourant le vécu des jeunes femmes.

L’objectif de ce mémoire était également d’identifier les mécanismes d’oppression que les participantes mettent en évidence dans leur récit. L’analyse intersectionnelle s’attarde sur les processus de domination, d’exclusion et d’inégalités vécues par les personnes marginalisées, sans en sous-estimer la complexité (Flynn et al., 2014; Morris et Bunjun, 2007; Simpson, 2009).

Certains récits mettent en lumière la stigmatisation et la discrimination vécues au sein des établissements publics en raison de l’état de santé tant physique que psychologique de certaines participantes : leur jugement quant à leurs symptômes ou leurs soins est invalidé puisqu’associé à de l’exagération, des mensonges ou de la paresse. En cohérence avec une autre recherche mentionnée précédemment sur la prestation de soins (Oliver et Cheff, 2012), le milieu médical est dépeint comme un environnement hostile, contraignant et indifférent à leurs besoins.

La transition vers la vie adulte des participantes se déroule majoritairement en contexte d’isolement notable. Cette période de vie est associée à une multiplicité de changements et de choix menant vers divers embranchements de parcours (Arnett, 2000, 2011; Bidart et al.,

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2002). Il apparaît que pour les cinq jeunes femmes, le poids des décisions qui se présentent à elles est amplifié par la solitude qu’elles subissent. Même Sophie, qui a été accompagnée de son conjoint au cours de la majeure partie de son expérience d’instabilité résidentielle, souligne l’ardeur des choix à faire en étant éloignée de son réseau social. Comme exposé dans l’étude de Pagé (2015), ces jeunes femmes se voient contraintes à l’autonomie sans y être correctement préparées. Selon elles, la gravité des erreurs qu’elles peuvent commettre dans ce contexte en est alors décuplée.

Les histoires de vie réunies dans le présent mémoire ont également en commun d’être associées à plusieurs actes de violence. En contexte conjugal, ils peuvent s’illustrer réciproquement entre les partenaires ou être utilisés par le conjoint pour marquer sa domination, comme confirmés par Joly et Connolly (2019). Des participantes rapportent aussi avoir subi en période de vulnérabilité la violence de personnes leur étant plus ou moins inconnues, ce qui n’a rien d’étonnant considérant ce que relatent d’autres études au sujet des risques importants auxquels sont exposées les femmes dans la rue (Lewinson et al., 2014; Phipps et al., 2019).

À la lumière des résultats obtenus, on constate l’écart, parfois même la contradiction, entre la vision qu’elles ont d’elles-mêmes et celles qu’adoptent les gens qui croisent leur route. En effet, au-delà des aspects plus conceptuels de l’accès au pouvoir, les catégories sociales délimitant cette hiérarchie s’illustrent quotidiennement dans les attitudes, les discours et les préjugés vis-à-vis soi-même et les autres (Harper, 2013; Yuval-Davis, 2006).

Une divergence de perspectives s’illustre dans certains facteurs d’oppression vécus, particulièrement en ce qui a trait à l’offre de services sexuels. Plusieurs éléments dans le récit des participantes indiquent qu’il est attendu, bien que la demande reste plus souvent qu’autrement sous-entendue, qu’elles échangent ce type de service contre un montant d’argent ou l’accès à un toit vu leur situation de vulnérabilité, ce qui confirme les conclusions de plusieurs autres études (Flynn et al., 2015; Joly et Connolly, 2019; Karabanow et al., 2010; Watson, 2011; Wesely, 2009). Dans certains cas, la sexualisation de leur corps est vue comme monnayable et profitable pour le groupe qui les entoure (Watson, 2011; Wesely, 2009), comme le traduit l’expérience d’une participante ayant été recrutée dans un réseau de prostitution juvénile à son insu. Pour la plupart, cela n’atteint

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toutefois pas la vision qu’elles ont d’elles-mêmes. Deux participantes indiquent clairement qu’elles avaient conscience de ces attentes lorsqu’elles étaient dans la rue, mais qu’elles refusaient de s’y conformer puisque cela allait au-delà d’une limite qu’elles s’étaient tracée. Ici encore, cette nuance met en relief l’importance de considérer la variation des significations que chaque personne peut accorder à une même expérience, comme y invite l’approche intersectionnelle socioconstructionniste.

