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La reconstruction de l’église en style gothique (église n°5)

Dans le document La Riche, Prieuré Saint-Cosme (Page 165-169)

Extrait de carte topographique au 1/25

planche 29 ) Il occupe une situation topographique presque universelle au Moyen-Age, sous la forme

2.7.2. La reconstruction de l’église en style gothique (église n°5)

Le rehaussement du site s’observe également

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comble ; c’est pourquoi on a créé une église n°5 pour la distinguer de la précédente.

L’espace à son chevet fut régularisé par la création d’une cour rectangulaire délimitée à l’est par le mur M 54, qui contient de nombreux blocs provenant sans doute de la destruction de l’église romane (claveaux, blocs retaillés). Ce mur laisse un passage devant l’église n°2 et le logis de l’aumônier.

2.7.2.1. Les fondations

Le gouttereau sud de la nef montre particulièrement bien ce phénomène d’exhaussement. En effet, comme pour l’angle sud-est de la galerie du cloître, on observe que la fondation gothique est posée par-dessus l’élévation arasée de l’édifice roman (photos 65 et 72). Les contreforts ont également été refaits, plus importants que ceux de l’église romane (photo 276). Ceux des angles de la façade ouest et des bras du transept ont été bâtis à l’oblique (figure 61 et photos 89, 277 et 278). On voit également qu’ils sont fondés dans les remblais du 15e siècle, ou qu’ils viennent recouvrir la base des élévations romanes. Il en va de même des contreforts droits qui ont été refaits

aux angles du bras nord du transept (un contrefort oblique n’aurait pas été possible dans la continuité des gouttereaux de l’aile orientale du cloître) (photos 103, 106, 162 et 279). La base d’une tourelle d’escalier circulaire (EA 328), donnant côté nord sur la travée occidentale, passe également par- dessus l’arase romane (photo 278).

L’analyse du gouttereau sud de la nef montre que le mur roman s’était affaissé vers l’ouest : les assises sont inclinées dans cette direction, et la fondation gothique essaie de racheter cette inclinaison (photos 72 et 280). Il est probable que cet affaissement avait fragilisé la nef, ce qui a pu motiver sa reconstruction, limitée à cette partie de l’édifice ainsi qu’aux zones de transept en contact avec elle. Les poussées d’une voûte dans une église sans collatéraux pouvaient aussi avoir contribué à ces désordres, peut-être même menaçait-elle de s’effondrer. De fait, l’ensemble du voûtement a été refait, y compris celui du chœur, comme l’attestent les nouvelles consoles supportant les nervures de la voûte. Les contreforts gothiques sont plus massifs que ceux de l’église 4, ce qui, joint à une voûte d’ogives, dut mieux assurer la stabilité de l’ensemble.

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2.7.2.2. L’élévation

L’élévation gothique (figure 64) a déjà été étudiée lors du diagnostic de 2006 (Dufaÿ et al. 2007 : 31- 32 ; Duret-Molines 2003 : 335). Par définition, la fouille n’a guère apporté d’éléments nouveaux. L’élément le plus spectaculaire qui subsiste de cet état est l’arc ogival EA 222 qui constitue l’ouverture entre la nef et le transept sud (photos 7, 83, 94, 96, 99, 104, 156 et 157). L’insertion des voûtes dans les maçonneries romanes s’observe encore aisément dans ce qui reste du chœur, au sud de l’édifice (figure 23bis et planche 24 et photos 107 et 108). Le remplage de la fenêtre ouest du transept sud (EA 189), le seul conservé (figures 62 et 63, photos 311-311bis et 312 ; voir aussi cette fenêtre, bouchée, sur la photo 371), a été restitué à partir de la photogrammétrie des lambeaux subsistants. Le décor de la porte EA 188 qui ouvrait ce transept sur l’extérieur a malheureusement été martelé (photo 313), mais les traces qui en subsistent permettent de restituer un dispositif classique dans le gothique flamboyant d’un arc en accolade cantonné de pinacles et sommé sans doute d’une croix. Les bases prismatiques à pans concaves des retombées des voûtes sur croisées d’ogives sont encore visibles à la croisée du transept sud ; pour la nef, elles ont été restituées à partir de leurs fondations. Le sol, composé de carreaux de terre cuite de 16 cm de côté et de deux à trois centimètres d’épaisseur sur un lit de pose de mortier blanc avait été vu lors de la tranchée de diagnostic en travers de la nef, et était encore un peu visible dans le transept sud. A la fouille, de larges plaques de ce mortier blanc-gris ont été retrouvées (F 173), mais très peu du carrelage, globalement récupéré ou en très mauvais état (F 174 et 175) ; figure 61 et photos 314-315).

Un nouveau clocher dut être refait, compatible avec la nouvelle toiture ; ce clocher est mentionné par Ronsard dans son poème du Voyage  à  Tours. Construit à la croisée du transept, il devait être en charpente, très effilé, selon un modèle répandu aux 15e-16e siècles en Touraine (un exemple se trouve en face, à l’église Sainte-Julitte de Saint-Cyr-sur- Loire, qui aurait été reconstruite sous l’impulsion de Louis XI ; Couderc 1987 : 713). La, ou les cloche(s)

du précédent clocher ont pu être récupérées, mais un moule à cloche (F 261) a été découvert dans la nef, du côté nord, à hauteur du pilastre délimitant la première travée occidentale (sur le plan figure 61 et photos 316-317). Il a servi à fabriquer une cloche d’une soixantaine de centimètres de diamètre. La fosse qui le contient, accessible par le sud, vient percer les remblais consécutifs à la reconstruction gothique et au rehaussement du sol de la nef. Son comblement d’abandon (US 6280) contient de la céramique attribuable aux 15e-16e siècles, ainsi que du verre attribuable aux 11e-15e siècles. Ce comblement contient aussi de nombreux fragments de la chape de la cloche (photo 318). Il reste de ce moule le noyau creux rubéfié, construit en fragments de carreaux de terre cuite. Le trou pour l’axe du compas des gabarits est parfaitement visible208.

