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Comment reconstruire l’histoire du plateau tibétain à partir du relief ?

Au vu de l’immensité du plateau, cette question a été restreinte à deux zones, dans les bordures Ouest et Est du Tibet. Ces zones ont été choisies pour leurs fortes variations

d’altitude, susceptibles d’enregistrer une histoire tectonique complexe, et leurs climats contrastés. Elles comportent également des dépôts sédimentaires tertiaires qui peuvent

enregistrer par leur nature, leur distribution et leur géométrie, l’évolution du climat et du relief local et régional.

L’Ouest-Tibet a fait l’objet d’une très courte mission de repérage dans la région du lac Bangong en 2011, par G. Mahéo et P. H. Leloup. Elle devait être suivie d’un travail de terrain plus détaillé. Depuis 2012, les autorités chinoises limitent fortement l’accès au Tibet aux étrangers, et la partie ouest, qui se trouve en bordure du Cachemire et de la frontière indienne, est totalement inaccessible. Le nombre d’échantillons prélevés et analysés est donc limité.Un second sujet d’étude a donc été choisi en 2012, au Sud-Est Tibet. Cette région présente l’avantage d’être moins hors de portée d’un géologue, car elle ne se trouve pas dans la province autonome du Tibet, mais dans les provinces du Yunnan et du Sichuan. Elle a fait l’objet de deux missions de terrain, en collaboration avec laChina University of Geosciences à Wuhan et la Chinese Academy of Geoscience de Pékin, et financées par le programme franco-chinois Cai Yuanpei.

Les échantillons ont été analysés au Laboratoire de géologie de Lyon, au Laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand, et à Berkeley, en collaboration avec le Berkeley Geochronology Center.

L’approche choisie pour cette étude est pluridisciplinaire et les méthodes utilisées seront exposées dans le chapitre 2.

Les chapitres 3 et 4 présentent les résultats concernant l’histoire du relief de l’Ouest Tibet. Le chapitre 3 traite de l’analyse morphologique et sédimentologique ; il s’agit d’un article accepté à Gondwana Research. Le chapitre 4 traite de la reconstitution du relief à partir de données thermochronologiques ; il est construit à partir d’un article en préparation.

Le chapitre 5 présente les résultats de l’étude de la région de Jianchuan et s’articule également autour d’un article en préparation.

Les chapitres 3 à 5 sont précédés d'un résumé en français soulignant leurs implications majeures.

Le chapitre 6 est une discussion générale des résultats obtenus qui sont replacés dans le cadre général de formation du plateau.

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CHAPITRE 2

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Les méthodes exposées ici ont pour but de reconstituer l’histoire du relief et, si

possible, l’évolution de l’altitude. La formation d’un relief est le résultat combiné de l’érosion (par exemple, creusement d’une vallée par une rivière ou un glacier) et de la tectonique (par exemple, soulèvement d’un bloc crustal par le mouvement d’une faille). L’érosion peut être étudiée par une approche directe et qualitative des processus de surface : il s’agit de

d’analyser les sédiments issus de l’érosion d’un relief. Une autre approche, quantitative, consiste à étudier l’érosion (et l’éventuelle influence de la tectonique) en partant, non pas des sédiments issus de l’érosion, mais des roches enfouies dans la croûte et qui ont été mises à nu par l’érosion. Quantifier la rapidité à laquelle une roche est exhumée vers la surface, permet d’estimer un taux d’exhumation, qui permet lui-même d’estimer le taux d’érosion. Cette méthode sera expliquée dans le paragraphe 2.4.