Un contraste émerge également quant à l’interprétation globale de la situation de rue des jeunes femmes. La lecture des cinq récits renvoie à plusieurs situations dangereuses auxquelles elles ont été exposées dans leur parcours, parfois en raison de la malveillance de personnes croisées sur leur route. Cela fait écho aux risques spécifiques auxquels les jeunes femmes sont exposées en situation de rue, mentionnés dans plusieurs recherches (Bellot (dir.), 2018, Lewinson et al., 2014; Lewis, 2016; Phipps et al., 2019). Malgré tout, le discours tenu par les jeunes femmes n’associe pas leur parcours à celui d’une victime, certaines allant même jusqu’à minimiser la gravité d’actes subis. Elles cherchent plutôt à comprendre les erreurs qu’elles ont faites pour se retrouver dans les situations difficiles rapportées. Elles insistent sur les choix qui se sont présentés à elles, soulignent les moments où elles sont parvenues à tirer leur épingle du jeu et retirent une grande fierté de s’être sorties des embûches présentes sur leur route. Aucune ne se considère comme une spectatrice passive des événements subis, ce qui converge avec la lecture proposée par les auteures s’associant à la perspective intersectionnelle socioconstructionniste (Harper, 2012, 2013; Morris et Bunjun, 2007; Yuval-Davis, 2006).

Un paradoxe émerge aussi lorsque sont mis en parallèle certains stéréotypes adoptés par des participantes et la précarisation subie et dénoncée par celles-ci. Il arrive qu’elles déplorent le manque d’empathie dont elles ont été la cible tout en faisant preuve d’une certaine insensibilité en considérant les conditions de vie difficiles d’autres personnes qu’elles côtoient sur la rue. C’est particulièrement le cas lorsqu’elles interprètent que la précarité est provoquée par les mauvais choix personnels d’un individu, faisant écho à l’étiquetage négatif associé à la pauvreté et l’itinérance (Bellot et Rivard, 2017; Ha et al., 2015; Noreau et al., 2015).

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Finalement, certains éléments éloquents des récits associés aux stratégies employées sont à mentionner. En employant une analyse intersectionnelle, il est considéré que les jeunes femmes sont en mesure de réagir et même de contribuer aux différents rapports de pouvoir présents dans leur vie (Flynn et al., 2014; Harper, 2012, 2013; Morris et Bunjun, 2007). Conformément à ces postulats, la presque totalité des stratégies qu’elles emploient repose sur leurs propres capacités : fuir le danger par tous les moyens, se concentrer sur leurs valeurs ou objectifs pour avancer, s’imposer des balises pour fonctionner. Si on peut considérer que ces stratégies témoignent de leur agentivité propre, on peut supposer que cela rend compte des choix limités auxquels elles ont été exposées et que cette débrouillardise dont elles ont fait preuve est due, du moins en partie, à l’inconsistance du soutien obtenu dans leur entourage lorsqu’elles sont dans le pétrin. Néanmoins, ce constat met en lumière que ces jeunes femmes préfèrent se lancer vers l’inconnu plutôt que de tolérer une situation qui ne leur convient pas en attendant de l’aide. Sans nul doute, la prémisse selon laquelle elles sont des agentes actives de leur destinée et face à l’adversité devient alors indéniable (Flynn et al., 2014).

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Conclusion

Le but de ce mémoire était de mieux comprendre le parcours de transition vers l’âge adulte des femmes expérimentant l’itinérance, à la lumière de leur interprétation de celui-ci en s’attardant aux stratégies et aux embûches ayant ponctué leur chemin. En s’inspirant de la méthode de Bertaux (2016), cinq jeunes femmes ont pu se raconter dans leur entretien par récit de vie. L’utilisation de récit de vie dans le cadre de ce mémoire a permis aux femmes rencontrées de parler librement et d’exprimer leur perspective quant à leur parcours. Une analyse qualitative se basant sur une lecture intersectionnelle socioconstructionniste des processus de domination et de reprise de pouvoir en a été faite (Flynn et al., 2014; Morris et Bunjun, 2007; Simpson, 2009).

