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Tibet Tarim

2.3. Datation Uranium-Plomb

Cette méthode a été utilisée afin de préciser l’âge des dépôts continentaux tertiaires (Ouest et Est Tibet) et l’âge d’un pluton granitique (Ouest Tibet) qui a fait l’objet d’une étude en thermochronologie basse température. Les dépôts continentaux sont recoupés ou recouvert par des coulées volcaniques trachyandésitiques et des lamprophyres. Ces roches, ainsi que les granites, contiennent des zircons. Ces minéraux sont suffisamment riches en Uranium pour être datés par la méthode U/Pb. Le système Uranium-plomb fait partie des systèmes

isotopiques classiques, largement utilisé en sciences de la Terre. Les éléments père, 238U, 235U et 232Th, se désintègrent respectivement en 206Pb, 207Pb et 208Pb par des cascades de

désintégration (figure II.4) qui produisent des radionucléides intermédiaires.

Figure II.4. Chaînes de désintégrations de 238U, 235U et 232Th. Document CRIIRAD.

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Il est possible de simplifier cette chaîne de désintégration en systèmes simples élément-père/élément-fils uniquement si l’équilibre séculaire est atteint, c’est-à-dire si les radiocucléides intermédiaires sont produit à la même vitesse qu’ils sont désintégrés. Il faut environ dix fois la période la plus longue de la chaîne, ce qui correspond à 550 000 ans. Il faut également tenir compte du biais représenté par le plomb commun : le 204Pb est le seul isotope non radiogénique du plomb. Il peut augmenter la concentration apparente en plomb mesurée dans un échantillon et biaiser l’âge estimé. Le biais sera d’autant plus important que la concentration de Pb radiogénique est faible, autrement dit si l’échantillon est jeune. On obtient alors les équations suivantes :

206 Pb/204Pb = (206Pb/204Pb)initial + 238U/204Pb(eλ238t -1) 207 Pb/204Pb = (207Pb/204Pb)initial + 235U/204Pb(eλ235t -1) 208 Pb/204Pb = (208Pb/204Pb)initial + 232Th/204Pb(eλ232t -1)

Chaque système présente 2 inconnues: le rapport initial et l’âge, les autres rapports étant mesurés directement par spectrométrie de masse. Dans le cas des zircons, comme ces minéraux sont très riches en U et pauvre en Pb non radiogénique, il est possible de négliger le rapport initial. Il est donc possible de calculer directement un âge pour les trois chaînes de désintégration.

Afin de tester la cohérence entre les âges obtenus, les rapports 206Pb/238U et 207Pb/235U sont représenté dans un diagramme concordia (Fig. II.5). Dans ce diagramme est positionnée une courbe d’âge de référence, dite courbe concordia, sur laquelles les point de mesure doivent se trouver si les systèmes isotopiques sont restés fermés (i.e. si il n’y a pas eu sortie d’isotopes radiogénique 206

Pb ou 207Pb) au cours du temps. On parle alors d’âge concordant qui correspond généralement à l’âge de cristallisation des zircons, donc dans le cas des roches étudiés ici, à l’âge de cristallisation des magmas. Cependant, les mesures peuvent ne pas se positionner sur la courbe concordia et définir une courbe dite discordia (Fig. II.5). Ce cas de figure s’observe si un ou les deux isotopes radiogéniques sont sortis du zircon ou de la zone de zircon analysée. On l’observe généralement si les zircons étudié ont subi une perturbation thermique postérieurement à leur formation. Des âges discordants peuvent également

correspondre à des processus plus anciens que le phénomène géologique que l’on souhaite dater. Par exemple, dans le cas de zircons magmatiques, il est possible d’obtenir des âges discordants sur des zircons existant préalablement à la fusion partielle dans la source du magma ou dans l’encaissant traversé. On parle alors d’âge hérité. Si ces âge discordants s’alignent sur une même droite, ont peut définir des intercepts supérieurs et inférieurs avec la concordia (Fig. II.5). L’intercept supérieur correspond à l’âge de formation du zircon et l’intercept inférieur à l’âge de la perturbation thermique.