2.1. Cartographie et analyse morphologique

2.1.1. Cartographie

La distribution des sédiments tertiaires détritiques permet d’évaluer l’importance des reliefs anciens dont ils sont issus. Le volume de sédiments donne des indications sur le taux d’érosion ; le type de sédiments donne des indications sur l’environnement de dépôt ; par exemple, des sédiments de plaine alluviale indiquent un dépôt dans une zone de faible relief, alors qu’un cône d’éboulis indique la proximité d’une zone montagneuse. Les sédiments peuvent également renseigner sur la distance et la localisation du relief dont ils sont issus. Les critères de courants, comme des galets imbriqués dans le cas de chenaux à conglomérats, peut permettre de reconstituer le sens d’écoulement d’une rivière, donc la géométrie du bassin versant. La localisation de ces sédiments est également importante car elle permet de savoir si on se trouve dans un paléobassin sédimentaire, ou un paléorelief comblé par ces sédiments. Il faut donc pouvoir les localiser facilement. L’Ouest Tibet ayant été peu exploré par rapport au reste du plateau, les données cartographiques sont disparates. Certaines cartes chinoises au 1/25 000 existent mais sont difficilement accessibles. La plupart des articles présentant des cartes locales (Leloup et al., 2010 ; Kapp et al., 2003 ; Taylor et al., 2003) reprennent les cartes de Cheng et Xu, (1987) et (1986), et de Matte et al., (1996), en ajoutant leurs propres observations et interprétations. Un travail de cartographie de ces sédiments détritiques

tertiaires a donc été réalisé. Les premières données sont bien entendu les observations directes de terrain. Une méthode complémentaire consiste à cartographier de façon indirecte, à partir d’images satellites, cette zone difficile d’accès. Cette méthode a été utilisée dans l’Ouest Tibet uniquement et pas dans le Yunnan, où plusieurs études à l’échelle locale ont déjà été publiées.

Les images satellites proviennent du programme LANDSAT. C’est le plus ancien programme d’observation civil de la Nasa. Plusieurs satellites ont été lancés entre 1972 et aujourd’hui ; les images utilisées ont été acquises par les satellites LANDSAT 4, 5 et 7, qui ont une orbite circulaire et dont le cycle orbitale dure 16 jours. Ils permettent une couverture complète de la surface terrestre entre les parallèles 81°N et 81°S. Ils possèdent une

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instrumentation embarquée permettant de faire des photographie jusqu’à 15 m de résolution. Il s’agit des radiomètres TM (« thermal ») et ETM+. Ces radiomètres récoltent des

informations dans différentes gammes de longueur d’onde (donc de couleur, visibles ou non par l’œil humain). Les canaux 1, 2 et 3 correspondent aux gammes du bleu, vert et rouge utilisés en photographie conventionnelle. Le canal 4 correspond au proche infrarouge ; les canaux 5 et 7 à l’infrarouge, et le canal 6 à l’infrarouge thermique. Le canal 7 est souvent utilisé en sciences de la Terre car il permet de distinguer facilement les contrastes

géologiques. Les canaux 1 à 7 fournissent des images à 30 m de résolution. Pour certaines images, il existe un huitième canal de haute résolution, avec des pixels de 15 m de côté. Les images ont été téléchargées sur http://glcfapp.glcf.umd.edu, le site du Global Land Cover Facility, qui dépend de la Nasa et de l’Université du Maryland.

On peut traiter les images satellites en superposant plusieurs canaux, de façon à former une combinaison colorée, puis assembler les images afin de créer une mosaïque recouvrant la totalité de la zone étudiée. L’avantage d’utiliser des images en fausses couleurs est que certains contrastes géologiques, par exemple la différence entre un pluton granitique et son auréole métamorphique, deviennent plus facilement visibles que sur une photographie utilisant uniquement les canaux vert, rouge et bleu. L’Ouest Tibet présente également un avantage : il n’y a pas de couvert végétal dense qui masquerait les lithologies sur les images. De multiples combinaisons ont été testées et la combinaison choisie est 7-4-1. Le SIG utilisant (système d’information géographique) utilisé pour exploiter les images est Arcgis. La

mosaïque a été projetée en UTM (transverse universelle de Mercator) et est géoréférencé selon le système WGS 84 (système géodésique mondial). Elle est présentée sur la figure II.1. Les résultats de ce travail de cartographie sont présentés au chapitre 3.

44 Figure II.1. Mosaïque d’images LANDSAT recouvrant l’ouest du Tibet au NE, les monts du

Karakorum et l’ouest de l’Himalaya au Sud. La combinaison colorée est 7-4-1. La neige apparaît ici en bleu clair, les lacs en bleu sombre et la végétation en vert, dans le quart SE. On reconnait la trace de la faille du Karakorum (NW-SE).

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