Les récits ont mis en exergue des spécificités du vécu des jeunes femmes particulièrement parlant pour le domaine du travail social: l’insécurité, la violence et les mises à l’écart qu’elles ont subies ou dont elles ont été témoins ainsi que, par moments, les justifications employées pour expliquer l’inexplicable. Dans l’ensemble, elles ont démontré qu’au-delà des souffrances ayant teinté leur histoire, elles ne renoncent pas pour autant à maintenir une emprise sur leur existence.

Certaines réflexions émergent de la lecture des récits qu’ont fait les participantes de leur passage à l’âge adulte en contexte d’itinérance. À plusieurs reprises, elles mettent en parallèle les embûches rencontrées avec leurs propres erreurs de jugement. Il serait toutefois plus juste de considérer ces choix comme des stratégies, parfois inefficaces, mises en place en vue d’améliorer leur situation. Elles ont, chacune à leur manière, eu à porter seule sur leurs épaules le poids de leur bien-être, ce qui exacerbe la plupart du temps les conséquences négatives de leurs choix. Il semblerait qu’à l’embranchement d’étapes cruciales de la vie, telle que la transition vers l’âge adulte, une situation de solitude n’incluant pratiquement aucune figure significative dans l’entourage contribuerait au passage à la rue.

Les participantes présentent une vision d’elle-même plus nuancée que l’étiquette qu’il pourrait être tentant de leur apposer, en lien par exemple avec leur comportement de consommation ou leur historique de victimisation. Alors que le sujet à l’étude dans cette

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recherche semble si peu exploré au regard de l’état des connaissances actuelles, la vision unique qu’elles en ont est d’autant plus précieuse pour approfondir la compréhension de l’itinérance des jeunes femmes.

Certaines limites de cette recherche sont à souligner. Bien qu’il réponde aux exigences d’un mémoire de maîtrise et que la méthodologie employée permette d’atteindre une profondeur d’analyse intéressante, il va sans dire que le corpus de recherche comporte un nombre réduit de participantes. Pour une lecture encore plus fine d’un phénomène peu documenté et si complexe, il aurait été intéressant de rencontrer un plus grand nombre de participantes pour atteindre une meilleure densification de témoignages convergents et ainsi se rapprocher davantage d’une plus grande saturation théorique. Une certaine homogénéité quant à l’âge des participantes est aussi à souligner puisque quatre des cinq participantes se situaient à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine. Sans diminuer l’importance de leur perspective par rapport au sujet d’étude, l’ajout de participantes ayant entre vingt et vingt-cinq ans aurait pu apporter une diversité de points de vue et d’expérience de vie encore plus grande. Dans la même lignée, il est possible de se demander si un corpus de recherche plus important et plus diversifié aurait permis de documenter certains phénomènes peu abordés dans la présente recherche. À titre d’exemple, les récits des participantes mettent peu en évidence la marginalisation et le profilage pouvant être vécus auprès de certaines institutions de pouvoir, comme les corps policiers, alors que cela est rapporté dans plusieurs études sur l’itinérance (Bouclin, 2016; Chesnay, Bellot et Sylvestre, 2014; Couillard et Laforce-Lafontaine, 2016).

De ce mémoire émergent aussi certaines pistes pour de futures recherches ou pour le développement de services d’aide. D’abord, le lien entre la fin d’un suivi auprès des services de la protection de la jeunesse et l’itinérance a été mainte fois documenté (Bender, Yang, Ferguson et Thompson, 2015; Curry et Abrams, 2015; Nichols, 2013; Tyrell et Yates, 2017). Dans cette recherche, plusieurs participantes ont abordé sous différents angles l’inadéquation de leur milieu d’origine et l’influence de leurs difficultés familiales sur leur parcours, qu’elles aient expérimenté ou non un placement. Il pourrait ainsi être intéressant d’explorer plus spécifiquement le rôle du milieu familial dans le parcours de transition des

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