• Aucun résultat trouvé

Reconnaissance du luxe par des marques (branding) et leurs identités

Chapitre 1 : le luxe, la globalisation et l’expérience de l’espace en hôtellerie

1.1 Le luxe

1.1.2 Instabilité de l’authenticité du luxe

1.1.2.1 Reconnaissance du luxe par des marques (branding) et leurs identités

Aujourd’hui, la représentation du luxe ne peut être dissociée de la marque mais c’est l’attachement à cette marque qui ferait intervenir trois structures de la magie du luxe : le courage et la vaillance au combat qui sont reliés à la guerre, la richesse et la souveraineté essentielles à la compréhension du luxe actuel et l’intelligence à la religion et à la production. (Mathieu et Monneyron, 2015) Par exemple en hôtellerie, les grandes chaines se distinguent par une appartenance à un nom bien précis comme une marque, à l’attribution de la distinction Forbes ou étoiles.

Toutes ces représentations sont transférées dans les domaines sociaux, économiques et politiques. Cependant, ces trois fonctions sont transformées : la puissance de la souveraineté ou de la religion est remplacée par la marque à laquelle on s’identifie. Le guerrier qui

provoque, qui innove, qui conquière, lui aussi verrait son rôle assimilé à la représentation de la marque. Les producteurs ne sont plus des paysans ou des artisans et c’est la demande qui nourrit l’économie. C’est le besoin d’identification de la société à des appartenances qui créerait cette puissance économique. (Mathieu et Monneyron, 2015) Ces représentations sont identifiées dans le milieu de l’hôtellerie par la classification des étoiles et le lobby constitue justement le premier contact du client avec la marque de l’hôtel. La consommation est un facteur identitaire lorsqu’elle se fait en masse, c’est à dire par un grand nombre d’individus ; c’est soit l’arrivée de marques populaires ou, au contraire, une consommation discrète et significative d’un luxe haut de gamme. Le choix de marque influence sur la représentation sociale de l’individu, c’est la raison pour laquelle de nombreuses marques font intervenir des personnages connus pour stimuler une identification. Comme « La démocratisation des marques de luxe » peut entrainer leur dévalorisation, il faut donc faire attention de pouvoir

maintenir la qualité et la rareté du produit en gardant à l’esprit l’origine dans la fabrication et valoriser le savoir-faire. Un rôle important des marques de luxe est de fédérer des

regroupements d’individus autour de son concept en leur faisant croire à sa fonction

identitaire. Seulement ceci ne peut se faire que dans certaines « catégories de luxe » ; en effet distinguer un luxe dit « populaire », d’un luxe un peu plus haut de gamme et d’un luxe de l’excellence proche du « sur mesure » et accessible à un très petit nombre d’individus ne serait pas toujours facile à mettre en place.

Selon les auteurs Eugénie Briot et Cristel De Lassus, les règles de base pour gérer une marque de luxe feraient appel à cinq dimensions : affective, distinctive, identitaire,

ostentatoire et utilitaire ; et comme pour tout concept, il est indispensable de fixer des normes et des limites. Associer différents concepts permettrait un bon développement d’une marque de luxe. Pour ne pas compromettre la qualité et l’exclusivité d’un produit de luxe, il faut paradoxallement veiller à ne pas produire en masse. Comme l’univers du luxe demande beaucoup plus de temps pour être connu et reconnu, pour acquérir une notoriété et une réputation ; la gestion du luxe demanderait aussi une grande polyvalence managériale ainsi qu’une vision globale. (Briot et De Lassus, 2014) La reconnaissance par la société de la perfection, de l’unique est difficile car elle demande un savoir sur des exigences superlatives comme pour le Ritz-Carlton Montréal, un établissement de prestige. Pour la stabilité des marques de luxe à travers les différentes époques, Georges Dumézil, linguistique français et philologue a défini la conception de la société suivant trois fonctions : fonction religieuse sacrée et souveraine, fonction guerrière, fonction de production et de reproduction, c’est la théorie de la tri-fonctionnalité. Selon Patrick Mathieu et Frédéric Monneyron, pour chacune de ces personnalités souveraines, guerrières et productrices, il faut associer des

fonctions duméziliennes de finalité (Athéna déesse de la guerre), de modalité (Athéna déesse de la sagesse) et de matérialité (Athéna déesse des artisans et des artistes). Les

trifonctionnels (TRIF) sont applicables aux marques et seraient définies par la politique absolue du fondateur de la société, de l’hôtel ou de la marque. (Mathieu et Monneyron, 2015)