Les données peuvent être également représentées dans un diagramme dit Tera-Wasserburg où le rapport 238U/206Pb est représenté en fonction du rapport 207Pb/206Pb. Cette représentation est plus intéressante pour les âges jeunes, car les lignes concordia et discordia sont plus clairement séparées que dans les représentations classiques.

51 Figure II.5. Principe des courbes concordia (en noir) et discordia (en bleu).

Les datations des zircons ont été réalisées au Laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand, soit sur lames minces soit sur zircons séparés. Sur lame mince (figure II.6), les zircons ont d’abord été repérés au microscope en lumière transmise. Les zircons ont la propriété de de réfléchir fortement la lumière, et c’est pourquoi on utilise une lumière réfléchie pour vérifier qu’il s’agit bien de zircons et pas d’autre minéraux à fort relief. Pour récupérer des zircons séparés, les échantillons ont été broyés puis tamisés (diamètre compris entre125 et 85 microns, et entre 125 et 250 microns). Les minéraux magnétiques ont ensuites été retirés en utilisant un aimant et un séparateur magnétique. Enfin, dans la fraction non magnétique les minéraux denses (zircon et apatite) on été séparés des minéraux légers (quartz, feldspath principalement) en utilsant une liqueur dense de bromophorme (d = 2,9). Enfin, les plus beaux zircons on été selectionnés à la loupe binoculaire.

Les grains selectionnés on été transférés dans un plot de résine et polis au Laboratoire

Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand. Afin de repérer les zones à analyser, des images en cathodoluminescence ont été réalisées.

La technique d’ablation laser a été utilisée avec un spectromètre de masse à induction plasma (LA-ICPMS). Cette technique repose sur l’utilisation d’un faisceau laser qui, lorsqu’il interagit avec un cristal, creuse un cratère de 10 à 50 microns de large et de 10 à 30 microns de profondeur (figure II.6c) et provoque l’ionisation de l’uranium qui est ensuite collecté et analysé. Cette technique présente l’avantage de pouvoir dater des zircons directement sur lame mince, et de pouvoir dater plusieurs parties d’un même zircon.

52 Figure II.6. Photographie d’une lame mince avec un zircon à la bordure d’un cristal de

biotite, en lumière transmise (a) et en lumière réfléchie (b).c) Photographie d’un zircon après analyse présentant deux cratères.

2.4. Apport de la thermochronologie basse température

2.4.1. Datations (U-Th-Sm)/He sur apatites et zircons

Cette méthode permet de quantifier l’exhumation d’une roche, c’est-à-dire son

rapprochement de la surface terrestre. Quantifier l’exhumation permet d’estimer l’érosion (ou dénudation) mais, à moins de connaître l’évolution du niveau de base, ne permet pas

systématiquement d’estimer le soulèvement (uplift) qui désigne le remontée de la surface elle-même.

La thermochronologie basse température est une méthode dérivée des datations radioisotopiques classiques. Elle repose sur le principe suivant : lorsque, sous l’effet de l’érosion et/ou des forces tectoniques, une roche enfouie dans la croûte continentale remonte vers la surface, sa température diminue. Au cours de ce refroidissement, la roche franchit des paliers thermiques correspondant aux températures de fermetures de différents systèmes

50m

a b

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isotopiques. La température de fermeture correspond à la température en dessous de laquelle un élément fils (F) issu de la désintégration radioactive d’un élément-père (P), restent piégés à l’intérieur du minéral. La figure II.7 présente les températures de fermeture de quelques systèmes. Par exemple, un minéral d’apatite contient de l’uranium U qui se désintègre ; l’Hélium (particule alpha) est un sous-produit de cette désintégration. La température de fermeture moyenne pour le système (U-Th-Sm)/He est d’environ 65° (Farley et al., 1996). Dater un cristal d’apatite par la méthode (U-Th-Sm)/He revient à dater le moment où la roche contenant ce cristal a franchi l’isotherme 65°. Avec l’âge de refroidissement obtenu, on peut en déduire un taux de refroidissement moyen apparent jusqu’à l’actuel en °C/Ma.

