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1.4.1. Contexte régional climatique actuel

L’Asie est aujourd’hui soumise à un régime de moussons (figure I.18

9). En été, un contraste de pression entre les continents et les océans est dû à la forte insolation des continents. Ceci génère un effet de foehn marqué, avec des vents venant du Sud-Est, et des précipitations abondantes sur le front himalayen et le Sud-Est asiatique. L’effet de foehn (d’après le nom d’un vent du sud touchant le nord des Alpes) est lié à la rencontre entre le mouvement d’une masse atmosphérique et un obstacle tel qu’une chaîne de montagne. Au cours de sa remontée, l’air se refroidit et se charge en humidité, à l’origine des précipitations sur le flanc du relief faisant face au vent. En hiver, les vents s’inversent (vents de Nord-Est et Nord-Ouest), à l’origine de conditions sèches.

Figure I.19. Principales directions des vents en été (jaune) et en hiver (bleu). Licht et al.,

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Comme les nuages de mousson qui remontent l’Inde en été sont stoppés par la barrière himalayenne, et le Tibet a un climat sec par apport au nord de l’Inde (figure I.20). La partie ouest du plateau quant à elle présente un climat aride, les rares précipitations proviennent de l’intérieur de l’Asie et sont inférieures à 80 mm/an (Wei et Gasse, 1999 ; Yatagai et al., 2012). La végétation de cette partie du plateau est caractéristique des milieux semi-désertiques et des déserts alpins. Le Sud-Est est beaucoup plus humide, et soumis à l’influence de la

mousson sud-est asiatique, avec des précipitations supérieures à 2000 mm/an. On y trouve des forêts de feuillus et de conifères. Le centre est caractérisé par des paysages de prairies et steppes alpines, et la partie sud par des prairies alpine et du maquis.

Figure I.20. : Carte des précipitations saisonnières en mm/an, en hiver (à gauche) et en été

(à droite). Maussion et al., (2014). Les flèches représentent le sens des vents dominants.

Le plateau du Tibet exerce une influence sur le régime de mousson. Comme il s’agit d’une très large masse continentale de haute altitude, son réchauffement durant l’été provoque l’apparition d’une zone de basse pression qui participe au changement de direction des vents venus de l’océan indien et de la mer de Chine du Sud. Il a donc été proposé que la surrection du plateau ait favorisé l’apparition de la mousson asiatique (Molnar et al., 1993) . Pour tester cette hypothèse, il est nécessaire de connaître avec précision la chronologie d’établissement du régime de mousson, et son évolution au cours du temps, ainsi que l’évolution du climat sur le plateau même.

Tarim Tibet Tarim

32 1.4.2. Evolution climatique régionale

Le sytème de mousson est marqué par une forte saisonnalité et des précipitations intenses qui génèrent une érosion locale sur les reliefs. Les précipitaions d’été sont caractérisées par un appauvrissement en 18O contenu dans H2O (Vuille et al., 2005). Les reconstructions de la mousson (Clift et al., 2005, 2014, Prell et al., 1992) sont donc principalement tirées de l’étude des sédiments issus de l’érosion de l’ensemble Himalaya-Tibet, via des forages ODP (Ocean Drilling Program). Ces sédiments apportent des renseignements sur l’intensité de l’érosion ainsi que l’altération, à partir de marqueurs

chimiques, paléontologique ou du type de minéraux argileux. L’érosion ou l’incision fluviale est aussi quantifié par des études de thermochronométrie (Clark et al., 2005). On peut

remonter à la composition isotopiques des précipitations en analysant des restes carbonatés d’organismes contemporains ayant incorporé, via l’eau de boisson, l’oxygène des eaux météoriques (Licht et al., 2014). Bougeois et al., (2014) ont mis au point une méthode d’évaluation de la saisonnalité à partir de l’analyse des isotopes stables sur des coquilles d’huîtres fossiles.

Deux moteurs ont pu affecter le système de mousson : la surrection du plateau (Raymo et Ruddiman, 1992), et le retrait de la Parathétys, un vestige de l’océan téthysien. Au cours de l’Eocène et jusqu’au début de l’Oligocène, une mer épicontinentale, existait au Nord de l’actuel plateau (Ramstein, 1997 ; Fluteau, 1999). La portion de la Paratéthys qui nous intéresse ici occupait la place de l’actuel désert du Tarim (Bosboom et al., 2011), et était probablement une source d’humidité non négligeable pour l’Asie centrale. Son retrait, présenté sur la figure I.21, a entraîné une aridification de l’Asie. Il est également possible que la surrection du plateau ait favorisé le retrait la mer. Ce retrait a eu lieu de 41 à 35 Ma

(Bosboom et al., 2011). Il semble que pendant l’Eocène moyen, au Tarim le climat était marqué par une forte saisonnalité : l’été était chaud (température de l’eau de surface ~27°C) et semi-aride, et l’hiver plus froid et humide (Bougeois et al., 2014) . Des modèles numériques de circulations atmosphériques évaluant la réponse de l’atmosphère à la surrection du plateau montrent un effet des ces deux événements sur l’intensité de la mousson (Fluteau et al., 1999) mais leur importance relative est encore mal comprise.

Un système de moussons existait probablement dès l’Eocène (Licht et al., 2014, Huber et Goldner, 2012) mais l’évolution de l’intensité de la mousson reste mal connu. Elle a subi au moins deux phases d’intensification, autour de 13 et 3,5 Ma (Clift et al., 2005, 2014, Prell et al., 1992).

Des études de thermochronologie (qui seront discutées plus loin) montrent une accélération de l’incision fluviale dans l’Est Tibet entre 9 et 13 Ma (Clark et al., 2005). Cette accélérationa elle même été interprétée comme due à une surrection rapide du plateau consécutive à l’arrivée d’un flux de croûte inférieure venant du Tibet (channel flow) corrélée avec l’intensification de la mousson. Cependant, cette interprétation est encore très discutée.

33 Figure I.21. Distribution des domaines océaniques à l’Eocène. Bosboom et al., (2011).

1.4.3. Evolution climatique globale

Le plateau constitue une très large surface de haute altitude et de fort albédo. Il a été proposé que le soulèvement du Tibet coïncide avec un changement climatique majeur (Raymo et Ruddiman, 1992, Garzione et al., 2008) caractérisé par un refroidissement global. La

transition Eocène-Oligocène est une des expressions de ce refroidissement ; elle coïncide avec le développement rapide de la calotte polaire antarctique. En provoquant une augmentation des surface de haute altitude, le soulèvement du plateau aurait en partie joué sur la transition Eocène-Oligocène il y a 34 Ma, qui s’est traduit par un refroidissement généralisé et le passage d’un climat de type greenhouse (chaude et humide) à icehouse (froid avec des calottes polaires étendues). En résumé, il est difficile de savoir quel paramètre a influencé l’autre : le climat peut influencer la surrection, par exemple à cause d’une intensification des précipitations, mais la surrection elle-même est susceptible d’influencer le climat. Afin

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d’estimer l’influence de la surrection sur le climat, il est nécessaire de connaître la chronologie du soulèvement pour la comparer aux variations climatiques passées.

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