Il y a également deux autres moules à cloche à l’extérieur de l’église, le long du gouttereau nord de la nef (F 349 et F 350), malheureusement à moitié détruits par une tranchée récente, régularisée par le sondage n°6 (figure 65 etphotos 225, 226, 319 et 320). Toutefois, la base du noyau et de la chape sont bien visibles, surtout pour le moule ouest F 350, et permettent d’appréhender l’épaisseur de la cloche. Ils ont été installés dans ce qu’il reste de la galerie du cloître (cf. § 2.7.1.4), pour être à couvert mais ne pas gêner le culte dans l’église. En effet, les moules ne devaient surtout pas subir d’intempérie, sous peine de remettre en question la fonte des cloches. Ils dateraient plutôt du 16e siècle d’après le mobilier retrouvé dans leur comblement (US 5509). Ce sont deux cloches plus grosses que celle de l’intérieur de la nef (environ 90 cm et 80 cm) : les aurait-on refaites après le pillage huguenot de 1563 ? A noter que les fours pour fondre le métal correspondant à ces trois moules ne sont pas connus, contrairement à celui qui fonctionnait avec le petit moule du 14e siècle découvert dans l’hôtellerie (§ 2.6.2).

Le chœur des chanoines qui s’avançait antérieurement loin dans la nef fut détruit 208 L’usage et le fonctionnement de ce type de moule

sont bien décrits dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (cf. Schweitz, Rossillo 1982 et Leroux 1991).

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et recouvert par le rehaussement du sol d’une soixantaine de centimètres qui concerne toute la nef (cf. coupe planche 26). On a observé aussi que la tranchée de construction des pilastres nervurés gothiques venait recouper la maçonnerie qui supportait la clôture du chœur. On peut supposer que les chanoines s’installèrent, pour les offices, dans la travée droite du chœur, fermée par une grille dont on peut lire encore les traces de l’encastrement dans le pilier de la croisée sud- est de la croisée du transept (photos 321-322). A cette époque, les chanoines n’étaient sans doute plus qu’au nombre de six ou huit, et quatre stalles de chaque côté sont envisageables209.

Le maître-autel fut installé au fond du rond- point du chœur, accompagné vraisemblablement d’un retable qui masqua l’ancien dispositif de baies romanes. Il reste de cette installation la base maçonnée qui la supportait, très restaurée à la suite des fouilles du docteur Ranjard. Il devait s’élever jusqu’au niveau des consoles qui supportent les nervures de la voûte du chœur : contrairement à celles la nef, elles ne montent pas depuis le sol. L’autel en fond de chœur devant un retable sera promu au rang de règle par le concile de Trente (1545-1563) et ce type de dispositif deviendra universel au 17e siècle.

Il est vraisemblable que les autels situés dans les bras du transept aient été conservés. Les traces en sont encore observables dans le transept sud, conservé en élévation (photos 97 et 101). La reprise du bras sud est clairement lisible, avec un parement refait qui vient masquer l’ancienne petite fenêtre de l’état roman. Mais ce parement ne se poursuit pas vers le bas, contournant sans doute le massif d’autel demeuré en place. Par ailleurs, l’estrade sur lequel il était placé est encore visible, et n’a donc pas été détruite lors du rehaussement du sol de l’église.

Du décor de cette époque ne subsistent que deux statues représentant les saints Cosme et Damien. 209 Rappelons qu’ils étaient sept du temps de Ronsard,

y compris ce dernier.

Elles étaient posées dans des niches creusées dans le parement (UA 345 et 348), sur des socles saillants insérés dans celui-ci (photos 142 et 325- 328)210. Ces statues ont été attribuées à l’art ligérien du dernier quart du 15e siècle (Guillouët 2012).

Une statuette de femme d’environ 70 cm de haut (la Vierge, une sainte ou une pleureuse, provenant peut-être d’un groupe de Crucifixion ou de descente de la Croix), a été retrouvée dans un remblai du 18e siècle au chevet de l’église (US 7275) (photos 329-330). Cette découverte étant inattendue, elle a malheureusement subi des dommages par la pelleteuse qui terrassait ce remblai ; mais le visage, très finement sculpté, a été préservé. Elle possède encore des traces de polychromie. Elle peut être attribuée au 15e ou au 16e siècle (expertise et information orale J.- M. Guillouët). Elle ne semble pas avoir été inhumée volontairement, mais les conditions de découverte ne permettent pas d’en être certain ; en tous cas, elle était orientée la tête au nord, ce qui ne plaide pas, a priori, pour une inhumation rituelle211.

210 Ces statues ont été enlevées de leur emplacement

d’origine à une date indéterminée. Elles ont été acquises en 1876 par la Société Archéologique de Touraine et des reproductions en ciment ont été placés dans les niches de l’absidiole (Julien 1985). Les statues originales ont été mises en dépôt par la SAT dans la nouvelle salle d’interprétation du prieuré. La statue de saint Damien a subi une restauration de sa main à la fin des années 1980 et sur la base du cou à la suite de son transfert au prieuré en 2010 (par Sophie Joigneau et Marie Louis).

211 A l’instar de la statue d’évêque inhumée dans la

chapelle Saint-Libert (Riou, Dufaÿ 2016 : 176). Cette statue, restaurée par Romanella Bosseau en 2010, est exposée dans la nouvelle salle d’interprétation du prieuré.

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Dans le document La Riche, Prieuré Saint-Cosme (Page 165-169)