Le luxe chez Platon Raison Cœur Ventre

Caractéristiques Valeur sociale Super luxe Sensations

Les 3 structures de la magie du luxe de Patrick Mathieu et Frédéric Monneyron

Héroïque Mystique Synthétique

Caractéristiques des structures

Ostentation Descente, intimité, eau et terre

Cout, distinction, élégance, plaisir, rareté, subtilité

Vision du luxe = DIURNE

(air, feu, lumière)

= NOCTURNE

(désordre, folie) (déplacement, échange)

Fonction Dumézil Guerrière Souveraine Productrice

Association de la

déesse Athéna Guerre Sagesse Artiste

Tableau VI. Le luxe chez Platon, les structures de l’imaginaire du luxe d’après Patrick Mathieu et Frédéric Monneyron et les fonctions du luxe de George Dumézil.

Si bien que la raison serait représentée par la valeur sociale de type ostentatoire mise en évidence par les projets pharaoniques comme les constructions de l’hôtellerie de luxe assimilées aux architectures imposantes (la grandeur de l’espace du lobby Ritz-Carlton

Montréal). Le cœur, élément essentiel dans la réflexion avec son côté mystique et sage comme l’aménagement du lobby serait référé avec un lieu stratégique dans l’hôtel tel que la Cour de Palmiers. Enfin, le ventre avec les structures synthétiques qui appartiennent aussi au régime nocturne évoque toutes les sensations à la fois sur les échanges et les déplacements on est dans

la recherche du luxe plaisir, du désir et le lobby se doit de diffuser toutes ces sensations aux visiteurs (parfum Ritz-Carlton).

1.1.2.2 Un accomplissement par le luxe ?

Le luxe ou « lumière », beauté, coût, éternité, excès, faste, rareté, unicité ; tous ces termes en donnent des indices mais pas une définition bien précise. En fonction des cultures, des époques, des individus il ne serait pas apprécié de la même façon. Les auteurs Patrick Mathieu et Frédérick Monneyron distinguent trois classes : le super luxe, la valorisation raison sociale et les sensations. Le luxe ne peut pas seulement être rare et couteux mais il doit être désiré par un plus grand nombre d’individus et il doit « raconter une histoire » ; il détiendrait, selon eux, une dimension anthropologique. Il s’associe à une dimension d’imagination dans le sens où l’individu est à la recherche de l’exception qui dure dans le temps. Il aide à trouver un objet, un ressenti, une émotion rare qui survivra.

1.1.2.3 Luxe sans limite

Le luxe fait appel à un imaginaire qui se véhicule par l’image. Dans la société occidentale d’aujourd’hui et plus particulièrement avec la mondialisation, le terme luxe renvoie à des notions existentielles profondes. En effet, la démocratisation de notre société aurait fait du luxe un refuge face aux agents déstabilisants comme le stress, l’angoisse, les catastrophes naturelles ou sociales voire la mort. La plus grande accessibilité au luxe, ainsi que son développement peuvent aussi engendrer une dévalorisation. Cependant, le luxe évolue, se transforme et devient plus rapproché d’une recherche du plaisir, du désir et du bien-être. Le luxe serait alors « un excellent poste d’observation sociologique et des imaginaires sociaux. » (Mathieu et Monneyron, 2015, p. 138) Le luxe se révèlerait donc comme un phénomène universel et une sorte de locomotive, évoluant suivant les cultures et les différentes classes sociales ; ce phénomène semble s’accentuer avec l’ouverture au monde ainsi que la facilité des déplacements des individus.