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2. Le mécanisme du NMD

2.3. L’assemblage du complexe de surveillance

2.3.2. Reconnaissance des PTC pendant le premier tour de traduction

La composition de la mRNP qui subit le premier tour de traduction diffère de celle qui subit les autres tours de traduction (Ishigaki et al. 2001; Lejeune et al. 2002; Chiu et al. 2004; Lejeune et al. 2004). Une des caractéristiques majeures de ces mRNP est la présence sur la coiffe de l’hétérodimère CBP80-CBP20. De plus, ces mRNP portent encore les EJC en amont des jonctions exon-exon et leur queue poly(A) est fixée par les protéines PABPN et PABPC (PABP nucléaire et cytoplasmique respectivement). Comme conséquence du premier tour de traduction, la composition de la mRNP est changée : les EJC ont été éliminés, le complexe CBP80-CBP20 a été remplacé par eIF4E, et seule PABPC reste associée à la queue poly(A). Les mRNP ainsi remodelées subissent la traduction intensive en protéine (Figure 11).

Figure 11. Composition de la mRNP avant et après le premier tour de traduction.

(A) Chez les mammifères la mRNP qui subit le premier tour de traduction présente le complexe CBP80-CBP20 lié à la coiffe, un EJC en amont de chaque jonction exon-exon et les protéines PABPC et PABPN associées à la queue polyA. (B) Après le premier tour de traduction le complexe CBP80-CBP20 a été remplacé par eIF4E, les EJC ont été éliminés et seule PABPC reste associée à la queue polyA.

Les travaux de l’équipe du Pr. Lynne Maquat ont mis en évidence que le NMD a lieu uniquement sur des ARNm fixés par CBP80 et non sur des ARNm portant eIF4E, ce qui

indique que seuls les ARNm nouvellement synthétisés sont soumis au NMD (Ishigaki et al. 2001). Ceci diffère de ce qui a été observé chez la levure, puisque dans cet organisme le NMD peut avoir lieu sur des ARNm liés à CBP80 ou eIF4E (Gao et al. 2005). Ces travaux ont montré également que l’inhibition de la traduction générale, avec la cycloheximide ou avec des ARNt suppresseurs de codons non-sens, stabilise les ARNm liés à CBP80. En revanche, la surexpression de 4E-BP1, une protéine qui inhibe spécifiquement la traduction dépendante d’eIF4E, n’a aucun effet sur le NMD (Chiu et al. 2004). Enfin, ils ont montré que hUPF2 et hUPF3X peuvent être détectées sur des mRNP immunopurifiées avec un anticorps anti- CBP80 mais non avec un anticorps anti-eIF4E (Ishigaki et al. 2001).

La suite des travaux de l’équipe du Pr. Maquat a montré que non seulement hUPF2 et hUPF3X mais aussi d’autres composants de l’EJC (RNPS1, Y14, SRm160, REF/Aly, TAP) peuvent être détectés dans les mRNP liées à CBP80 et non dans les mRNP fixées par eIF4E (Lejeune et al. 2002). Ceci suggère que les complexes EJC doivent être enlevés de l’ARNm avant ou pendant le remplacement de CBP80 par eIF4E sur la coiffe.

Les travaux de Dostie et Dreyfuss ont mis en évidence que la protéine de l’EJC Y14 peut être trouvée dans les fractions monosomales, fixée sur les ARNm qui sont peu ou pas traduits, mais par contre, elle n’est plus retrouvée dans les fractions polysomales qui contiennent les ARNm qui sont activement traduits (Dostie and Dreyfuss 2002). De plus, ils ont montré que ce retrait de Y14 est dépendant de la traduction (Dostie and Dreyfuss 2002). Ceci suggère que le passage du ribosome, par un mécanisme qui reste inconnu, déplacerait les complexes de l’EJC des ARNm au cours du premier tour de traduction. Ces travaux ont été renforcés par la démonstration que les protéines CBP80, hUPF2, hUPF3X ainsi que les ARNm portés par CBP80 se concentrent dans les premières fractions des gradients de polysomes, contrairement à eIF4E et les ARNm portés par cette dernière qui sont retrouvés dans les fractions plus lourdes (Chiu et al. 2004).

Ces observations ont permis de proposer un modèle pour la reconnaissance d’un PTC lors du premier tour de traduction. Dans un ARNm normal, dans lequel le codon de terminaison est localisé sur le dernier exon, le passage du premier ribosome élimine tous les EJC, de manière qu’à la fin de ce premier tour de traduction, il ne reste plus d’EJC sur l’ARNm. Ensuite le complexe CBP80-CBP20 est remplacé par eIF4E et l’ARNm peut subir une traduction intensive en protéine. Dans un ARNm portant un PTC, le ribosome peut déplacer de la même façon les EJC qui se trouvent en amont du PTC. Mais quand il rencontre le PTC, le ribosome va s’arrêter alors qu’il reste encore un (ou plusieurs) EJC en aval. C’est donc la présence de cet EJC qui n’a pas pu être déplacé qui indiquera que le codon de terminaison sur

lequel la traduction s’est arrêtée n’est pas le bon et que par conséquent cet ARNm ne doit plus être traduit mais ciblé pour la dégradation.

Un aspect qui restait inconnu à ce jour était de savoir si une synthèse peptidique pendant le premier tour de traduction avait lieu. Une étude très récente suggère que cela peut être le cas. Apcher et collaborateurs ont montré que des ARNm portant un PTC peuvent donner lieu à des peptides qui sont des substrats pour la voie du complexe majeur d’histocompatibilité I (CMH I) (Apcher et al. 2011). Dans cette étude, ils ont inséré la séquence codant pour l’épitope SL8 dans le premier exon de l’ARNm de la β-globine qui porte un PTC et ils ont trouvé que l’antigène SL8 est présenté à la surface des cellules transfectées avec cette construction. Ces résultats indiquent qu’il y a synthèse peptidique à partir d’un ARNm qui porte un PTC. De plus, ils ont observé que le fait de bloquer la traduction globale dépendante d’eIF4E a seulement un effet limité sur la production de ces peptides antigéniques, ce qui renforce l’idée qu’ils sont synthétisés lors du premier tour de la traduction à partir des ARNm liés à CBP80 (Apcher et al. 2011).