Figure II.7. Gammes des températures de fermeture pour différents systèmes isotopiques et

minéraux. (image disponible sur le site de l’université de Syracuse syr.edu) Les particules alpha sont produites selon la loi de désintégration suivante :

4 He = 8238U(eλ238t -1) + 7235U (eλ235t -1) + 6(eλ232t -1) 232Th + 147Sm (eλ137t -1) (1)

La chaîne de désintégration du Thorium ne produit que six particules alpha, alors que les deux chaînes de l’uranium en produisent huit et sept. Pour simplifier la compréhension de la

production d’hélium, on utilise la notion de concentration en uranium effectif ou eU. C’est un paramètre qui prend en compte la désintégration simultanée des éléments pères U et Th est égal à [U] + 0.235*[Th].

L’hélium est aussi perdu par diffusion activée thermiquement. Suivant l’équation d’Arrhénius, la diffusivité D est :

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D/a2 = D0/a2.e-Ea/RT (2)

D0 étant la diffusivité (m-2s-1) pour une température qui tendrait vers l'infini, Ea l’énergie d’activation de la diffusion (J/mol), et a le rayon du domaine de diffusion, dans le cas d’un domaine sphérique. R correspond à la constante des gaz parfaits en J/mol/K.

En résumé, l’abondance en hélium radiogénique dans un minéral est :

4

He = ∫t (production – perte)dt (3)

On considère que la production est uniquement due à la désintégration des éléments-pères et on néglige d’autres apports : implantation de particules alpha par les cristaux environnants, et production par spallation, sous l’effet du vent solaire, une fois la roche à la surface. 65°C correspond à une température de fermeture moyenne. En réalité, la température de fermeture dépend de plusieurs facteurs. Dodson (1977) a défini une température de fermeture Tc selon l’équation suivante :

Tc = Ea / (Rln(AτD0/a2)) (4) où τ est le temps caractéristique de refroidissement au bout duquel D diminue de e.

A des températures inférieures à 300°C, les apatites ont un seul domaine de diffusion qui correspond au minéral entier ; la température de fermeture dépend donc de la taille du grain (Farley, 2000). Un autre facteur à prendre en compte est le taux de refroidissement (°C/Ma). Plus le refroidissement est rapide, plus la température de fermeture est élevée (Farley, 2000).

Il existe un intervalle de température, appelée zone de rétention partielle dans lequel un minéral peut perdre une faible quantité d’hélium par diffusion. Dans le cas des apatites, cette zone, également appelée AHePZR (Wolf et al., 1998), se situe entre 45° et 75° et

correspond à la zone où entre 10% et 90% de l’hélium produit reste dans le cristal. Un minéral ayant séjourné longtemps dans cette zone aura perdu une quantité importante d’hélium avant de parvenir à la surface ; la concentration restante et mesurable sera donc faible, et l’âge de refroidissement apparent, anormalement jeune.

Une particule alpha possède une énergie cinétique importante et, au moment de sa formation, est éjectée sur une courte distance. Cette distance d’éjection est d’environ 20 microns (Farley et al., 1996). Une particule alpha produite au cœur du cristal se déplacera de cette distance mais restera à l’intérieur de ce cristal ; en revanche, si la particule est produite en bordure du cristal, elle sera éjectée à l’extérieur (figure II.8). Avant de calculer un âge de refroidissement à partir des concentrations mesurées en U, Th, Sm et He, il est donc

nécessaire d’estimer la proportion d’hélium perdu par ce phénomène (Figure 8). Plus un cristal est de grande taille, moins cette proportion est importante ; on utilise en général des cristaux d’apatite de taille suffisante pour que la proportion perdue soit inférieure à 20%. On applique ensuite un facteur de correction Ft à l’âge apparent mesuré. Ce facteur de correction dépend de la taille du minéral et du mode de diffusion. Le mode de diffusion le plus

fréquemment utilisé est la diffusion en mode sphérique : on mesure les hauteur, largeur et épaisseur d’un cristal d’apatite et on calcule ensuite le rayon qu’aurait une sphère de même volume. D’après Farley et al., (1996), en domaine sphérique ce facteur est égal à :

