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5. Les maladies associées aux PTC et approches thérapeutiques

5.2. Maladies provoquées par des PTC qui déclenchent le NMD

5.2.2. Les dystrophinopathies

Les dystrophinopathies sont des maladies récessives liées à l’X causées par des mutations responsables d’un déficit quantitatif ou qualitatif de la protéine dystrophine, une protéine exprimée à la membrane des cellules musculaires et minoritairement dans le cerveau (Muntoni et al. 2003). La forme la plus sévère est la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) qui affecte environ 1 naissance de garçon sur 3500 (Tuffery-Giraud et al. 2009). Chez les patients atteints de DMD, l’absence de dystrophine induit progressivement l’atrophie, la dégénérescence et la nécrose des muscles squelettiques. La faiblesse musculaire rend la marche impossible vers l’âge de 10 ans. Des déficiences intellectuelles sont aussi observées, vraisemblablement dues à l’absence de la dystrophine dans le cerveau (Anderson et al. 2002). L’insuffisance cardiaque et/ou respiratoire due à l’atteinte du muscle cardiaque et/ou du diaphragme, constituent la cause de décès la plus fréquente, qui survient en moyenne à 25 ans (Eagle et al. 2002). Dans la dystrophie musculaire de Becker (BMD), la dystrophine est toujours synthétisée mais dans une quantité insuffisante ou une taille anormale (Tuffery-Giraud et al. 2009). Les phénotypes associés sont très hétérogènes mais en général, ils sont moins sévères que pour la DMD : la progression de la maladie est plus lente et le muscle cardiaque est peu ou pas affecté.

Le gène DMD est le plus grand du génome humain. Il s’étend sur environ 2400 kb, ce qui correspond à 1,5% du chromosome X où il se situe. Le transcrit qui code pour la dystrophine entière a une taille de 14 kb et est composé de 79 exons (Muntoni et al. 2003). Du fait de la présence de sept promoteurs dans ce gène, il peut y avoir trois isoformes longues et quatre isoformes courtes de la protéine. Les isoformes longues Dp427m, Dp427b et Dp427p sont composées des 79 exons et ne diffèrent que par leur premier exon. Ces trois promoteurs ont une activité tissu-spécifique conduisant à une expression de cette forme longue de la dystrophine dans le muscle, le cerveau et les cellules de Purkinje respectivement. Le gène contient aussi quatre promoteurs internes qui donnent lieu à quatre isoformes tronquées en N-terminale Dp260, Dp140, Dp116 et Dp71.

La protéine dystrophine entière se compose de 3684 acides aminés et a un poids moléculaire de 427 kDa (Koenig et al. 1988). Elle est organisée en quatre domaines (Figure 22) : (i) un domaine N-terminal qui se lie à l’actine, (ii) un domaine central « rod » composé de 24 répétitions du motif « spectrin like », (iii) un domaine riche en cystéines qui contient des sites d’interaction avec le β-dystroglycane, et (iv) un domaine C-ter avec un domaine d’interaction avec la dystrobrévine et la syntrophine (Pichavant et al. 2011).

Figure 22. Représentation schématique de la structure de la protéine dystrophine.

ABD, domaine de liaison à l’actine ; Cys-rich, domaine riche en cystéines d’interaction avec le β- dystroglycane ; DSBD, domaine d’interaction avec la dystrobrévine et la syntrophine.

L’association de la dystrophine avec ces protéines constitue le complexe dystrophine- glycoprotéine (DGC) qui sert de pont entre le cytosquelette d’actine et la matrice extracellulaire (Figure 23). Le rôle de ce complexe est de stabiliser le sarcolemme et de protéger les fibres musculaires des dommages causés par la contraction à long terme (Lapidos et al. 2004).

Figure 23. Composition du complexe dystrophine-glycoprotéine (DGC).

C-ter, domaine C-terminal de la dystrophine ; CR, domaine riche en cystéines de la dystrophine ; N-ter, domaine N-terminal de la dystrophine; nNOS, oxyde nitrique synthétase neuronale ; Syn, syntrophine ; Spn, sarcospane. Image de (Pichavant et al. 2011).

Environ 9% des patients atteints de DMD présentent un PTC dans le gène de la dystrophine (Tuffery-Giraud et al. 2009). En général, l’apparition d’un PTC est associée à des phénotypes très sévères de DMD du fait de l’absence de la dystrophine par l’action du NMD sur l’ARNm. De façon intéressante, on a rapporté l’existence de certains cas dans lesquels, malgré l’apparition d’un PTC sur des exons de la partie centrale du gène, il y a toujours synthèse d’une dystrophine légèrement différente de la forme sauvage, qui conduit à des phénotypes moins sévères de type BMD (Ginjaar et al. 2000; Disset et al. 2006). En fait, on retrouve chez ces patients une dystrophine avec une délétion dans le domaine rod. Puisque ce domaine est composé de multiples répétitions du motif « spectrin like », il apparaît que leur nombre peut être diminué tout en conservant une fonctionnalité partielle de la protéine (Aartsma-Rus et al. 2009).

Disset et collaborateurs ont montré que la synthèse d’une telle dystrophine mutée mais partiellement fonctionnelle est possible lorsque la mutation non-sens provoque une altération dans l’épissage qui conduit à l’exclusion de l’exon contenant le PTC de l’ARNm mature (Disset et al. 2006). Par exemple, la mutation c.4250T→A provoque l’apparition d’un codon stop sur l’exon 31 du gène de la dystrophine et en même temps génère l’apparition d’une séquence ESS. Les auteurs ont démontré que cette séquence sert de site de fixation à la protéine hnRNP A1 qui est un répresseur de l’épissage, et par conséquent inhibe l’inclusion de l’exon 31. Puisque l’exclusion de cet exon ne décale pas la phase de lecture de l’ARNm, celui-ci peut être traduit en sa totalité et une protéine dystrophine avec une délétion interne est synthétisée. Notons que la possibilité d’éliminer certains exons internes sans altérer significativement la fonctionnalité de la dystrophine, a conduit au développement d’une des approches thérapeutiques proposées pour le traitement de certains cas de DMD, comme nous verrons un peu plus loin (paragraphe 5.3.1.2).

D’autre part, les travaux du groupe du Dr. Jeffrey Chamberlain sur des souris transgéniques ont permis de montrer que le domaine C-ter codé par les 9 derniers exons du gène de la dystrophine (sur le total de 79) peut être aussi dispensable à la fonction de la protéine, dans le muscle en tout cas (Rafael et al. 1994; Crawford et al. 2000). Comme évoqué plus haut, cette région contient des sites d’interaction de la dystrophine avec la syntrophine et la dystrobrévine. Toutefois, ces protéines peuvent être localisées à la membrane en l’absence du domaine C-ter de la dystrophine, probablement via des interactions directes de la dystrobrévine avec les sarcoglycanes (Crawford et al. 2000).