55 Ft = 1 - 3S/4R + S3/16R3 (5) avec S égal à la distance d’éjection et R le rayon de la sphère.

Par ailleurs, la désintégration d’un atome de 238

U ou 232Th, lorsqu’elle se produit, provoque le recul de l’élément père sur quelques microns. Ce phénomène endommage la matrice cristalline et est susceptible de générer des défauts, appelés défauts de recul et qui pourraient servir de « pièges » dans la matrice où viendraient les particules alpha (Shuster et al., 2006). Les défauts augmentent donc la rétention de 4He ; pour la même histoire thermique, une apatite riche en uranium (eU élevé) aura donc un âge de refroidissement apparent plus vieux qu’une apatite pauvre en uranium (eU bas). Ce phénomène est compliqué par le fait que les défauts cicatrisent avec la température et selon la chimie du grain. Plusieurs modèles de correction des dommages radiatifs existent (Gautheron et al., 2009 ; Flowers et al., 2009) prenant en compte la composition chimique des grains et l’histoire thermique. L’âge mesuré peut également être biaisé par la présence d’inclusions retentives à l’uranium, ou par une perte d’hélium si le cristal est brisé : il est donc important d’utiliser des grains d’apatites sans cassures et ne contenant pas d’inclusion.

Figure II.8. Effet de l’éjection alpha sur la distribution d’hélium au sein d’un cristal. Image

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C’est la faible température de ce système qui le rend très intéressant lorsqu’il s’agit de reconstituer l’histoire d’un relief. En effet, 65° correspond environ à une profondeur superficielle (entre 1 et 3 km selon le gradient géothermique de la croûte) et reflète donc l’histoire de refroidissement d’une roche proche de la surface.

Un âge de refroidissement peut correspondre à de multiples histoires de refroidissement possibles. C’est la raison pour laquelle une méthode dérivée de la thermochronologie conventionnelle a été utilisée, qui permet de trancher entre plusieurs histoires de refroidissement possibles pour un même échantillon. Il s’agit de la thermochronologie

4

He/3He.

2.4.2. Thermochronologie 4He/3He

Cette méthode a été développée dans les années 2000 par D. Shuster et K. Farley (Shuster et Farley, 2005 ; Farley, 2010). Elle repose sur la façon dont les particules alpha produites diffusent hors d’un cristal. A l’intérieur d’un cristal d’apatite, la distribution spatiale du 4

He n’est pas homogène ; il existe des variations de concentration entre le cœur et les bordures du cristal. En effet, l’hélium diffuse de l’intérieur vers l’extérieur d’un cristal d’apatite. Les bordures seront d’autant plus appauvries en hélium que la diffusion est active longtemps, par exemple si le minéral se refroidit lentement. Le profil de concentration en 4He diffère selon l’histoire de refroidissement de cette apatite (figure II.9) ; cette méthode permet de

reconstituer l’histoire de refroidissement entre 20° et 80°. Elle est donc très intéressante pour caractériser les stades ultimes de refroidissement d’un échantillon, mais nécessite une étape de plus dans la préparation des échantillons, qui est expliquée plus loin.

57 Figure II.9. Principe de la thermochronométrie 4He/3He. a) plusieurs trajet de

refroidissement possibles, tous compatibles avec un âge de refroidissement (U-Th)/He de 5 Ma. b) Simulation des profils de diffusion correspondant en fonction de la somme cumulative de 3He, avec Rstep = 4He/3He pour une étape de dégazage, et Rbulk = 4He/3He total. Shuster et Farley, (2005).

2.4.3. Limites et contraintes de la thermochronométrie basse température Thermochronométrie (U-Th)/He sur apatites

Cette méthode est un excellent outil permettant une étude fine du refroidissement d’une roche pour des profondeurs inférieures à 2 km. Il peut être lié au refroidissement d’un pluton après sa cristallisation, à la modification des surfaces isothermes dans la croûte, et/ou à

l’exhumation d’une roche vers la surface. La thermochronométrie (U-Th)/He présente néanmoins quelques contraintes et limites. Les grains d’apatites sélectionnés ne doivent pas

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présenter d’inclusions, ou bien être d’une taille suffisante pour que l’effet de ces inclusions potentiellement retentives à l’Uranium soit négligeable au regard de la quantité d’uranium contenue dans le reste du cristal.

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